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Geovic : Essimi n’était pas seul dans le coup

Mer., 11 Nov. 2015 Source: Benjamin Zebaze

Votre journal « Ouest Littoral » et son directeur sont menacés de mort depuis la semaine dernière après la publication des frasques d’Essimi Menye et consorts. Puisque certains prennent les choses de cette manière alors que nous avons caché l’essentiel, nous nous montrons « extrêmement généreux » aujourd’hui en publiant de nouveaux documents, révélant de nouveaux noms et faits.

Si du « calme » et de la « courtoisie » ne reviennent pas vite du côté de Yaoundé, la semaine prochaine, nous versons de nouvelles pièces « au dossier ». Ainsi de suite jusqu’au premier Avc déclaré. Nous ne voulons tout de même pas provoquer une hécatombe au sein du pouvoir.

Nous continuons à offrir à nos lecteurs, tout le fruit de nos investigations autour de divers scandales qui frappent la République. La société Geovic qui jusque-là était inconnue du grand public, et qui défraie actuellement la chronique, est le théâtre d’incroyables détournements de fonds publics. Les affaires qui lui tournent autour n’ont pas encore livrées tous leurs secrets.

Geovic : une affaire digne d’un grand scénario de film sur la mafia sicilienne

Notre dernière édition avait un but précis : montrer comment un homme vaniteux (Essimi Menye) que rien ne prédisposait à un tel destin, arrive presqu’au sommet de la hiérarchie des fonctionnaires camerounais et, plutôt que de se mettre au service de ses compatriotes, choisit d’en affronter une partie avec une rare « imbécilité », au point de se croire désormais au-dessus du lot. Il laisse, comme un benêt, au passage son nom apparaître dans de nombreuses affaires à la manière inverse du petit poucet : c’est-à-dire en laissant traîner tous les indices nécessaires pour le rattraper.

Le scenario de cette affaire, qu’il convient d’appeler Geovic, que nous avons évoquée dans notre dernière édition ferait passer celui du célèbre film franco-italien « Le clan des siciliens », pour une aimable plaisanterie.

Mais, comme en toute chose, il faut être juste : l’ex-ministre des finances Essimi Menye, jusqu’à présent présumé innocent, ne peut avoir fait disparaître de telles sommes folles tout seul. Personne ne peut être le seul responsable de la disparition de près de quarante voire soixante milliards de FCFA dans les conditions décrites. Mais même s’ils ne sont coupables de rien, nombreux parmi ceux que nous citons dans cette édition, savent ou devrait savoir ce qui s’est réellement passé.

Rappel: après les émeutes dites de la faim de 2008, le président Paul Biya demande à son gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires, afin de permettre aux jeunes d’intégrer le monde du travail. Le ministre des Finances Essimi Menye saisit alors le Fmi pour présenter le projet d’exploitation des minerais, potentiellement pourvoyeuse d’emplois dans la Région de l’Est. Il parle d’une haute priorité pour le chef de l’Etat.

Il sait que cette institution, dans le cadre des négociations autour de l’atteinte du point d’achèvement sur la lutte contre la pauvreté (l’initiative PPTE), avait exigé et obtenu le blocage d’une somme de près 37 milliards de FCFA dans les comptes de la Beac. Cette somme provenait du surplus des recettes pétrolieres et était destinée à la jeunesse camerounaise.

Le dossier défendu par le ministre des Finances Essimi Menye est mal ficelé (voir notre dernière édition) ; cela n’empêche pas à l’institution internationale de répondre favorablement à la lettre d’intention signée du premier ministre d’alors, Ephraïm Inoni (Voir document page 5) : l’Etat camerounais a donc les moyens pour investir dans un projet minier à Nkamouna, à l’Est du pays.

Les médias proches du pouvoir exultent. Les hommes politiques parlent d’un chef de l’Etat « magnanime ». Pour une fois, ils ont raison. Si ce projet se réalise, c’est à terme plus de 10 000 emplois qui seront crées pour la jeunesse. Comme la prochaine élection présidentielle est proche, on présente un vieil engin, un vieux camion et d’autres matériels d’un autre âge sur le terrain, afin de rassurer les pauvres populations de la Région ; elles votent très massivement pour le candidat des futurs « Grandes réalisations ».

Sept années plus tard, ces populations n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. Bien qu’il s’agisse là de la Région la plus pauvre du pays, surtout délaissée en plus par le « Renouveau » (pas d’universités, d’infrastructures..), les cleptomanes qui nous gouvernent ont frappé sans pitié. L’argent s’est envolé.

Comment cet argent a disparu

Lorsqu’on présente la société Geovic qui va exploiter la mine de Nkamouna au grand public, nombreux sont ceux qui croient au discours officiel laissant penser qu’il s’agit d’une multinationale experte en matière d’exploitation minière. Aujourd’hui, nous sommes à même d’affirmer, après enquêtes, sur la base de documents incontestables (documents page 6 à 7), que cette société n’a été créée que pour spolier, voler…les Camerounais. Comme dans l’affaire « Albatros » à propos de l’achat de l’avion présidentiel, tout part des Etats-Unis avec cette fois, une légère différence: on a pris le soin de créer une entreprise de toute pièce pour brouiller les pistes.

La société Geovic Mining corp est créée le 16 novembre 1994, dans le paradis fiscal du Delaware aux Usa par William Buckovic, un vétéran spécialiste en coups fourrés dans le secteur minier, basé dans l’Etat du Colorado aux Etats-Unis. Il crée aussi avec sa femme Dawn Buckovic, l’Ong GeoAid (Voir photo page 5), qui va récolter plus tard l’argent du projet Geocam pour l’investir dans des œuvres humanitaires. C’est avec ces gens que le gouvernement compte lancer cet important projet.

Jusqu’aujourd’hui, en novembre 2015, la société n’a aucune activité et par conséquent aucune recette d’exploitation : une petite boulangerie à Douala a plus de recettes qu’elle. Sans que cela n’attire l’attention, un an après sa création aux Etats-Unis, Geovic crée une filiale au Cameroun appelée Geocam, afin d’obtenir la plus grande concession de cobalt, nickel, manganèse de notre pays: cette société est dotée d’un capital de 10 millions de FCFA (Moins qu’une bonne épicerie de quartier), réparti comme suit : 55% pour Geovic Mining Corp, 5% pour le fondateur de Geovic William Buckovic et 39,5% détenu par quatre actionnaires camerounais non identifiés.

Le premier ministre camerounais à l’époque s’appelle Simon Achidi Achu : cela a son importance. Contre un capital de 10 millions de FCFA, le Gouvernement camerounais octroie à Geovic une concession minière d’une vingtaine d’années, renouvelable tous les 10 ans jusqu’à l’épuisement total des ressources. Formidable ! Dans nos contrées, on louerait l’efficacité des « marabouts » de cette societé.

De 1995 à 2006, il ne se passe rien. La société n’a ni clients, ni fournisseurs. Les meilleurs truands ont pour principale vertu, comme chacun sait, la patience. Mais en cette année 2006, enfin du mouvement : la Société nationale d’investissement (Sni), dont l’ancien Premier ministre Simon Achidi Achu est l’actuel président du Conseil d’administration, entre dans le capital de la Geocam, en achetant les 20% des actions appartenant aux quatre actionnaires camerounais non identifiés. La Sni prend en plus l’engagement de faire le portage de 19.5% et payer les contributions aux augmentations de capital pour leur compte.

Curiosité de ce montage : on prépare l’escroquerie en amont avant l’entrée du Gouvernement dans l’actionnariat. En effet, les quatre actionnaires camerounais non-identifiés et Geovic signent un accord qui stipule que toute dépense engagée par Geovic (principal actionnaire du projet), sera considéré comme un prêt de Geovic à Geocam, portant un taux d’intérêt de 25%. Même dans la pire des tontines de ce pays, un tel taux n’est appliqué.

Plus grave, quelques mois avant l’entrée du Gouvernement dans le capital en 2006, ces actionnaires désargentés signent un autre accord avec Geovic stipulant que si cette dette à 25% d’intérêts n’est pas remboursée, Geovic s’accapare de tous les droits miniers du projet Geocam : c’est de la folie.

La conséquence d’une telle « légèreté » est salée : quand le gouvernement fait son entrée dans le capital, Geovic lui présente une ardoise de 49 439 474 150 (Quarante neuf milliards quatre cent trente neuf millions quatre cent soixante quatorze mille cent cinquante) FCFA, au titre des accords signés avec les actionnaires camerounais. Faut-il rappeler que ces actionnaires sont toujours inconnus ? C’est un véritable scandale. D’autant plus qu’une des personnes dont le nom apparait dans ce « montage » semble être la nièce de l’ancien Premier ministre Simon Achidi Achu, actuel président du Conseil d’administration de la Sni. Il n’a jamais voulu répondre à toutes les attaques sur ce sujet et permet de faire appliquer sur lui, le célèbre adage selon lequel « qui ne dit mot consent ». Son intérêt est de confirmer ou de démentir rapidement cette information qui circule.

Bien que ce que nous venons d’expliquer apparaisse hermétique pour les non-initiés, il faut savoir que le portage est une opération permettant de substituer à l’actionnaire effectif, un actionnaire apparent sur la base d’un engagement précis. Vous n’avez pas compris ? Empruntons cette définition d’un expert germanique : « on appelle portage la convention par laquelle une personne, le porteur, accepte, sur demande du donneur d’ordre, de se rendre actionnaire par acquisition ou souscription d’actions, étant expressément convenu que, après un certain délai, ces actions seront transférées à une personne désignée et à un prix fixé dès l’origine. »

Vous ne comprenez toujours pas ? Pas grave, le meilleur est à venir.

L’essentiel est que le gouvernement est entré dans le capital : les membres de ce complot jubilent. La première phase de leur plan stupide, grossier, mais rudement efficace est en place. La Geovic Mining Group qui était en sommeil, se réveille brutalement comme l’homme congelé du célèbre film français Hibernacus, dont l’acteur Louis de Funès qui tient le rôle principal va devoir guider dans le retour à la vie. Hélas, cette fois, les acteurs sont moins sympathiques.

Les choses s’accélèrent : la Geovic Mining Group crée une filiale aux îles Caïmans qui devient propriétaire de la filiale camerounaise Geocam. Quelque chose qui aurait mis en branle la sonnette d’alarme dans l’esprit d’un étudiant en première année d’économie moyennement intelligent ne pose aucun problème aux experts camerounais qui travaillent sur ce dossier.

Pourquoi ce petit tour de passe-passe ? Sans aucun doute parce que l’opacité qui règne dans ce territoire contrôlé par la Grande-Bretagne, rend tout contrôle impossible par l’Etat camerounais. Une méthode plutôt pratique pour verser de l’argent occulte à tous les Camerounais qui participent à cette combine, et dont le ministre des Finances Essimi Menye a toujours refusé de donner les noms ; en particulier ceux des quatre ayant participé à la création de cette société.

Quand on sait aussi que ce paradis fiscal est un haut lieu du trafic international de drogue, attirant notamment les trafiquants sud-américains, on peut légitiment s’inquiéter, à ce moment-là, du sort réservé à ce projet.

La Geovic Mining Group réactivée, l’Etat camerounais désormais dans le capital de la Geocam, les magouilles « protégées » par le « propriétaire » de Geocam situé dans les îles Caïmans, les caisses de l’Etat peuvent commencer à être vidées avec toute la « douceur » d’un Evêque catholique pédophile envers des enfants abusés et surtout non consentants.

Le mécanisme du détournement est d’une simplicité quasi biblique. Les dirigeants de Geocam réalisent dès lors chaque année, des budgets qui doivent être financés par une augmentation de capital à laquelle l’Etat participe. Une fois l’argent encaissé, il remonte à la maison mère aux îles Caïmans. Du Cameroun à ce paradis fiscal, l’argent récolté sert à payer des travaux fictifs, une série d’études de faisabilité (Badel Ndanga Ndinga, le ministre des mines de l’époque le reconnait implicitement lui-même dans une interview au quotidien « Cameroon Tribune » sur laquelle nous reviendrons plus loin) qui vient elle-même remplacer la série précédente ; des études techniques alors que la société mère reconnaît elle-même, dans ses rapports d’activités, qu’elle n’a aucune expertise en la matière. Plus surprenant, apparaissent dans les comptes de la Geocam, des dépenses locatives (pour loger son personnel et les bureaux) d’une valeur de 913 879 353.06 FCFA par an au Cameroun. C’est à croire que les dirigeants de cette société étaient logés au palais d’Etoudi.

Toutefois, il serait intéressant d’avoir les noms des bailleurs : comme d’habitude, les mêmes. Nous y reviendrons ; il y a mieux à « dénoncer » pour le moment. C’est ainsi que certains experts estiment que dans cette opération, l’Etat camerounais a perdu la somme folle de 60 milliards 918 451 235,01 FCFA (au cours du dollar actuel). Cela donne des envies de meurtres.

Une interview incroyable du ministre Badel Ndanga Ndinga

C’est dans ce conteste que le ministre des mines de l’époque (Badel Ndanga Ndinga), particulièrement « ignorant » et « aérien », répond aux excellentes questions de notre consœur Josiane Tchakounté du quotidien « Cameroon Tribune », le 31 aout 2010

N’écoutant que son courage, la journaliste attaque d’entrée en en essayant de savoir si en réalité, tous les projets miniers au Cameroun ne sont pas que des serpents de mer. Pour le ministre, les travaux autour du projet de cobalt et de nickel de Nkamouna se poursuivent, et prennent du temps notamment, parce que les financements nécessaires pour sa réussite se situent à hauteur de 244 milliards de FCFA. Pour permettre aux lecteurs du « grand quotidien national » d’en savoir plus, elle monte d’un cran en rappelant que le permis d’exploitation étant de 15 ans, 2 ans après, rien n’est fait alors que les populations s’impatientent. Pourquoi cette lenteur ?

Le ministre parle de gestation lente ; de problème de collecte des financements, de délai d’études… Bref, les « grands mots de Yaoundé ». Comment peut-il être si peu au fait des choses alors qu’il suffisait de suivre les activités de la Geovic aux USA, ne serait-ce que par le biais de ses déclarations obligatoires aux autorités américaines, que le public peut consulter, pour savoir que ce projet n’avait aucune chance d’aboutir ?

La journaliste, qui cherche visiblement des « histoires », s’étonne que ce ne soit qu’aujourd’hui que la Geovic fasse ces études alors que cela aurait du l’être dès le départ. Le ministre, avec une naïveté qui aurait pu être touchante s’il ne s’agissait pas de milliards envolés, pousse la journaliste à lâcher une petite « bombe », sans se rendre compte, en rappelant que la Sni de Yao Aïssatou a déjà versé 10 milliards de FCFA dans ce projet. Faut-il rappeler que le ministre indique lui-même qu’on n’est qu’au stade d’études ?

Malgré l’évidence, notre homme ne se laisse pas déstabiliser : cet argent a servi, selon lui, à payer différentes études.

La journaliste, qui veut décidément « foutre son nez » dans ce qui ne la regarde pas, enchaîne. Elle veut savoir la qualité et les noms des personnes qui contrôlent les dossiers fournies par des entreprises comme la Geovic afin de confirmer l’exactitude des informations qu’ils contiennent. Le ministre a une réponse surprenante : de par la loi, l’Etat n’a rien à contrôler et attend juste sa part de bénéfice.

Cette interview, courageuse, il faut le rappeler, menée de main de « maîtresse » par notre consœur, montre la vacuité du raisonnement du ministre. Il ne se rend même pas compte de la gravité de ce qu’il vient de déclarer. L’Etat donne de l’argent public en milliards à une société dominée par des étrangers sans qualification, sans expérience (ils le reconnaissent eux-mêmes), qui n’ont jamais eu le moindre client et dont on voit bien qu’ils sont désargentés, mais s’interdit de contrôler la destination finale de cet argent des contribuables. Insupportable ! Quand on a lu cela, on a envie de descendre dans la rue tuer n’importe qui, juste pour se défouler.

Une curieuse cérémonie en présence de Achidi Ashu (Pca de la Sni), Yao Aïssatou (Directrice générale de la Sni) et Badel Ndanga Ndinga (Alors ministre chargé des Mines et aujourd’hui Sénateur de la Région de l’Est)

19 avril 2011 : jour de grand spectacle à l’hôtel Hilton de Yaoundé: le ministre chargé des mines Badel Ndanga Ndinga veut faire les choses en grand et cela en présence du duo improbable Achidi Achu (Pca) -Yao Aïssatou (Dg) de la Sni. L’étude de faisabilité bancable du projet cobalt-nickel-manganèse (EFB) est « désormais disponible », annonce-t-on sous les applaudissements de ce parterre de (non) responsables qui mettent les « canines » en avant.

Autrement dit, on a réussi l’exploit d’obtenir et de dépenser à partir de 2008, de l’argent public sans ce précieux document qui n’apparait que trois années plus tard ? De l’argent en provenance des caisses de la Sni a été remis à des mains incertaines et l’étude de faisabilité est célébrée en 2011, alors que tous les rapports annuels de Geovic soumis aux autorités boursières américaines à partir de 2008, montraient que le projet de Nkamouna ne sera pas développé et que Geovic a déjà drastiquement réduit ses activités au Cameroun.

« Un jour mémorable dans l’histoire de l’industrie minière au Cameroun », s’extasie alors Greg Hill, le Président du Conseil d’Administration de Geovic Cameroon PLC, qui est aussi actionnaire de Geovic et directeur financier par intérim de Geovic Ltd des Iles Caïmans. Pour rappel, c’est cette dernière société qui contrôle juridiquement le projet du Cameroun. Une tragi-comédie dans laquelle Greg Hill pense sereinement à ses poches qui « enflent » de plus en plus, alors que les dirigeants de la Sni et leurs administrateurs l’acclament, jouant ainsi les « nègres » de service.

Le Ministre de l’Industrie, Badel Ndanga Ndinga félicite pendant sa prise de parole, la SNI et les partenaires américains «pour les efforts et autres sacrifices multiformes qu’ils n’ont cessé de déployer pour franchir cette étape, au gré de l’évolution de la conjoncture, pas toujours favorable ». De quoi parle-t-il ? De quels efforts et à quels prix ? Un enseignant indulgent sanctionnerait ce type de discours présenté, au cours d’un jeu de rôle, par une fessée monumentale.

Comment le Cameroun a failli perdre 104 milliards de FCFA de plus dans cette vaste escroquerie

Après avoir dilapidé l’argent venant de la Sni de Yao Aïssatou, la Geovic a de plus en plus « faim ». Pourquoi s’arrêter en si bon chemin alors que les affaires marchent ? Elle essaye d’obtenir, pour le compte de la Geocam, un crédit de l’ordre de 104 milliards de FCFA à la Banque africaine de développement (Bad). Si l’Ong américaine Government Accountability Project (GAP), alertée par Eugène Nyambal en mission à la BAD en 2012, n’avait pas attiré l’attention de cette institution financière internationale en rappelant comment le Fmi, avec une incroyable légèreté, avait permis à ce que les dirigeants de cette société se livrent à une opération de détournements incroyables au Cameroun, le pire serait arrivé.

On est effrayé de constater qu’après la fuite de la Geovic du Cameroun, c’est notre pays qui aurait éventuellement été obligé de régler l’énorme facture de 104 milliards de FCFA, sans tenir compte des intérêts de retard.

La clef de l’énigme entre les mains de trois hommes : Paul Biya, Laurent Esso et Eugène Nyambal

Tout au long de notre longue enquête, apparait le nom de notre compatriote Eugène Nyambal. On a vu comment il avait été remplacé au Fmi par l’ex ministre Essimi Menye et était revenu à son poste dès l’entrée de ce dernier dans le gouvernement : revirement du sans doute à l’intervention personnelle du Chef de l’Etat.

Lorsque cette affaire démarre, il est le seul au Fmi à alerter sa hiérarchie sur les doutes qu’il a sur la nécessité du déblocage des fonds issus des surplus pétroliers en relation avec le projet Geovic. La conversation n’est pas longue avec son patron, car Laurean Rutayisire semble occupé. Curieusement, quelques mois plus tard ce dernier interdit à Eugème Nyambal de participer à la prochaine mission du Fmi au Cameroun en Avril 2009. Têtu comme un « bon Bassa », il vient au Cameroun à titre privé en mai 2009 et à l’hôtel Hilton, il est alerté sur le fait que certains membres du Gouvernement préparent un coup contre lui.

Quelques semaines plus tard, il est licencié sans préavis et sans faute, à travers une lettre d’un paragraphe signée par l’Administrateur pour l’Afrique (Laurean Rutayisire) en date du 25 juin 2009, avec licenciement effectif le 26 juin 2006 !

La lettre informe simplement notre compatriote de son licenciement en un paragraphe, sans fournir de motif. Le lendemain, Laurean Rutayisire donne immédiatement des instructions au Fmi pour interdire au « licencié », un accès libre dans les locaux. Entre-temps, il fait détruire ses fichiers électroniques et lorsqu’Eugène Nyambal est invité à récupérer ses effets quelques semaines plus tard, le dossier relatif aux négociations sur le Cameroun a disparu. Il n’a plus qu’un exemplaire du dossier Geovic de la SNI soumis au FMI par le Ministre des Finances.

Etant donné qu’il est revenu au FMI en 2007 grâce aux instructions du Chef de l’Etat, il demande à Laurean Rutayisire d’informer les autorités camerounaises de son licenciement et lui envoie une copie du communique du ministre Abah Abah publié dans la presse au nom du Chef de l’Etat. En outre, l’absence de motivation du licenciement donne amplement au Ministre des Finances et au Premier Ministre du Cameroun l’opportunité, au minimum, de s’enquérir de la situation.

Quelques administrateurs du FMI prennent également attache avec les autorités camerounaises chargées des relations avec les institutions financières internationales. Mais c’est le silence total, les autorités refusent d’appeler l’Administrateur rwandais et certaines promettent de rappeler sans jamais donner signe de vie. L’Administrateur qui a appelé certaines autorités indique finalement à Eugène Nyambal que le coup vient du Cameroun.

Sur cette base, ce dernier tente vainement d’entrer en contact avec le Chef de l’Etat camer.be, sa correspondance à ce dernier est publiée dans certains journaux de la place. Il essaie à nouveau de rencontrer le président lors des Assemblées Générales des Nations Unies à son hôtel à New York. Il restera dans la suite en face de celle du président de la République avec feu Germain Manda jusqu’à 3 heures du matin, avant de se résoudre à renter à Washington.

Un sens patriotique à saluer

Le Cameroun aurait pu perdre des milliards à travers le crédit susmentionné que la Geovic a essayé en vain d’obtenir à la Bad. C’est encore, selon nos informations, Eugène Nyambal qui a sonné le tocsin en alertant l’Ong américaine Gap qui elle-même a saisi la Bad. Si le Gouvernement avait réagi aux allégations de d’Eugène Nyambal dès 2009, Geovic n’aurait pu continuer à faire des augmentations de capital au nom de Geocam et détourner ces fonds avec la complicité de certains officiels camerounais.

Quand on voit avec quel acharnement il a lutté tout seul contre ce vaste réseau international, on comprend mieux pourquoi dans le contexte camerounais, un Bassa avec sa « têtutesse » ne sera jamais riche. Nombreux sont ceux qui auraient tout simplement demandé leur part pour « rester » tranquille.

Plus sérieusement, nous savons aussi que Laurent Esso, le ministre d’Etat chargé de la Justice est au courant dans les détails de ce qui s’est tramé autour de cette affaire. Nous connaissons les efforts qui sont les siens afin de régler un certain nombre de dossiers, à l’instar de l’affaire « Amity Bank ». Mais ce n’est pas suffisant.

Il serait intéressant pour lui d’entendre cet Eugène Nyambal qui a, semble-t-il, dans cette affaire et dans bien d’autres, beaucoup de choses dans le « ventre » et qui ne demandent qu’à « sortir ». Le président Paul Biya nous paraît étranger à tout ce manège, bien qu’avec le bénéfice du doute. Quand on voit tout le cinéma qui a été fait autour de ce projet, un homme comme lui qui se terre dans son palais et ne contrôle rien sur le terrain, aurait bien pu être abusé.

Mais de sa capacité à réagir face à cette kyrielle d’affaires, qui risque de ternir totalement son bilan au sommet de l’Etat (tant les complicités semblent s’étendre pratiquement jusqu’à l’entrée de sa chambre conjugale), dépendra notre volonté de lui donner la communion sans confession.

Qui est le véritable « Chef bandit » ?

Il devra, à notre avis, pour une fois se remuer un peu. Il est de notoriété publique qu’il est le seul capable d’accélérer ou non, dans son pays, une procédure judiciaire : ce n’est pas démocratique, mais c’est la réalité. Eugène Nyambal ayant épuisé toutes les possibilités afin d’alerter son entourage, pourquoi ne pas l’inviter à son palais afin d’avoir une prise directe avec les faits, même s’il ne s’agira que d’un récit qu’on peut trouver partiel et partial ? Il s’agit tout de même d’une somme avoisinant les 60 milliards de FCFA.

On voit bien Paul Biya, tout sourire, régulièrement recevoir ce Français hautement suspect qu’est Stéphane Fouks, bras droit de Dominique Strauss Khan, qui est largement soupçonné d’avoir permis la mise sur orbite de cette immense magouille. Magouille que continue de couvrir sa remplaçante française au Fmi l’ancienne ministre des finances de Nicolas Sarkozy, Christine Lagarde.

Aucun Camerounais, qu’il soit Premier ministre, président de l’Assemblée nationale, du Sénat, ministre… n’a jamais bénéficié d’un tel privilège. Paul Biya doit recevoir son compatriote, même en tenant la « bouche » comme lorsqu’il donne des instructions à ses collaborateurs à l’aéroport de Nsimalen lors de ses multiples déplacements privés, donnant ainsi l’impression d’être un enfant dans les années 70 à qui on vient de faire avaler de la quinine pour soigner un accès palustre ; ou encore un enfant qui vient de boire de « force », l’huile de « ricin ».

Peu importe les sourires, étant donné la gravité de la situation. Nous conseillons à Eugène Nyambal de ne pas faire attention à la forme, d’autant plus qu’au cours de cette enquête au Fmi, à la Banque mondiale, à la Bad, à la Beac, la Cobac … et sur le terrain, nous pouvons confirmer que ce dernier est l’un des rares Camerounais à reconnaitre sincèrement les efforts fournis par le président de la République pour l’aider.

S’il ne fait rien ; ne prend aucune initiative pour que la vérité se manifeste ; que les coupables soient punis avec la plus grande fermeté, quelques esprits tordus pourront rappeler que tout ceci se passe à la « veille » de l’élection présidentielle de 2011. Que les « lobbyistes » en communication tels que Stéphane Fouks (Ami de DSK, patron du Fmi au moment des faits) que Paul Biya reçoit régulièrement avec une joie trop évidente, se font payer en milliards, et quelques fois par tous les moyens. Ils rappelleront qu’une campagne électorale coûte très chère et on ne sait toujours pas comment Paul Biya s’y prend.

Le bipède camerounais moyen pourrait alors arriver à la conclusion infâmante selon laquelle que le « chef bandit » n’était pas celui qu’on croyait.

NB : Quelques extraits des documents nécessaires à la compréhension de ce texte dans la version papier du journal.

Auteur: Benjamin Zebaze