Le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative ne désespère pas de réussir là où ses prédécesseurs ont lamentablement échoué par le passé.
Depuis quelques semaines, 3.198 fonctionnaires « fictifs » sont invités à régulariser leur situation administrative auprès des directions des ressources humaines de leurs administrations respectives. La décision du ministre de la Fonction publique et de la réforme administrative s’inscrit dans le cadre de l’assainissement du fichier du personnel et du fichier solde de l’Etat, entrepris par Michel Ange Angouing sous le contrôle du premier ministre. Elle fait suite à la publication en août d’une liste de 10.377 agents de l’Etat présumés faussaires, et qui émargeaient en toute impunité dans le budget de l’Etat. Les agents ainsi indexés devront montrer patte blanche, en fournissant entre autres leurs attestations de présence effective au travail. Selon certaines statistiques, le phénomène des fonctionnaires fictifs fait perdre au moins 5 milliards de Fcfa sur la masse salariale de l’Etat chaque mois. Toutefois, la redondance de ces mesures d’assainissement du personnel de l’Etat laisse planer comme un scepticisme sur son efficacité.
Réseaux
L’opération Antilope, lancée en grande pompe dans les années 1995, avait démasqué de nombreux fraudeurs sans réussir à stopper la gangrène. Sigipes 1 - la première phase de l’implémentation du Système intégré de gestion des personnels de l’Etat et de la solde grâce à l’informatique, n’y a rien pu. En 2009, environ 3.000 agents fictifs avaient été démasqués suite à un contrôle de routine, auxquels s’ajoutent 15.000 autres découverts en 2010. Suffisant pour convaincre les observateurs avertis d’un réseau mafieux solidement implanté dans les strates supérieures de l’Etat, et du manque de volonté politique de l’éradiquer à jamais. A en croire des sources introduites, les agents véreux victimes de ces mesures récurrentes d’assainissement réussissent toujours à travers des réseaux de corruption implantés au Minfopra et au Minfi, à se faire réintégrer dans les rangs des agents de l’Etat.
A l’intérieur même du ministère de la Fonction publique, il se dit que le prédécesseur de Michel Ange Angouing exhibait sa casquette d’homme politique, pour justifier certaines décisions de réintégration des agents véreux, pourtant épinglés pour cause d’irrégularité. Une approche qui donnait l’onction à nombre de ses collaborateurs de couvrir eux aussi les faussaires. Parallèlement, le démantèlement du réseau à la Fonction publique n’était pas suivi d’effets aux Finances, où les agents régulièrement sanctionnés continuent de percevoir allègrement leurs salaires injustifiés, avec la complicité de quelques responsables. Autant dire que pour la recherche de son efficacité, la mesure du ministre doit viser au-delà des mercenaires qui pullulent dans la fonction publique, leurs complices tapis au sein des ministères de la Fonction publique et des Finances, et qui ont fait de la protection des agents fictifs de l’Etat une véritable source d’enrichissement illicite. Michel Ange Angouing peut-il réussir là où ses devanciers ont trébuché ?
Quoiqu’il en soit, sa décision de s’attaquer à l’assainissement du personnel de l’Etat, la plus grosse gangrène de la fonction publique camerounaise, est déjà apprécié comme un acte de courage et d’audace qui ne sied pas toujours avec l’inertie qui caractérise la haute administration camerounaise. Pourvu qu’il aille jusqu’au bout de sa logique.