Etoudi : l’empire Biya s’effondre

L’empire Biya s’effondre

Thu, 2 Dec 2021 Source: Richard Makon

L’universitaire camerounais Richard Makon analyse la fin du régime Biya dans une tribune. Le pouvoir de Biya selon ce dernier est sur le point de s’effondre comme un empire. La généralisation de la corruption, de la gabegie et des injustices, l’affrontement ouvert des prétendants, sont entre autres les maux qui minent le régime Biya selon le chercheur.

Du point de vue politique, un empire désigne une forme de communauté politique constituée de peuples différents autour d’un pouvoir central unique, ne dépendant d’aucun autre pouvoir, qu’il soit temporel ou spirituel. Mais le plus souvent, derrière ce vocable, l’on désigne, premièrement, un régime autoritaire de type monarchique dans lequel le pouvoir est détenu par un empereur, deuxièmement, un État ou ensemble d’États soumis à un tel régime autoritaire, troisièmement, dans une perspective de catégorisation, un grand ensemble de pays dépendant d’une même autorité, que celle-ci soit exercée par un empereur ou non, tel qu’un vaste empire colonial.

C’est le cas de l’empire colonial français. Il faut cependant reconnaitre que la notion d’empire reste assez floue, dans la mesure où elle ne renvoie pas à une organisation politique précise. On l’emploie dans le dessein de désigner une pluralité de réalités politico-institutionnelles, comme autrefois les républiques (Athènes au Ve siècle avant Jésus-Christ), les monarchies (l’Autriche au XIXe siècle), les confédérations (le Saint-Empire romain germanique au Moyen Âge), et de nos jours les dictatures et les oligarchies. S’il reste constant que l’empire n’a que très rarement qualifié un régime démocratique, telle la 3e République française, la notion, dans la plupart des cas, est péjorativement connotée.

Tous les empires se ressemblent ! Du point de vue formel, ils se caractérisent par l’iniquité des règles juridiques, une inclinaison pour le déni de justice, la violation systématique des droits de l’homme et des principes élémentaires d’humanité, la restriction de l’espace des libertés, de fortes hypothèques sur le droit de propriété et les libertés d’entreprendre, de commerce et d’industrie. Du point de vue substantiel, ils se caractérisent généralement par une concentration accrue du pouvoir entre les mains d’un seul, d’une caste ou d’un clan, un accaparement des richesses et des ressources par quelques-uns au détriment de la grande majorité, un contrôle exacerbé des rentes, une privatisation des licences, des privilèges et des monopoles.

Mais ce qui est également constant, c’est que tous les empires s’effondrent un jour, et de la même façon ! Toutes les chutes d’empires se ressemblent donc, avec amoncellement de signes précurseurs de l’effondrement, un affaiblissement visible du pouvoir central, l’altération de son talent d’illusionniste, l’impuissance affligeante de l’ordre gouvernant à satisfaire les besoins élémentaires de sa population, la généralisation de la corruption, de la gabegie et des injustices, l’affrontement ouvert des prétendants que la course aux privilèges et aux rentes a rendu fous, la neutralisation des factions qui se disputent le pouvoir suprême, le tout coïncidant avec la montée des inquiétudes, la lassitude de l’armée des indigents élevée par la mal gouvernance et la corruption. Le Cameroun d’aujourd’hui répond à s’y méprendre à cette description !

Auteur: Richard Makon