Jean-Pierre Bekolo montre les différents visages des camerounais

Lisez la tribune du cinéaste camerounais Jean-Pierre Bekolo :

La nervosité du camerounais

Chers amis étrangers, ne nous haïssez pas pour rien car la nervosité que vous voyez sur nos visages camerounais n’est pas dirigée contre vous. Nous devons vous expliquer. Le Camerounais joue le gars fâché quand il est devant quelque chose qui risque de lui faire perdre son charisme.

Quand le Camerounais est impressionné par quelque chose ou par quelqu’un, il fait une de ces têtes… Vous pensez alors qu’il a quelque chose contre vous, non… c’est le contraire.

Si vous devez faire une présentation dans un ministère par exemple, ne soyez pas déstabilisés par les visages d’enterrement que les camerounais autour de la table font.

Ça n’a rien à voir avec la qualité de votre présentation. Dites-vous plutôt qu’il y a de fortes chances qu’ils ne comprennent pas ce dont vous parlez et qu’ils doivent le cacher en jouant les nerveux. Si vous avez le moindre doute sur ce que je dis, essayez l’expérience des Camerounais dans les boîtes de nuit… partout dans le monde. Si vous voyez des types en très nerveux entrer dans une boite de nuit, sachez que ce sont des Camerounais.

Qui paie une bouteille à 1000 euros dans une boite de nuit pour venir se fâcher devant sa bouteille ? Sur la piste de danse alors c’est la magie, regardez seulement sa bouche! Non, il n’est pas fâché, c’est dans la nervosité que le Camerounais trouve son charisme. Pour nous camerounais, nous ne respectons pas un gars qui rit ou qui sourit trop.

Si vous êtes un artiste et que vous avez le malheur d’avoir un public de nous, camerounais, plus vous allez nous offrir le meilleur spectacle, moins nous allons applaudir. Cela n’a rien à voir avec la qualité de votre prestation, mais plutôt avec l’émotion que vous nous donnez et surtout des efforts que nous camerounais faisons pour cacher votre grandeur.

Le problème avec nous les Camerounais, c’est que tout tourne autour de nous. On sent défiés par votre talent. Vous qui êtes en face de lui n’existez que par rapport à lui. On est dans le défi permanent!

Ce n’est pas facile à comprendre mais vous allez comprendre. Par exemple, dans la circulation, pourquoi est-ce que celui qui a tort est le premier à vous crier dessus ? Pensez-vous qu’il ne sait pas qu’il a tort ? Il refuse d’être celui qui est en faute… et pourtant il est en faute. Vous l’avez compris, le Camerounais doit rester au-dessus de toutes les situations et de tout le monde… même quand il est en dessous.

Imaginez alors notre vie dans ce pays où tout le monde doit être grand et personne n’accepte d’être petit! Ce pays où tout le monde doit être tout et où personne ne doit être rien. C’est nous les Camerounais… Comment faire ne pas avoir le réflexe permanent de la nervosité? On ne fait pas exprès.