L’article de Joseph Mbede « Voici comment l’affaire Nganang a divisé le palais d’Etoudi » cameroonweb.fr, 15/12/2017 (http://cl2p.org/le-fond-de-laffaire-nganang-au-cameroun/) est très instructif sur la manière dont M. Mbede nous plonge dans les coulisses et expose comment est faite la sauce du despotisme légal au Cameroun. Il n’y a rien de réjouissant!
Premièrement, nous remarquons d’emblée que la première dame et la première fille dont les partisans nous ont défini comme des «victimes innocentes» du Dr Nganang sont vraiment les cerveaux derrière les tactiques sournoises et la force brutale qui ont mené au kidnapping et à la séquestration du Dr Nganang.
Comme le CL2P l’a toujours documenté, l’enlèvement et la séquestration de Camerounais ordinaires perçus comme des « opposants » au régime ne sont pas sans précédent au Cameroun, même s’ils témoignent d’un vrai gâchis. L’article de Mbede expose l’arme de la force brutale que le régime de Yaoundé utilise fréquemment contre les personnes déclarées «ennemies de l’État».
Cette approche de la force ne repose pas sur des références à la loi, mais sur les privilèges et la conviction intime des membres de la bulle népotiste créée par le dictateur, qu’un crime doit être commis, quelqu’en soient les conséquences.
À cette fin et dans ces circonstances, ils ne s’autorisent et ne connaissent aucune limite. Ainsi les dames au palais d’Etoudi ne se sont même pas souciées du fait qu’elles pouvaient entacher leur propre « image » et celle du régime qui les nourrit, en s’en prenant de la sorte à Patrice Nganang.
Deuxièmement, dans leur mépris souverain pour le Dr. Nganang, les dames du palais n’ont pas ressenti le besoin de s’inquiéter des répercussions de leurs tactiques agressives, brutales, et sauvages contre un écrivain, de renommée mondiale, doublé d’un activiste des droits humains reconnu et respecté.
De ce que cela allait finir par ternir définitivement la façade cosmétique dite de la «démocratie apaisée» érigée par le régime Yaoundé, et tant claironnée au cours des 35 dernières années. Il est vrai que le régime de Yaoundé aime que ses opposants se taisent et gardent leur bouche fermé, mais le problème ici est que même une fausse démocratie doit pouvoir tolérer et faire semblant d’accepter certaines formes de dissidences.
En effet, les désaccords entre Nganang et le régime de Yaoundé sont substantiels, profonds, et ô combien sérieux. Il serait erroné d’interpréter sa quête de justice, en particulier, pour la minorité anglophone comme motivée par une supposée petitesse d’esprit.
Cela signifierait que la lutte du CL2P pour les prisonniers politiques au Cameroun et ailleurs dans la sous-région serait également motivée par la même petitesse d’esprit. La vraie question au fond est de savoir si toutes les critiques sérieuses contre le régime de Biya doivent être ramenées et réduites à des attaques vicieuses ou à de vilains actes de haine?
Ne pouvons-nous pas reconnaître qu’il y a de profonds désaccords entre nous et ce régime; et que nos vies et nos destins sont clairement en jeu? Est-il même possible de minimiser avec autant de dédain nos insécurités personnelles – comme le font notamment les idéologues tribalo-fascistes du régime de Yaoundé – mettant du même coup en évidence les manières contradictoires et conflictuelles respectives avec lesquelles nous apprécions le monde froid et cruel dans lequel nous évoluons?
Ce que le Dr Nganang fait si bien, c’est essayer de comprendre comment un individu peut se frayer un chemin dans un monde qui l’a défini ou pré-déterminé avant sa naissance, et le coût énorme que nous devons payer pour cette situation.
Tous les Camerounais ordinaires, quelques soient nos opinions partisanes, doivent reconnaître cela comme notre lutte d’émancipation, au lieu de continuer à être complices du fétichisme tribal, familial, et clanique d’un pouvoir voulu éternel par le régime de Paul Biya.
Ainsi, en kidnappant et en séquestrant le Dr Nganang, les dames du palais Etoudi ont par inadvertance ouvert les portes de l’enfer sur leur régime bien-aimé, parce que leur étroiteesse d’esprit et leur arrogance ont montré au monde à quoi ressemble réellement la criminalisation de la politique au Cameroun.
En effet, le Dr Nganang en peu de temps, comparé au régime de Paul Biya, a su capter et maîtriser comme nul autre avant lui originaire du Cameroun le débat dans les médias mondiaux, d’une manière tel que le régime de Yaoundé ne peut et serait à incapable de prétendre, même avec tous ses milliards d’argent public volés et dilapidés chaque jour.
Le CL2P comprend parfaitement que même les politiciens Camerounais ont droit à l’erreur, voire à l’échec; précisément parce que l’erreur et l’échec en politique peuvent être vus comme un droit.
Mais après 35 ans d’ethnofacisme, de suicide économique, de chasse aux sorcières, et maintenant de guerre civile, il apparaît clairement que la mal gouvernance chronique du système a aussi et surtout un prix, y compris pour celles et ceux qui croient être «élus» par Dieu.