Etoudi: comment Paul Biya planifie la purge des cadres Bétis

Béti Ethnie Pouoir Ok Le tribalisme et le clientélisme sont des réalités au Cameroun

Fri, 23 Mar 2018 Source: Dieudonné ESSOMBA

Un proverbe Beti dit qu’on ne dissimule pas un éléphant derrière une feuille de plantain. Toutes les élites Betis ne sont pas des voleurs, certes, mais ce n’est pas cela qui compte ! Le plus important est l’image que nous renvoyons à nous-mêmes et aux autres, car c’est cette image qui structure les liens intercommunautaires dans une Nation à partir des préjugés qu’on a des uns et des autres.

Spontanément, nous avons un préjugé favorable ou non d’une personne venant de tel milieu. C’est une attitude qui relève d’une prudence saine et légitime, car en l’absence d’autres informations, il est fondé de s’appuyer sur des stéréotypes. Et justement, le stéréotype du gestionnaire que l’élite Beti a imposé aux yeux du monde est celui d’un voleur.

Quand, de manière récurrente, les Betis vont en prison, sans que cela change, qu’ils se remplacent dans les postes avec pour seul terme la prison, cela est terrible pour l’image d’une communauté.

Quand, dans un peuple, trois Professeurs d’université du calibre de BEKOLO EBE, OYONO et AYINA OHANDJA, qui ont fait leurs preuves intellectuelles dans tous les milieux compétents du monde, quand des gens comme cela vont en prison le même jour pour des faits de vol de l’argent public, cela est absolument effrayant ! Est-ce qu’un Professeur d’Université vole ?

Les gens me disent : « Tu ne dois pas en parler ! » Si je n’en parle pas, qui d’autre va le faire ? Qui d’autre en a parlé ? Personne ! Est-ce qu’on va indéfiniment vivre dans une pourriture et se taire ? Dans la tradition betie, un tel malheur s’abattant dans la Communauté suscitait l’organisation d’un « MBABI » pour y mettre fin ! On ne peut pas avoir une élite qui se décime comme cela et rester les bras croisés, au motif que son emprisonnement libère les places pour les autres qui vont les suivre ! Il faut mettre fin à ça !

PROBLEME DE LA FEDERATION

Certains ne veulent pas voir le lien entre ces emprisonnements avec la forme de l’Etat, mais bien sûr que c’est lié ! Et cela traduit d’ailleurs la manière dont cette élite perçoit l’Etat du Cameroun : une source de privilèges qu’on va puiser à pleines mains ! Essayez de parler de fédération à l’un d’entre eux et vous verrez : immédiatement, les yeux se révulsent, les cheveux se redressent comme les piquants d’un porc-épic furieux, et un tic nerveux secoue sporadiquement son cou de colère! Car dans son esprit, vous avez osé évoquer un système qui le prive des légitimes attentes à accéder à un poste juteux, de préférence gérant la liquidité. Il est alors prêt à recourir à tous les paralogismes, tous les sophismes, toutes les menaces, toutes les intimidations pour vous prouver que l’Etat unitaire, de préférence centralisé, est le meilleur possible.

C’est proprement hallucinant !

Qu’est-ce que BEKOLO EBE, AYINA et OYONO allaient faire à Douala pour aller boire la prison de manière aussi indécente ? Dans un système fédéral, le Président de la République ne nomme pas les responsables des Universités par décrets ! Les décrets de Biya sont des instruments de pérennité de son pouvoir : il n’accepte jamais d’individus propres qui échapperaient à son autorité. Et si vous êtes sale, il vous maintient puisque cela lui permet de vous fermer à jamais la bouche, de s’assurer irrévocablement de votre fidélité et de vous utiliser comme une chèvre à sacrifier le moment venu.

Dans une fédération, c’est le Gouvernement régional qui choisit le recteur en Conseil de Ministres régionaux sur la base des recommandations d’une instance académique, qui peut être un Assemblée de professeurs. La moindre faute est vite identifiée et la sanction tombe sans attendre que le mal atteigne des seuils critiques.

Dans un tel système, BEKOLO EBE, Dieudonné OYONO et AYINA n’auraient jamais pu occuper ce genre de poste à Douala, et même si cela arrivait, les autorités régionales qui gèrent l’Université n’auraient jamais attendu que la situation pourrisse ! Ils ne seraient pas en prison en tout cas.

Il en est de même des entreprises publiques qui sont également le tombeau de cette élite, avec l’actualité des SOLLO et autres ATANGANA KOUNA, sans compter les autres quidams déjà en prison ! ATANGANA KOUNA, le fier ATANGANA KOUNA qui parlait en mimant les blancs, et se prenait pour le nombril du pape, parlant de la « haute confiance » du Dieu d’Etoudi, cet ATANGANA KOUNA qui est parti subrepticement, fugitif et apeuré, avant qu’on aille le prendre au collet comme un petit rat dans un bled au Nigeria ! Quelle image ! Quelle humiliation !

Dans une fédération, les entreprises publiques ont pour actionnaires les Etats fédérés qui forment un Conseil d’administration opérationnel. C’est ce conseil qui choisit les directeurs généraux et les démet en fonction de leurs résultats, et non le Chef de l’Etat par décret. Pas besoin, de Conseils d’administration formés de fonctionnaires, sans le moindre intérêt dans l’entreprise, et qui donnent des quitus après avoir perçu leurs perdiems. Avant que les inspecteurs d’Etat viennent dévoiler le lièvre… Sur instructions de Biya !

Eh oui, Biya ! Au Cameroun, qui nomme les DG ? C’est Biya ! Qui les démet ? C’est Biya ! Qui les contrôle ? C’est Biya ! Qui nomme les recteurs ? C’est Biya ! Qui les démet, c’est Biya ! Qui les poursuit ? C’est Biya ! Qui les emprisonne ? C’est Biya !

Biya, toujours Biya ! Tout, tout est Biya ! Tout tourne autour de Biya ! Iiiki ! Akié ! Même les Pharaons n’avaient pas un tel pouvoir ! Et ce pouvoir monstrueux, les réseaux Ekang qui l’entourent ont cru en profiter pour faire passer des propositions qui les positionnent dans les institutions qui brassent l’argent. Croyant se moquer de Biya alors que c’est lui qui se moquent d’eux !

L’argent a envoûté l’élite betie au point où elle n’a plus conscience de rien, ni de sion ététa, ni de son avenir, ni même de sa communauté dont elle se fiche comme d’une guigne, alors qu’elle l’appelle au secours chaque fois qu’elle se sent menacée. Egoïste, égocentrique, vaniteuse et sans substance, la seule chose qui lui importe, c’est les dorures du poste, c’est l’argent ! Et pour l’argent et les postes, ils sont prêts à tout, à vendre les leurs, à détruire les frères, à tuer. Pour quelles fins finalement ? On ne sait pas ! On ne voit pas exactement ce qu’ils font de l’argent ! Yaoundé, en plein cœur Betie, n’a rien qu’on puisse montrer qu’un Beti a fait de l’argent, au moment même où les lampistes qui les aident à détourner cet argent arrachent tout à Yaoundé : les terrains, les immeubles, les Hôtels, les magasins, les infrastructures productives, tout !

Il faut mettre fin à ce système ! Il faut sortir de ce système de Pharaon, où une divinité totémique absorbe toute l’énergie de la Nation, décide à la place de tout le monde, fait tout ce qu’elle veut, sacrifiant qui elle veut au moment où elle veut, pour ses besoins de perpétuation au pouvoir.

Lorsque des gens peuvent s’assoir pour demander à un homme vieilli et usé de 85 ans, en 2018 de se représenter comme Président dans un pays au bord de l’implosion, il y a quelque chose de démoniaque dans ce régime et ce système. On ne peut pas réduire la gestion d’un pays à un seul individu, mettre de côté la Nation et l’ériger en un Pharaon, un Totem alors que manifestement, il est trop usé, trop âgé et surtout, dépassé et pilotant en plus un système obsolète et vermoulu, devenu dangereux pour tout le monde, y compris de la communauté dont lui-même est issue alors qu’elle est accusée de l’avoir accompagné dans l’abîme où il a plongé le pays.

A supposer même que les Betis soient jugés par les Camerounais de si bons Présidents que le Cameroun ne puissent pas se passer d’eux, n’y a-t-il donc pas, parmi les 5 Millions de Betis du Cameroun, un autre qui peut le suppléer ? Ou alors, peut-on soupçonner que ces emprisonnements ne soient qu’une stratégie d’élimination d’une compétition interne ? Pourquoi pas, puisque certains milieux le soutiennent!

Non, non et non ! Il faut arrêter avec ça !

IL FAUT FEDERALISER LE CAMEROUN

Il faut définitivement mettre fin à ce système, non seulement pour les Betis, mais pour tout le monde et pour l’éternité, en rendant impossible la réapparition des Pharaons et des Totems à la tête du Cameroun, quelle que soit leur origine.

Et cela passe par la dispersion du pouvoir d’Etat sur les segments territoriaux sous la forme d’une Fédération en bonne et due forme. C’est le seul moyen de limiter le pouvoir au sommet de l’Etat. On ne contrôle pas un Etat jeune et surtout aussi hétéroclite sur le plan humain par le sommet à travers les pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) comme le prétendent certains illuminés qui viennent radoter des concepts mal assimilés. De toute manière, celui qui contrôle l’armée contrôle tout ! On ne voit pas très bien comment un juge peut donner des ordres à un Chef d’Etat qui dispose d’une garde présidentielle hyperarmée, ethnicisée et qui lui est fidèle jusqu’à la mort.

Ce qu’on fait, c’est de réduire le pouvoir de l’Etat central à sa stricte nécessité en le dispersant à travers un Etat segmentaire, où les principales sources de détournement de fonds sont radicalement réduites. Les Etablissements Publics, autant que possible, et notamment les Universités doivent être gérées par leurs Etats fédérés, les actions des entreprises publiques partagées aux Etats et gérées par les Conseils d’administration formés par ces Etats.

Dans un cadre Fédéral, le grand nombre de Betis qui sont en prison ne l’auraient jamais été, car ils n’auraient pas occupé aussi massivement des postes de responsabilités et aussi longtemps, jusqu’à détruire les structures.

Cette nécessaire dispersion permet également de désamorcer la bombe qui plane sur le Cameroun, avec ces tribus placées dans un face à face meurtrier, chacune aiguisant ses machettes pour mettre la main au pouvoir après Biya.

Auteur: Dieudonné ESSOMBA