Les commentaires entendus à la radio, à la télé ou sur les réseaux sociaux sont des plus divers. Normal. Les chefs d’Etat français et camerounais nous ont gratifiés d’un bel échange de langue de bois et de discours diplomatiquement corrects. De quoi dérouter tout le monde. Tout a été dit ou presque. Avantage Biya, comme on dit au tennis.
Il s’en trouve encore au Cameroun pour s’offusquer que François Hollande, le président français, ait été reçu au Palais de l’Unité avec, en fond sonore, une belle musique classique et pas sous le tempo d’un bon Makossa ou d’un bon Bikutsi. N’en déplaise à quelques-uns, c’est la poire coupée en deux. Les grands classiques connus, Haendel, Mozart ou Beethoven n’ont jamais été Français. Ils étaient autrichiens ou allemands. Mais, ce François Hollande-là n’aurait pas fait la moue si on lui avait servi une belle mélopée de Richard Bona, le camerounais qui aura surclassé tous les bassistes qui pointent à l’ANPE en France.
La Poire Coupée en deux
D’avoir été le meilleur élève de François Mitterrand il y a une vingtaine d’années, on voit bien le résultat : Biya est devenu plus malin et plus intelligent que ses maîtres d’hier. Il n’a plus de leçons à apprendre de personne. Même pas de François Hollande, lequel ne s’avisera pas de tenir le même discours de Cotonou à Yaoundé.
Sur l’alternance bloquée ou sur les conférences nationales souveraines sans objet sous Paul Biya. C’est Paul Biya qui avait raison lorsqu’il annonçait, au tournant des années 90 après le discours historique de la Baule, que ce machin-là était sans objet. Pour preuve, tous les pays, qui ont eu l’imprudence d’en organiser une, ne sont pas sortis de l’auberge et s’en sont plutôt moins bien sortis en termes de démocratie, de libertés ou même simplement des droits de l’homme.
Les deux Congo ont bien tenu leur conférence nationale souveraine. On voit bien où ils en sont aujourd’hui. Le Cameroun fait cent fois mieux, sans jamais être passé par une conférence similaire. Au Cameroun, pays libre et indépendant, il y en a un seul qui est véritablement souverain : c’est Paul Biya.
Et sur cette proclamation du Président Biya, François Hollande semble d’accord. À bon rat, bon chat. sinon, le Président français n’en serait pas à demander à son homologue camerounais de se payer, en violation de la constitution et de toutes les lois connexes comme le code pénal, de faire preuve d’humanisme et de libérer exceptionnellement l’avocate franco-camerounaise nommée Lydienne Yen Eyoum. Ce serait une mesure plus grave encore que la dernière violation de la même constitution. Laquelle a permis à Paul Biya de briguer une énième fois et sans fin, ad vitam aeternam, un nouveau mandat à la présidence de la République. Autant de fois qu’il voudra.
François Hollande est brillant d’intelligence et n’aborde pas les questions qui fâchent et qui pourraient disqualifier le grand dispensateur de leçons de démocratie et de séparation des pouvoirs. Aussi, ne s’est-il pas chargé de poser la question sur Lydienne Yen Eyoum. Un journaliste français s’en est occupé. Dans la constitution camerounaise, le Président de la République n’a pas le droit de gracier les citoyens qui se sont rendus coupables de détournements de fonds publics. En réponse à cette question piège, Paul Biya aura une réponse lumineuse d’intelligence et de diplomatie : « Je verrai, si la constitution me le permet et si telle est la volonté de l’intéressée… »
Ceux qui se sont frottés au dossier Lydienne Yen Eyoum sauront apprécier l’art du Président Biya dans la langue de bois. il sait mieux que tout le monde que la constitution, que l’on dit avoir été taillée à sa mesure, lui interdit d’amnistier ou de gracier les détourneurs de fonds publics. L’argument est imparable.
De plus, on sait aussi que Lydienne Yen Eyoum n’a jamais voulu plaider coupable pour bénéficier des mesures d’abandon des poursuites dès la restitution du corps du délit. Elle est restée toujours droite dans ses bottes et n’a jamais reconnu qu’elle s’est bel et bien approprié l’argent de l’état. Sur la nature du milliard de FCFA qui a fini dans son compte personnel, le débat n’a toujours pas été évacué, y compris parmi les avocats commis pour sa défense. Tout est encore discutable.
Était-ce toujours de l’argent de l’état lorsqu’un ministre de la République avait décidé d’abandonner les poursuites contre la SGBC, une banque française ? L’avocate, mi- française et mi- camerounaise, dans un pays où la double nationalité est frappée du même sort que l’homosexualité, n’avait-elle pas droit à des honoraires pour le brillant travail d’agent de recouvrement ? Là est l’essentiel de la question et la clé du procès.
La brave Lydienne a pu recouvrer deux milliards de CFA. Elle en a empoché la moitié, soit un plus du milliard. Elle s’en était ouverte à un ancien fonctionnaire à la retraite qui n’y est pas passé par quatre chemins : « si tu t’es gagné un milliard pour en avoir recouvré deux, ce n’est plus de commission qu’il s’agit dans ce cas-là…»
Et Paul Biya sait mieux que tout le monde que s’il commence par libérer l’avocate, il n’en finira plus. Surtout que Paul Biya a dans ses prisons des fonctionnaires dont il n’est pas établi qu’ils aient volé le plus petit milliard. On n’en finira plus. et ce sera plus difficile à gérer, beaucoup plus compliqué que les affaires de citoyens français nommés Eyoum ou atangana, et pas Fournier, du nom du dernier otage ravi par la secte Boko Haram et libéré en échange d’une rançon, de l’argent des camerounais .
Vous Voulez La démocratie ? Voilà La démocratie !
La longévité au pouvoir n’est pas une question de démocratie. La démocratie, nous dit-on, c’est l’alternance, c’est la possibilité qu’a le peuple de mettre un terme au mandat de ceux qu’il a librement élus. Sur ce plan, Paul Biya a trouvé son bon chat en la personne de François Hollande qui n’aura pas été à la hauteur. Il a trouvé une autre définition de la démocratie au Cameroun : « ce n’est pas qui veut, mais qui peut ». Vouloir quoi ? Pouvoir quoi ? Rester plus de quarante ans au pouvoir ? Le monde entier fourmille d’exemples d’hommes d’état qui ont battu le record de longévité de Paul Biya au pouvoir.
Kim il Sung de Corée est resté 48 ans au pouvoir. On ne sait pas combien de septennats il aurait fallu à François Mitterrand pour battre un tel record. Mais il est important de noter que, au moment de la réforme des mandats présidentiels en France, Jacques Chirac s’était montré hostile à l’idée d’un quinquennat sous le prétexte qu’une telle réforme écourterait son mandat. Et c’est cette idée de Jacques Chirac que le Président camerounais a ingénieusement mise en œuvre au Cameroun.
Alors Paul Biya a réponse à tout, surtout sur sa méthode de la démocratie. L’homme-lion d’Etoudi ne bourre plus les urnes. Il gagne largement et confortablement contre dix ou quinze adversaires. Si la démocratie camerounaise est mal partie, comme son développement depuis l’aube de l’indépendance, il s’agit d’une pathologie que les Français n’ont pas encore diagnostiquée. Il en va de la non-démocratie comme il en est du sous-développement.