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Guinée: Alpha Condé est tombé comme un fruit mûr

Alpha Conde Parcours Camerounweb Alpha Condé, président déchu du Ghana

Thu, 9 Sep 2021 Source: Calvin Djouari

Alpha Condé, le président déchu de la Guinée, a été capturé le 5 septembre dernier par les éléments des forces spéciales de l'armée. L'écrivain Calvin Djouari fait une analyse pragmatique de la situation.



Conakry dimanche 5 septembre 2021, la population à la veille, a dormi calmement et tranquillement comme à son habitude depuis 10 ou 15 ans. C’est l’aurore, mais il y règne dans cette cité une chaleur accablante, les premières prières se déroulent à l’intérieur des maisons. Soudain, on entend des tirs au centre de la ville. Ces tirs nourris, parviennent également aux abords du palais présidentiel.

Dans tous les médias, on annonce une tentative de coup de d’état. La Guinée Conakry a un grand palais présidentiel, très beau et très célèbre, situé à la presqu’île de Kaloum. Sur le plan stratégique, c’est un lieu imprenable, car l’espace est propice pour une bataille napoléonienne. Comme pour dire que la garde présidentielle peut se défendre jusqu’au dernier homme. Mais un palais, comme toutes les villas ont des portes d’entrée et de sortie partout. Le palais présidentiel à Conakry a des grandes voies, des grands salons, des couloirs secrets, des appartements privés.

L’organisateur du coup de force connait tout cela. Des tirs nourris vont durer presque deux heures. Un temps passe, et on s’interroge. Tous les guinéens que j’appelle sont sceptiques sur la réussite du coup d’état. Semble-t-il la présidence est imprenable. Mais quelques heures plus tard, on verra dans un petit salon assis sur un canapé, un homme qui attend. Un homme grand, la taille bien prise, une ravissante chemise sur le corps, un jean couleur d’aigue marine, un nez impertinent, des lèvres bien ourlées. Il est beau et il attend impatient.

Cet homme qui attend, entouré d’une soldatesque est le charismatique président Alpha Condé qui vient de tomber comme un fruit mûr. Les premiers détails qui frappent, c’est l’aspect de l’homme qu’on présente, il ressemble à un valet de chambre, malheureux, déprimé, il titube une parole, la fatigue dans son regard montre qu’il a été tiré brutalement de son sommeil. Il n’a pas eu le temps d’organiser la riposte.

La garde présidentielle solidement équipée est capable de résister à toute attaque avant que les forces républicaines ne viennent en renfort. Mais lorsque celle-ci, a appris que ce sont les forces spéciales qui dirigent les opérations avec à sa tête le colonel Doumbouya, elle a baissé les bras pour ne pas faire des pertes inutiles. Les hommes de Doumbouya sont super équipés, surentrainés, ils possèdent des armes de dernier cri et ils sont sous l’influence d’un colonel, ancien légionnaire qui a fait ses preuves en Afghanistan.

Cette division spéciale est reconnue redouble et aucune armée guinéenne ne peut tenir une heure devant elle. Le colonel détient toute la carte opérationnelle du pays. Il savait comment mener un coup d’état. Formé en France et par les américains, il est la fine fleur de l’armée guinéenne. Grand stratège, homme mystique et sûr de ses marabouts, il était conscient du poste extraordinaire qu’il dirigeait. Le président lui avait remis la direction de l’armée spéciale, celui-ci avait confiance, mais il se trompait.

Alpha Condé, leader historique depuis Sékou Touré, condamné à mort, il a été un témoin privilégié de l’évolution dramatique de la transition démocratique en Guinée. Il est le premier président élu démocratiquement. La mort du général Lansana Conté avait laissé un vide qui a obligé les militaires à s’emparer du pouvoir. Dadis Camara, président tristement célèbre viendra faire le show avant d’échapper à la mort dans un coup organisé par ses proches. Le général Sékouba Konaté prendra le pouvoir puis, il organisera des élections libres et démocratiques.

La candidature du président Alpha Condé à un troisième mandat avait provoqué, avant et après le scrutin du 18 octobre, des exaspérations et des dissensions voire même des accrochages qui ont causé des dizaines de morts. L’élection a été précédée et suivie par l’arrestation de certains opposants ; beaucoup croulent encore dans les geôles. Des organisations des droits humains ont condamné cette tendance autocratique observée au cours des dernières années de la présidence Condé et elles ont remis en cause les acquis de son parcours politique.

La constitution guinéenne prévoyait deux mandats. Mais 10 ou 14 années de pouvoir passent vite et les présidents sont souvent assoiffés. Perdre les habitudes de pouvoir n’est pas facile ; la sollicitude à leur égard, les honneurs, ne sont pas les choses faciles à abandonner. C’est ainsi qu’Alpha Condé va s’aligner aux rangs des présidents qui font un coup de force pour se maintenir au pouvoir au-delà du temps prévu en utilisant des formules creuses du droit. Alpha Condé, 83 ans, a été définitivement proclamé président pour un troisième mandat le 7 novembre.

Mais une élection chaudement contestée par trois autres candidats qui dénonçaient des irrégularités.

La guinée de Sékou Touré, jadis terre de liberté, faisait la fierté de l’Afrique. Aujourd’hui c’est un pays meurtri, déchu de sa grandeur historique, en quête de se réinventer. Depuis la mort de Sékou Touré, nul n’est parvenu à inciter nos guinéens à guérir le mal qui les détruit. Ce que je sais, des luttes politiques fratricides vont reprendre, car la guinée est un pays chaotique ingouvernable. La guinée Conakry, c’est un pays qui a le sang chaud. Il suffit qu’un soldat ramasse une arme quelque part dans la rigole, il est sûr de faire son coup d’état le lendemain. C’est un pays qui ne changera pas, son tempérament restera le même pour ses leaders.

Un pays sans souveraineté, sans autorité. On est légitime pour un mois en guinée, voire deux mois, pas plus de six. On entendra d’autres coups de feux. Ceux qui s’emparent du pouvoir dans ce pays pensent régler cette déficiente et même défaillante situation politique, mais eux-mêmes ne tarderont pas à entrer dans la folie du pouvoir. Qui pourra proposer des remèdes inventifs au mal guinéen de ce corps incurable ?

Condé part… mais bientôt il y aura un nouveau cri d’alarme. Cet homme a redressé ce pays. Il était l’homme de la situation. On ne change pas une équipe qui gagne. On ne peut pas en Afrique se permettre une politique d’alternance quand celui qui est là continue de bien travailler tout simplement parce qu’il a fait ses deux mandats. On imite mal la démocratie occidentale. Nous devons penser à notre anthropologie africaine. C’est valable pour les chefs traditionnels comme pour les dirigeants qui affichent un bon résultat. L’occident réussit l’alternance parce qu’il est développé.

On ne chasse pas une personne qui travaille bien parce que son temps est arrivé alors qu’il est encore intelligent et crédible. Je ne demande pas que les gens s’éternisent au pouvoir. Mais le plus souvent, on connait celui qui part, sans connaitre celui qui vient. Les cris vont reprendre de façon assourdissante et inquiétante dans ce pays. La Guinée Conakry retrouve ses débuts avec les mots qu’on connait. "Les forces de l'ordre affirment que les frontières sont fermées, que la Constitution est dissoute. Dans quelques heures, ils mettront un gouvernement de transition en place.

Mamady Doumbouya a exigé qu'on signale qu'ils ne sont pas là pour s'éterniser au pouvoir mais pour planifier une transition. » Le refrain de toutes les armées africaines. Il faut le dire les militaires ne sont pas des hommes d’Etat. Ils sont des militaires. Mamady viendra tourner son film avant de disparaitre comme le héros médiocre.

Maintenant attendons, à la période transitoire, ces étapes provisoires à n’en plus finir qui seront remises à jour pour produire des acteurs incohérents, incapables de se hisser à la hauteur de leur mission et des attentes de changement. On sort du calme on entre dans le chaos voilà la Guinée Conakry. La démocratie a retardé l’Afrique, depuis qu’elle est là, des guerres, des coups d’états, des dissensions tribales, des haines, des assassinats, des dynasties à jamais. Alpha Condé est un grand président ; il est un honnête homme ; la guinée avait encore besoin de lui.

C’était un troisième mandat certes, il pouvait bien continuer à stabiliser ce pays, car la Guinée Conakry un pays des durs. Il voulait encore donner un peu de lui, c’est beaucoup plus pour cette raison que je crois qu’il avait forcé la constitution. Je suis pour l’alternance mais qu’elle soit rationnelle. Il faut noter que l’Afrique reste encore ce petit enfant. Où a-t-on déjà vu en occident un président se faire humilier par son peuple alors qu’il vient d’être déchu ?

une personne qui vous a servi, qui a défendu vos intérêts partout dans le monde, qui a rehaussé l’image d’un pays hagards mérite beaucoup de respect et de dignité de la part de ses compatriotes. On voit à côtés d’un président des petits soldats lui parler alors qu’il est encore lointain. Des scènes tragiques. Je me demande ce que sont devenus ceux qui avaient délogés le président Laurent Gbabo.

Le reste du monde se moque de l’Afrique, même si les présidents eux-mêmes sont à l’origine de ce cruel destin qui leur arrive je suis pour qu’il soit traité dignement. Les africains aiment le pouvoir, tout le monde veut être chef de quartier, chef du village, maire, député, ministre, président et ils se tuent pour cela. Voilà l’Afrique. Des pouvoirs de pacotille.

Le mal guinéen est avant toute chose d’origine ethnique. Les hommes forts reviennent parce qu’ils sont à la recherche de la satisfaction de leurs intérêts mesquins, d’une petite élite qui s’est positionnée pour accaparer le peu, en mettant en place un semblant réseau de sauvetage du pouvoir. Ils viennent en réalité de certains commanditaires lointains comme dit l’adage ; « tuez votre enfant pour me prouver votre amour. »

Auteur: Calvin Djouari
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