La révélation est d’Amnesty international. Elle demande aussi la libération de ces enfants arrêtés dans le cadre de la lutte contre Boko Haram et détenus sans mobile depuis le 20 décembre 2014 au centre de détention pour mineurs à Maroua à l’Extrême Nord .
Dans un communiqué de presse daté du 19 juin 2015, l’organisation non gouvernementale appelle les autorités camerounaises à libérer ces détenus, dont l’âge n’excède pas 17 ans.
«Le 20 décembre 2014, les forces de sécurité camerounaises ont effectué des descentes dans plusieurs écoles de la ville de Guirvidig. Elles ont arrêté 84 enfants et 43 hommes, dont de nombreux enseignants. Seuls trois de ces enfants ont plus de 15 ans, et 47 ont moins de 10 ans», lit-on dans le document de l’Ong. La descente des forces de sécurité entrait dans le cadre de la lutte contre l’hydre Boko Haram. Pour justifier l’arrestation des enfants, «les autorités affirment que les écoles en question servaient de couverture à des camps d’entraînement de Boko Haram.»
Six mois après leur arrestation, les enfants concernés sont toujours détenus dans un centre pour mineurs à Maroua, la principale ville de l’Extrême Nord, «alors qu’ils n’ont été inculpés d’aucune infraction.»
Directeur régional adjoint d’Amnesty International pour l’Afrique occidentale et centrale, Steve Cockburn soutient qu’ «il est impensable de maintenir des enfants de cet âge loin de leurs parents pendant si longtemps, en leur apportant si peu de soutien. Ils ne veulent rien d’autre que rentrer chez eux et être avec leurs familles. Ils ne méritent pas de subir les dommages collatéraux de la guerre contre Boko Haram. Détenir de jeunes enfants ne permettra aucunement de protéger les Camerounais qui vivent sous la menace de Boko Haram. Le gouvernement doit tenir son engagement à respecter les droits humains dans la lutte contre Boko Haram, et libérer ces enfants afin qu’ils puissent retrouver leurs familles sans délai».
Couvert de sang
Nourrir autant de bouches relève d’un parcours du combattant. Pour pallier à la défaillance des autorités locales, le Fonds des nations unies pour l’enfance (Unicef) a fourni des matelas au centre. Le Programme alimentaire mondial (Pam) apporte de la nourriture «dont les stocks commencent à s’épuiser.» Amnesty International veut, non seulement la libération des détenus, mais également que lumière soit faite sur les évènements du 20 décembre 2014.
«Une force mixte réunissant des policiers, des gendarmes et des militaires a bouclé des quartiers de Guirvidig et effectué des descentes dans des écoles que les autorités locales accusaient de recruter des enfants pour le compte de Boko Haram. Or, aucune attaque n’avait été signalée dans la ville.
Des témoins ont rapporté que, pendant l’opération, les hommes et les garçons avaient été rassemblés et avaient attendu plusieurs heures sur une place publique, avant qu’on ne les fasse monter de force dans des camions. Les enfants ont été maintenus en détention au quartier général de la gendarmerie pendant quatre jours, puis transférés dans un centre pour mineurs dirigé par le ministère des Affaires sociales. Les hommes ont été emmenés à la prison centrale de Maroua, où ils sont toujours détenus dans des conditions extrêmement précaires.»
Un enfant a relaté à Amnesty : «Nous étions en train de lire le Coran lorsque des agents des forces de sécurité ont fait irruption dans notre école. Ils ont demandé nos cartes d’identité et nous ont interrogés. Ils ont dit qu’ils allaient creuser une tombe et nous jeter dedans. Nous étions terrorisés. Ensuite, ils ont brutalisé nos professeurs... certains avaient le visage couvert de sang. »
Les forces armées ne devraient pas se tromper d’ennemi. L’adversaire se trouve ailleurs. Dans son adresse aux Camerounais le 31 décembre dernier le président Paul Biya a bien fait d’indiquer qu’il ne s’agit pas du tout «d’une guerre dont la religion était l’enjeu.» Il est question « d’une réponse à une agression extérieure de la part d’une organisation terroriste qui n’adhère pas aux valeurs d’une société fraternelle.»