Le Cameroun sur lequel règne sans partage depuis 40 années, le dictateur Paul BIYA, est aujourd’hui un pays dépouillé, dévasté, effondré, divisé, déchiré, humilié, endeuillé par le génocide le plus stupide de l’ère moderne. Une curiosité politique qui a résolument remplacé le mot développement par ensauvagement. Un pays jadis florissant, qui n’offre plus au monde que le spectacle pathétique d’un État barbare, outrageusement méchant et dangereux.
Face à des crises cataclysmiques, le régime au pouvoir à Yaoundé n’a déployé que ses stratagèmes rodés mais éculés que sont : la corruption des acteurs politiques et sociaux, l’étouffement par la violence des voix discordantes, la division par la manipulation des matériaux fissiles de l’ethnicité, le laisser pourrir ou la gouvernance des astres. Au Cameroun plus qu’ailleurs, l’art de gouverner s’assimile à la maîtrise de la ruse, au maniement de la force, avec pour seule finalité de rester au pouvoir pour le pouvoir et ses ors.
La longévité record de Biya au pouvoir, a forgé en ce fils de catéchiste, jadis timide, effacé, une conception et une philosophie d’un pouvoir absolu, incarné par sa personne, transmissible par lien de consanguinité à sa famille, à son clan… Ainsi, de même qu’il a réussi à donner une couleur ethnique à son pouvoir, ou simplement au pouvoir politique au Cameroun, ce qui a fait dire par Maurice Kamto qu’il se présenterait au concours pour devenir Bulu afin de légitimer ses ambitions politiques. Biya rêve désormais d’un pouvoir qui se transmet par le sang, par dévolution successorale…
Cette conception du pouvoir et de son pouvoir explique cette intolérance et cette allergie à toute vraie opposition politique ou idée d’alternance chez les tenants du pouvoir au Cameroun.
Mais la conjonction de nombreux facteurs et l’agrégation des forces nouvelles (l’Ambazonie, la diaspora, l’irruption du phénomène Kamto et du MRC, les réseaux sociaux), et des formes inédites et novatrices de résistance, rendent obsolète le logiciel politique de Biya, qui définitivement manque d’agilité pour se mettre au niveau des défis qui sont ceux de ce Cameroun en pleine convulsion. La conduite ringarde et réactionnaire d’un dialogue national qui se voulait inclusif, pompeusement baptisé Grand dialogue par Paul Biya, le musèlement et l’embastillement tout azimut d’opposants sont des corollaires à ce propos.
En même temps, comme rarement ce fut le cas par le passé, les camerounais affichent un intérêt particulier pour la conduite des affaires publiques et aspirent davantage à être acteurs de leur destin politique, économique et social.
Une agrégation des forces du progrès, des forces diplomatiques, se conjuguant avec la situation politique et sécuritaire du Cameroun et spécialement dans sa partie anglophone (le NOSO), rendent inadéquats les placebos qui jusqu’ici ont fait durer le système Biya. D’ailleurs, ce dernier est perçu par de nombreux observateurs comme un véritable repoussoir pour la paix au Cameroun. Ses choix politiques, sa longévité au pouvoir, son bilan calamiteux, son âge, le disqualifient de facto, et font qu’il est le problème du Cameroun aujourd’hui ou du moins qu’il en fait partie.
Face à ces épreuves, l’édifice Biya s’effrite, se fissure, se désagrège et bientôt s’effondrera.
La question qui objectivement hante tous les observateurs sérieux, n’est plus celle de savoir si la chute se produira, mais c’est celle du contrôle et de l’orientation de la chute.
Le sort de BIYA en tant qu’individu n’est plus un enjeu pour les forces conservatrices au pouvoir. Ce qui compte pour elles, c’est la pérennité du système, même après le départ de BIYA, qu’elles ne s’empêcheraient de précipiter, si elles avaient la garantie qu’aujourd’hui sera comme la veille et que demain sera comme aujourd’hui.