Insécurité,pauvreté,dépravation des mœurs,incivisme: a qui la faute ?

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Fri, 17 Jul 2015 Source: Hugues Seumo

Cameroun, un pays en perte de répères ? Tout semble l'indiquer. Ce pays, plongé depuis des décennies dans un fleuve d’amertumes, donne l'impression de vouloir y revenir. Pour tâter du doigt la réalité de la société camerounaise, il suffit de circuler dans les rues poussiéreuses truffées de nids de poule de Bafoussam, Garoua, Douala, Yaoundé, Nkongsamba…, observer les faits et gestes du quotidien des camerounais et enfin finir de s’en convaincre.

Aujourd'hui dans ce pays voisin du Tchad, il n'y a le mécontentement de la grande partie de la population qui habite les esprits. On parle des grandes ambitions pour le décollage économique, on évoque des projets sociaux divers mais, fatigué, le peuple ne cesse de craindre pour son avenir.

L’avenir du Cameroun est loin d’être celui que nous tous avons toujours projeté. C’est au palais de justice de Douala qu’au mois d’avril dernier nous avons donné le cri d’alarme. Nous y sommes.

Le premier spectacle désolant : l’arrivée des détenus le jour de l’audience criminelle. Parmi 50 détenus, au moins quarante sont des jeunes dont l’âge varie entre 16 et 22 ans. Et parfois moins. Ils descendent d’un camion bondé parfois avec des chaînes aux pieds pour les plus dangereux ou des menottes aux mains pour les plus agressifs.

Ce spectacle est d’autant plus frappant que la promiscuité de ces jeunes dans le milieu carcéral avec des délinquants adultes et rompus de la tâche criminelle n’est pas synonyme d’école de bonne moralité, loin s’en faut : Elle est plutôt le germe d’une décadence prévisible.

Autre lieu, autre spectacle.

Dans la rue, personne ne respecte le code de la route. Sur une même voie qui n’a plus que de nom, circule tout ce qui peut rouler.

Les véhicules sont plus âgés que les usagers. Les motos se faufilent entre plusieurs véhicules. Le piéton est souvent obligé de faire la courbette pour se frayer un passage à ses risques et périls. Ils existent quelques fois des nids de poules au milieu de la chaussée. En saisons de pluies, les routes deviennent des véritables bourbiers qui laissent passer difficilement des usagers. Si c'est la saison sèche, c'est la poussière qui règne en véritable maître au milieu des multiples tranchées qui jonchent le milieu des chaussées. Tout ceci devant les yeux des autorités locales.

A Douala, ça klaxonne partout. Les motos fonctionnent comme des abeilles dans un essaim. On insulte tous le monde, les rues sont sales. S’il y’a un aspect qui attire l’attention à Douala, c’est sans aucun doute le désordre urbain qui a atteint son paroxysme. Des nouvelles rues envahies par des camions, des huiles de moteur déversées, des égouts d’évacuation d’eaux bouchés, voilà qui fait cette localité.

Toutes les autorités tiennent les discours d’auto-gloriole lors des grandes fêtes nationale devant le regard amorphe d’une population dépassée par le coût de la vie.

Le chômage est de taille et même indicible. Il se définit en fonction de la situation de chacun.

Au Cameroun, aux yeux du pouvoir en place, le jeune diplômé des universités locales qui vend les journaux en bordure de la route n’est pas un chômeur.

Plusieurs ménages n’envoient plus leurs progénitures à l’école et ceux qui y vont finissent leur parcours académiques dans la rue. Certaines familles souhaitent même avoir des jeunes filles car à partir de 15 ans, elle peut se « débrouiller », abandonnée dans le monde de la prostitution et des trafics de tout genre.

Dans les milieux des grandes écoles de formations professionnelles, la litanie des lamentations sur le coût élevé des pourboires pour réussir ne cesse de s’allonger. On avance plusieurs hypothèses (….).

La corruption autour des concours est telle que les jeunes évitent même de s’y aventurer lorsqu’ils ne disposent pas de soutiens nécessaires pour réussir.

Face à l’avenir incertain, tout le monde se rue dans les cybercafés….Jeunes comme adultes.

De nombreux Camerounais s’y bousculent pas pour vérifier leur messagerie. Chacun se « cherche » comme ça se dit ici. Chercher un correspondant éloigné (des Européens principalement) en vue d’établissement des liens pouvant déboucher au mariage, même si l’on est marié.

Comme nous le disions déjà dans l'une de nos réflexions sur le Cameroun, certains hommes acceptent le départ de leur épouse parce qu’ils se sentent limités financièrement. Et pour ceux qui réussissent à partir du Cameroun, ce sont les transferts d’argent que l’exilé effectue en direction de sa famille qui maintient le ou la partenaire resté (é) au pays.

Les institutions qui recrutent de nos jours au Cameroun sont nombreuses.

Tenez, ce sont les Eglises. Ces recrutements sont visibles les dimanches matin dans les rues des grandes villes et même des campagnes.

La multiplication des sectes et notamment des églises dites 'réveillées' n'est pas un phénomène rassurant pour le Cameroun. Avec des croyances liées à la sorcellerie, ces sectes dont l'obscurantisme pousse ses adhérents à croire que Dieu peut les transporter aux Etats Unis d'Amérique ou ailleurs en Europe sans obtenir de visa, ont pris un essor considérable au Cameroun.

On peut donc comprendre pourquoi un pouvoir en place depuis plus de 32 ans n'est pas mis en difficulté, puisque le peuple camerounais attend que Dieu s'en occupe. Or ne faudrait-il pas appliquer l'adage 'aide-toi et le ciel t'aidera' ?

Cette irrationalité de la population fait perdurer le règne d'un homme qui aurait été démis de ses fonctions dans n'importe quelle démocratie digne de ce nom avec tous les scandales accumulés depuis plus de 32 ans.

Les routes ces jours sont surpeuplées. Les grandes salles de cinéma qui jadis avaient fait la fierté de nos aînés sont aujourd’hui transformées en église. Certains domiciles également sont transformés en église. Les dimanches matin, chacun se précipite à ne pas arriver en retard au culte du jour. C’est peut être le phénomène social dans lequel le renouveau a réussi au Cameroun en matière de création d’emplois. Rires

Les sociétés d'Etat et l'Etat ont fait faillite. Personne ne se pose la question sur les raisons de cet échec.

Pourtant, la raison est simple, les directeurs généraux ou des président directeur généraux gèrent leurs société de manière purement traditionnelle sans tenir compte des normes évolutives d'efficacité, de profit, de rentabilité etc.…

On nomme des parents à des postes sans formations nécessaires. Toutes ces entreprises créées en général par les proches du clan présidentiel n'ont pas d'objectifs de croissance, de rentabilité ; La comptabilité est à peine tenue. Et quand bien même cette comptabilité est tenue, du jour au lendemain, les différents gestionnaires de la boîte sont mis en prison pour détournement de la fortune publique... A quel but?

Dans la plupart des grandes villes du Cameroun, « le temps n’est pas encore de l’argent » et en milieu rural, ce sont les hommes qui jouent aux nurses ou se baladent de cabaret en cabaret, abandonnant les champs aux femmes et aux enfants, pour après revendiquer le contenu du grenier sans compter les innombrables jours fériés. Le culte de la paresse et du gain facile a pris le dessus dans le subconscient collectif des Camerounais. Chacun veut devenir riche .... sans effort de productibilité préalable..

L’amour du travail, le goût de l’entreprenariat, la culture du sens de la responsabilité, la primauté de l’intérêt général, la construction du bien-être individuel et collectif sont autant de valeurs qui manquent chez certains compatriotes déjà habitués à la facilité par qui on ne sait.

La plus grande honte qui se prête désormais au Cameroun est bien sûr son incapacité à pouvoir sortir de ses terres fertiles assez de nourriture pour penser la famine sous laquelle ploie quelques uns de sa population. De grandes firmes et des pays lointains au continent y accourent pour acheter des milliers d’hectares afin de les exploiter à des fins commerciales pendant qu’une grande partie de Camerounais aux bras valides continuent de subir les affres du chômage et de la pauvreté.

Une réflexion sur cette situation s’impose non seulement au pouvoir public au Cameroun mais à la société toute entière. Mais surtout au pouvoir public. A Suivre.

Auteur: Hugues Seumo