Etoudi: qui parrainera le Coup d’Etat électoral de Maurice Kamto ?

Etoudi Coup Detat Constitutionnel Les résultats officiels sont attendus d'ici le 22 octobre prochain

Fri, 12 Oct 2018 Source: Charles Kabang

D’emblée, l’opposition camerounaise ne faisait nullement confiance au pouvoir quant à la bonne organisation des élections du 07 octobre 2018. Il s’agit là d’un réflexe, cher à une certaine opposition africaine, d’accuser le pouvoir de fraude avant, pendant, après élections.

Pourquoi l'opposition camerounaise (huit candidats) s’est-elle entêtée à participer à des élections organisées par le pouvoir d'Etat ? Pourquoi a-t-elle embarqué les populations dans cette expédition douteuse ? Elle poursuivait ses intérêts, ses agendas secrets. Et maintenant que l'élection a eu lieu, l'un des opposants, au mépris de la loi, des institutions, et sur la base de ses informations à lui, se proclame «président élu» tout en accusant le parti au pouvoir de fraude. Après son auto élection comme président élu du Cameroun, deux jours après le scrutin présidentiel, Libération a accordé une interview à l’opposant Maurice Kamto. Les lecteurs de Libération au Cameroun se comptent au bout des doigts, idem pour les lecteurs de Libération passionné par l'actualité camerounaise. Il s'agissait donc d'une tribune en destination des dirigeants européens et français.

Dans cette interview, d’un drôle de complaisance, on laisse entendre que Maurice Kamto est « considéré comme le principal adversaire du président sortant, Paul Biya, … ». Qui donc considère Kamto comme le principal adversaire de Paul Biya ? Le parti au pouvoir, le RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais) est-il sur le même pied d'égalité que le MRC (Mouvement pour la Renaissance du Cameroun) de Maurice Kamto ? Bien sûr que non. Le poids politique du MRC, propriété privée de monsieur Kamto comparé au poids politique du RDPC, propriété privée de monsieur Paul Biya est ridicule.

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Lors du dernier scrutin législatif en 2013, quand le RDPC présentait aux électeurs 85 listes, le MRC n'en avait que 07. Résultats, sur les 180députésde l'Assemblée Nationale, le RDPC en148, et le MRC 1. Quant aux conseillers municipaux, sur les 9.666 le parti au pouvoir compte plus de 8000. Tous ces élus sont autant de serviteurs de Paul Biya qui sont dans les endroits les plus reculés pour demander aux populations de voter. Je veux bien croire à la popularité internationale de Maurice Kamto, mais politiquement, il ne représente pas grand-chose. Le présenter comme le principal adversaire de Paul Biya est une fantasmagorie. Le coup d'Etat de Maurice Kamto.

Se déclarer «président élu», le lendemain d'un scrutin à un tour, relève ni plus ni moins que d'une tentative de pustch électoral. Maurice Kamto accompagne alors cette auto-élection en accusant le parti au pouvoir d’avoir fraudé. Quant aux autres opposants, ils ont cessé d'exister pour Kamto. En prenant les devants, en se rendant lui-même justice, en annonçant au monde qu'il est la vérité des urnes, l'opposant Maurice Kamto a court-circuité tout le monde.

Et la presse, tachant toujours d’informer, relaye l’information, relaye cette tranquille tentative de coup d’Etat d’un illuminé sans la dénoncer. C'est l’Afrique, ça se comprend. Il est vrai que l’Afrique est championne de ce genre de posture post-électorale qui vise davantage à quémander une ingérence internationale qu’à mobiliser ses troupes, ses militants à l’intérieur du pays, que la plupart du temps, on n'a pas ou très peu. Que répond monsieur Kamto à Libération pour justifier son auto proclamation ?

« Nous l’avons fait sur la base d’informations fiables que nous avons déjà rassemblées », commence-t-il. Eh bien, il commence mal. Il proclame la fiabilité des informations de la même manière qu’il se proclame élu. Aucune démonstration. Aucune preuve. Il faut croire Kamto sur parole : Je suis président élu car j’ai des informations fiables et puis c’est tout…cela relève d’une logique messianique, néo-évangélique dont on voit le plein succès en Afrique, avec ces Généraux de Dieu… ces Prophètes…ces Envoyés de l’Eternel qui drainent des foules sur la base de leurs révélations célestes tout aussi fiables.

Kamto sabote tout simplement l’autorité de l’Etat. Un Etat, qui par ses institutions, a rendu possible sa candidature. Il a participé librement à une élection organisée par des institutions, il ne saurait subitement nous parler d’informations fiables qui n’émanent guère de ses institutions. Il ne fait qu'exprimer son sentiment selon ses intérêts. Ensuite, le Professeur agrégé de Droit Public ajoute : «Dans la plupart des pays du monde, les résultats sont proclamés le soir même ou le lendemain du vote. Au Cameroun, le Conseil constitutionnel, dont tous les membres sont nommés par le Président, dispose de quinze jours pour le faire. »

Oui, et c’est la loi, à laquelle il pouvait toujours tourner le dos, en refusant de participer à cette compétition électorale. L’article 137du Code électoral stipule : « Le Conseil constitutionnel arrête et proclame les résultats de l'élection présidentielle dans un délai maximum de quinze (15) jours à compter de la date de clôture du scrutin. » Et puis, que les résultats soient proclamés dans la plupart des pays du monde le soir même n’est ni un argument, ni une valeur en soi, ni une justification à sa prétention d’avoir gagné. Il y a des tas de choses qu’on fait au Cameroun en deux trois semaines et que dans ces pays, on le fait en un, deux, trois jours.

Rien n’obligeait monsieur Maurice Kamto de mêler son nom à des élections aussi extravagantes, avec des lois aussi mauvaises. Maurice Kamto, voyant cet article du Code électoral pouvait bien renoncer à cette mascarade. Il ne l'a pas fait. Il a plutôt apporté sa caution morale à ces institutions. Et maintenant, on découvre, qu’en vérité, il rusait avec l’Etat, avec les lois, mais pourquoi les populations n'étaient point informées de ce subterfuge individuel. Cette attitude est un crachat à la face de tout un pays. Et dans le contexte camerounais actuel, c'est immoral et irresponsable.

Il dit plus loin dans l’interview: «Nous savons qu’il y a eu des fraudes: dans le nord du pays, les communications ont été coupées entre 18 heures et 19 heures sans raison officielle. Néanmoins, avec les procès-verbaux en notre possession, j’ai la certitude d’une victoire incontestable. Pourquoi attendre ? Tout ce que je revendique, c’est l’alternance par les urnes. Je n’ai rien fait de criminel. »

Presque tous les candidats de ces élections dénoncent des irrégularités et des fraudes. Mais seul monsieur Kamto s’est d’ores et déjà déclaré Président. Qu’ils savent chez Kamto qu’il y a eu des fraudes c’est une chose. Maintenant, pourquoi ces fraudes viendraient-elles uniquement du parti au pouvoir ? Le reste de la société est si pur que ça ? Et pourquoi le crime lui profiterait et pas à un autre candidat de l’opposition ? Il y a une volonté de sabotage pur et simple. C’est l’organe qui a validé sa candidature qui est chargé du contentieux électoral…alors, pourquoi cette précipitation ? Kamto veut jouer au plus malin: plus malin que ses copains de l’opposition, plus malin que l’Etat, plus malin que les Camerounais. Il a préparé son coup….

Il parle de victoire incontestable. Comment ça incontestable ? Il n’y a que Kamto qui dit vrai. Le bon et juste Kamto. Le reste, des impopulaires fraudeurs. Forcément. Sa victoire à lui est incontestable…mais enfin, sur quelle base ? Les procès-verbaux ? Seulement, il se trouve que, selon ELECAM, l’organe chargé d’organiser les élections et qui a permis à Kamto de gagner, le parti de Kamto n’a pas pu dépêcher plus de 20% des scrutateurs sur les 24.000 bureaux de vote. Alors, par quel miracle est-t-il rentré en possession de tous les pv ? Et pourquoi nous sort- il le « incontestable », alors qu’il y a précisément contestation, contentieux. Les arguments de Kamto sont surtout d’étranges petites manipulations. Il n’a rien fait de criminel, se défend-il…personne ne l’accuse d’avoir fait un crime. Qu’il ne fasse pas la victime. Lorsque la journaliste fait savoir à monsieur Kamto que son auto-élection ne fait pas l’unanimité, notamment au sein de l’opposition, ce juriste fait savoir tout humblement qu’il note que leur position fait moins de « bruit » que sa déclaration.

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Le souci de la vérité importe peu, ce qui compte c’est le « bruit », le désordre, le cafouillage. Il finit de répondre à la question en disant : « Sous Paul Biya, les populations ont été «zombifiées», tétanisées. On a longtemps eu l’impression dans ce pays d’une sorte de syndrome de Stockholm, où les gens finissaient par aimer leurs bourreaux. » Analyse à deux balles, qui relève plus du jugement à l’emporte-pièce que d’une véritable pensée. S’il y a un « zombifié »dans l’affaire, c’est Kamto. C’est lui qui a soutenu l’opposant Fru Ndi en 1990, et puis a rejoint le gouvernement de Paul Biya en 2004 en abandonnant les salles d’amphi trop plein, pour après créer sa chapelle politique en 2011 parmi tant d’autres que comptaient déjà l’opposition. C’est lui qui revient du cimetière qu’est le régime Biya, pas les populations, elles n’ont jamais été dans la gestion des affaires de l’Etat.

Un tel zigzag politique pendant que les populations baignaient dans leur constante souffrance traduit surtout la solitude des populations camerounaises et le carriérisme des élites. Et si Biya a pu faire 35 ans au pouvoir, ce qui en soi, n’est pas un problème, c’est grâce à l’aide précieuse et multiforme d’un très large éventail d’élites locales, d’artistes, d’autorités traditionnelles, d’autorités religieuses, de l’armée, de chefs d’entreprises, de sportifs, d’hommes politiques dit de l’opposition, et surtout d’innombrables intellectuels dont le fameux Maurice Kamto. Il n’a donc aucune leçon à donner aux populations. Il n’a jamais été leur compagnon de route. Les Camerounais ne sont guère tétanisés, cette croyance ne peut qu’être le fait d’un néo allumé (ou illuminé) ...d'un putschiste malhabile. […] Si ce n'est qu'une histoire de meeting, le RDPC de Biya aussi en fait, davantage que lui.

Kamto se demande si on « peut-croire un instant que les Camerounais seraient aujourd’hui capables de reconduire au pouvoir par les urnes un homme de 85 ans » […] Il ne s’agit pas de croyance. Mais de faits. Et oui, qu’il le veuille ou non, les Camerounais sont capables de reconduire par les urnes un homme de 85 ans. Ce n’est pas sorcier. Et c'est à cause des gens comme lui. Car, prétendre que Paul Biya a régné sans partage depuis 36 ans, alors que monsieur Kamto a accompagné cet homme de 85 ans pendant sept bonnes années au gouvernement, il y a tout justes sept ans. L’état des routes, les classes avec 150 élèves, l’état sanitaire lamentable du pays …n’étaient guère mieux à cette période. […] On poursuit l’analyse de Sir Kamto. A la question de Libé : N’avez-vous pas peur de pousser vos militants à affronter les forces de l’ordre dans la rue, en cas de non-reconnaissance de ce que vous considérez comme votre victoire ?

"L’élu du peuple" répond : « Je n’ai jamais incité à l’insurrection. J’ai parlé de « changement dans la paix », j’ai offert des garanties d’immunité au président sortant. Nous allons pacifiquement mais fermement défendre les résultats que nous avons compilés. Mais la légalité ne vaut que si les lois sont justes. Cessons de croire que les institutions bancales de ce pays sont crédibles. En 2014, le régime a fait passer une loi, qui sous couvert d’antiterrorisme limite en réalité toute liberté d’expression et de manifestation. J’ai été l’un des premiers à combattre cette loi liberticide. Il y a aussi des lois qui maintiennent dans la servitude. » […] […]

Pour conclure, la journaliste pose au putschiste Kamto une sympathique question paternaliste : Que pensez-vous enfin de l’attitude des Occidentaux à l’égard du Cameroun ? Ouvrez grand vos oreilles, « l’élu du peuple » camerounais répond en fils : «Je note avec surprise que l’Europe n’a pas envoyé d’observateurs à ces élections, alors qu’elle le fait souvent en Afrique. N’a-t-elle pas intérêt, elle aussi, à un changement pacifique au Cameroun ? C’est un pays qui pourrait être prospère, qui a beaucoup de ressources naturelles. Et pourtant les Camerounais migrent en masse vers l’Europe. Ça me rend malade. Mais pourquoi l’Europe ne s’implique pas d’avantage, alors qu’elle affirme être saturée par l’immigration? Quant à la France, c’est pareil. Elle ne se montre pas plus impliquée dans le changement, malgré ses intérêts économiques dans ce pays. Je ne demande pas qu’on m’adoube, mais que sur la simple base d’informations disponibles pour tous, on regarde ce peuple et qu’on se demande s’il mérite de continuer à vivre dans cette impasse. »

[…] L’avocat Maurice Kamto défend la souveraineté de la Guinée Equatoriale. Et l’homme politique Maurice Kamto brade la souveraineté du Cameroun, pays qu’il entend diriger. Et après, c’est ce monsieur qui donnera des leçons de conduite aux populations. Imposture. Il ne s’épanche guère sur les intérêts que le Cameroun a en Europe, mais les intérêts que les européens ont au Cameroun. Il les supplie de venir faire les courses de ressources naturelles, il y en a plein au Cameroun. Il pleure pour la France, qu'elle est saturée avec l'immigration, même pas un mot à l'endroit des travailleurs d'origine africaine parfois maltraité dans cette France saturée. Et il se targue de panafricanisme. Chose plus grave, son instrumentalisation honteuse de la question migratoire. Il a osé dire que les Camerounais migrent en masse.

En 2007 et ça n’a pas beaucoup changé, le nombre d’émigrants en Europe de nationalité camerounaise est de 170 363 personnes. Pour l’Europe, la France et l’Allemagne sont les deux pays les plus sollicités. Et quand on prend ces deux pays, et qu’on essaye de voir la liste des 10 premiers pays d’où proviennent les immigrés, le Cameroun n’y figure. Le Cameroun c’est 25 millions d’habitants. C’est un pays qui lui-même accueille, dans des conditions précaires certes, plus de 259 000 réfugiés de la République Centrafricaine hébergés dans les régions de l'Est, de l'Adamaoua et du Nord, tandis que 20 000 autres résident dans les zones urbaines.

Et la région de l'Extrême-nord, région la plus pauvre du Cameroun, près de 87 000 réfugiés nigérians ont trouvé refuge dans le camp de Minawao en mi-avril 2017. Alors, prétendre que les Camerounais migrent en masse, non seulement est un mensonge mais c’est aussi une légitimation l’idéologie criminelle et raciste des partis d’extrême droite en Europe. Il n’y a pas plus de déplacés en Europe, qu’il y en a en Afrique. Le fait migratoire n’est pas spécifique à l’Europe. La question qui devrait jaillir dans la tête de cet intellectuel Kamto est: Pourquoi la question des migrations est plus accrue dans les pays avancés?

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Mais bon, Maurice Kamto semble davantage soucieux du confort des européens que du sort des masses africaines, que du sort réservé à la quantité d’africains dont quelques camerounais en Europe ou dans le monde. […] Que ceux qui sont derrière ce triste personnage abandonne leur projet. Que la presse internationale, comme à son habitude ne fasse pas, lorsqu'il s'agit des pays africains, preuve d'une superficialité inouïe et de jugement hâtif, qu'elle nous épargne ces fameux «Dictateurs africains...», qu'elle aide les populations locales à démasquer tout imposteur qui se présente devant elles, avec en poche des contrats de pillage.

Que la communauté internationale, les ONG surtout, veuille bien se tenir à l’écart de cette querelle électorale, qui en vérité, est d’un profond ennui comparé aux défis des temps présents, aux défis du Cameroun, aux défis de l’Afrique. Kamto nous fait ramer, laissons-le couler et que même l’Aquarius, ne s’épanche sur son sort.

Auteur: Charles Kabang