Gilbert Doho: “le général sémengue a ouvert une brèche”

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Fri, 10 Jul 2015 Source: Jean-Philippe Nguemeta

Ce fils d’un nationaliste assassiné dans les Bamboutos invite à sortir de la bibliothèque coloniale et à faire des travaux d’archéologue sur des espaces de génocide.

Lors de sa visite d’Etat au Cameroun, le 3 juillet 2015, François Hollande a fait bouger les lignes en reconnaissant lesmassacres de la France au Cameroun. Toutefois, en prenant François Hollande au pied de la lettre, des questions de fond demeurent. A propos du génocide français au Cameroun et en particulier dans la région de l’Ouest, Abel Eyinga dans Mandat d’arrêt pour cause d’élection écrit aux pages 217 et 218 qu’« en deux ans, l’armée régulière a pris le pays bamiléké, du sud jusqu’au nord, et l’a complètement ravagé. Ils ont massacré 300 000 ou 400 000 Bamiléké.

Un vrai génocide. Ils ont pratiquement anéanti la race (…) Les villages avaient été rasés, un peu commeAttila»D’autres sources parlent de plus de 2 millions de morts. Si d’aucuns reconnaissent une avancée de par les propos du président français, Gilbert Doho, écrivain et fils d’un nationaliste dans les Bamboutos à l’Ouest pense que la voie pensée du crime fut organisée. Dans Le Chien Noir la confession publique au Cameroun paru à l’Harmattan 2013, il remet au goût du jour le débat sur le quasi –génocide perpétré en pays bamiléké aux lendemains de l’indépendance, en 1960. Pour lui, la confession fut un piège grossier, la voie pensée du crime politique étendu à toute une région, à tout un groupe ethnique, comme le fut le nazisme dans l’Allemagne hitlérienne.

Elle permit de mater le maquis bamiléké. Rencontré hier à Yaoundé avant sont départ pour les Etats-Unis où il réside, il a affirmé pour sa part que «François Hollande parle des livres d’histoire, des archives mais de quel livres d’agit-il ? S’agit-il des livres écrits par Mveng ? S’il est question des livres écrits par Njeuma et plusieurs autres qui servent aujourd’hui l’idéologie coloniale, ça ne vaut pas la peine ».

Pour lui, « il faut faire attention aux archives. Je me méfie de ce qui a été écrit jusqu’à présent car c’est la version française de ce qui s’est passé. Ces archives peuvent-ils nous dire en toute objectivité comment le général Briand a mené l’opération de pacification à l’Ouest ? Il faut sortir de ce qu’Yves Mudimbe appelle « la bibliothèque coloniale ».

Lorsque le « président français, le bourreau d’hier, poursuit- il, parle enfin des massacres, il faut aller au-delà par devoir de mémoire, faire des travaux d’archéologues. Il faut faire des fouilles dans la SanagaMaritime et à l’Ouest. Les historiens doivent éviter de reprendre le discours colonial. Les jeunes doivent aller dans ces espaces de génocide, notamment à la chute de la Metche, au Carrefour Maquisard à Bafoussam et interroger les acteurs. Semengue a ouvert une brèche en affirmant que l’armée a coupé des têtes ; lui qui a été dans les Bamboutos lorsquemon père et Jérémie Deléné ont été cruellement assassinés.

Qu’il nous dise où l’armée a planté les têtes de ceux que Pierre Bouopda Kame appelle à tort des bandits! Par devoir demémoire envers ceux qui ne peuvent pas parler, il faut éviter d’écrire l’histoire telle qu’elle a été écrite jusqu’à ce jour.

Auteur: Jean-Philippe Nguemeta