L’afrique autrement

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Thu, 16 Jul 2015 Source: Ibrahim S.du Mlan

Dans l'un des numéros de Trajet, notre collègue Françoise Imbs, au retour d’un voyage au Burkina Faso écrit : « Quand cessera-t-on, chez nous de faire l’amalgame entre grande pauvreté et immobilisme, de n’avoir comme image de l’Afrique que celle d’un rafiot de naufragés ? » C’est bien aussi l’avis d’Ibrahim un ami Béninois. H.LAURENCEAU. L’occident a encore une image préhistorique de l’Afrique, cette Afrique que même les jeunes Africains d’aujourd’hui ne connaissent pas.

L’image des peuples et cultures qu’on ne connaît pas , ou qu’on ne veut pas faire connaître , renvoyée au monde et de plus aux peuples eux-mêmes est la cause nette de l’absence de considération et du rejet de ces peuples et de leurs cultures. Si l’on cherche à savoir pourquoi le MASSAÏ de Namibie vit tel qu’il le fait, malgré le degré d’évolution du monde tout près de lui, et pourquoi il tient à préserver jalousement son mode de vie, on comprend qu’il est l’héritier d’une coutume et d’un patrimoine qui constituent un coffre-fort identitaire qui lui est cher, au même titre qu’ un paysan ou berger ALSACIEN, AUVERGNAT, TEXAN etc.

A l’heure où on est fier de protéger l’environnement, cela devrait être simplement logique de valoriser une certaine catégorie de richesses, plutôt que la considérer comme inférieure, primitive ou sauvage. Le respect de l’autre passe par la connaissance de sa culture.

Le plus étonnant est que l’Occident qui jadis colonisait le berceau de l’humanité afin de lui permettre de connaître une « modernité », véhicule une image négative de l’Afrique, au point que même l’effort consenti par de courageux Européens contemporains ne se voit plus, dans l’image véhiculée au travers du monde occidental par les médias, et ce, encore plus en Afrique.

Les Architectes et décorateurs, en Afrique ont du mal à convaincre leurs clients de faire le choix de matériaux locaux, même s’ils sont de qualité. Le couturier en Afrique doit, pour mieux vendre sa collection, s’inspirer des modes occidentales, même si l’environnement ne permet pas de se sentir bien dans ces vêtements. On pourrait citer beaucoup d’exemples du genre. Et pourtant combien d’occidentaux, savent qu’il y a des Architectes, Ingénieurs, Chercheurs, Artistes, Couturiers, Boulangers, Tapissiers, Entrepreneurs, bref… tous ces artisans, industriels, formés en Afrique, et qui se réjouiraient que l'on parle un tant soit peu d'eux ? Ainsi donc, même chez les riches en Afrique, on ne voit pas souvent de meubles et d’objets d’arts réalisés par les artisans locaux… Imaginez qu’on dise à un enfant constamment,... tu es nul ! Tout ce que tu as ou que tu fais est mauvais ! il finit par se sous-estimer.

Ce mépris, n’est-il pas une insulte à l'égard de ces hommes et femmes qui se battent pour gagner leur pain, et faire évoluer l'Afrique ?...

Cette Afrique qu'on montre en permanence dans les rubriques « humanitaire » ou « monde sauvage » sur les médias occidentaux, est avant tout une vaste société consommatrice et un vaste marché. L’Afrique est un continent si riche qu’il arrive à s’acheter des armes, du pétrole dans les stations services, des voitures, des avions, des bateaux, des actions dans les multinationales (en occident) etc. Et même certaines de ces multinationales, (qui investissent dans l'hôtellerie) sont victimes de ces images négatives de l’Afrique ; elles ne le démentiront pas.

N’est-ce pas une manœuvre pour rassurer les citoyens occidentaux sur la qualité de leurs conditions de vie ? Mais en même temps, cette vision de l’Afrique détruit les jeunes issus de l’immigration (pour ce qui est du cas de la France), car cela ne leur donne pas envie de connaître les pays d’où viennent leurs parents.

Cette Afrique là ,pourtant, c'est aussi l'endroit où, les jeunes dans les zones urbaines rêvent, créent, jouent, travaillent, naviguent sur internet, organisent des fêtes sur des plages, suivent des émissions occidentales sur satellites, câbles etc.,et préfèrent regarder les dessins animés , les films d'actions,(...) que d'aller en vacances dans les zones rurales.

D’ailleurs, les enfants n'ont plus la chance d'écouter « le grand père de Kirikou, entre les petites cases et sous le grand arbre à palabres du village », par peur d'être considérés comme n'étant pas du monde, dit civilisé ou moderne. Mieux, ils n’ont même pas la chance de visiter ces parcs animaliers, ces forêts etc...Si l'on pouvait imaginer combien ils sont dépaysés, à chaque fois qu'ils sont obligés d'y aller! Non, il n’y a pas de lion dans les rues de Cotonou…

Mais le véritable malheur de l’Afrique, ce sont ses dirigeants porteurs d’œillères, sans patriotisme. Afin de bénéficier des pourboires versés par les grandes chancelleries de l’occident, ils préfèrent envoyer cette image négative qui n’est que leur fond de commerce et ils s’enrichissent sur le dos des populations). L’utilisation de méthodes douteuses de recensement des populations dans certains pays africains (nombres d'habitants, taux de natalité et de mortalité, les malades de sida etc..) permet de manipuler l’occident afin de toucher des aides financières. On peut donc dire que les médias de l’occident sont utilisés par ces intellectuels africains pour mieux réussir à s’emplir les poches.

Ces intellectuels ne veulent pas s’inspirer des modèles traditionnels d’Afrique contemporaine pour fonder des vrais Etats de droits où la richesse serait bien partagée par l’ensemble de la population. La solidarité traditionnelle en Afrique ne se retrouve pas au niveau politique. Si on connaît si mal l’Afrique réelle c’est bien évidemment que ses dirigeants africains sont, avouons-le, des capitaines de navires sans boussole ; ceci pousse d’ailleurs les cerveaux (penseurs, chercheurs, philosophes, écrivains etc..) à vivre, pour la plus part, en occident.

On dit sans cesse … « on va aider l’Afrique ! »… Mais ce qu’on oublie souvent d’ajouter c’est que sa population entière ne vit pas en dessous du seuil de pauvreté, dans la guerre, ou le chômage et n’est pas malade de sida ou autres(alors qu’on ne connaît pas le nombre réel des populations pour cause de mauvais recensement).

Comment peut-on aider tout un continent qui fait près d’un milliard d’habitants ? Et avec quoi ? Et comment? Il n'y a que l'Afrique qui peut s'aider.

Quand on laissera le soin au paysan du Bénin de venir en aide à celui du Niger s’il est touché par les difficultés provenant de la sécheresse, alors on pourra dire qu'on aide l'Afrique.

L'Afrique : 53 Etats ; un continent dont la superficie fait plus de trois fois l’Europe, avec une grande diversité (à chaque kilomètre des cultures, traditions, coutumes, paysages, climats et reliefs, etc...), et qui dans son ensemble recèle et génère assez de richesse. Il y a des hôpitaux, des aéroports, des stades, des beaux hôtels (que même certains touristes occidentaux n’arrivent pas à se payer), des ponts, des banques, des magasins etc. Même si les gouvernements africains trop souvent ne se préoccupent pas des populations et construisent insuffisamment d’infrastructures sanitaires, sociales, routières et autres comme dans d’autres pays dits du tiers monde.

L’Afrique, rappelons-le, est semblable à d’autres région du monde en voie de développement (sur d'autres continents), où les gratte-ciels côtoient les bidonvilles, les belles villas les taudis, les SDF les bourgeois. C’est seulement quand l’occident cessera de renvoyer à l’Afrique des images négatives, que la fierté des Africains renaîtra et amènera la jeunesse Africaine à reprendre confiance en elle même afin d’affronter l’avenir avec grande assurance.

Pour finir je vous exhorte à aller voir par vous même l'Afrique, comme on le dit, « en vrai ». Vous pourriez bien être surpris!!

Auteur: Ibrahim S.du Mlan