S’il existe un grand nombre d’études sur le but et l’efficacité de l’aide étrangère, le consensus au sujet de son impact sur la croissance économique est absent. Les premières études par Papanek (1973), Dowling et Hiemenz (1982) indiquent un effet positif sur la croissance, confirmée par des études ultérieures comme celle d’Arndt et al. (2009, 2010).
D’autres études comme celle de McGillivray et al (2005, 2006) et Ogundipe et al. (2014) ont montré que l’aide peut influer positivement sur la croissance dans un environnement propice en matière de politiques économiques et commerciales. Enfin, les études par Easterly et al (2004), Williamson (2008) et Mbah et al. (2014), entre autres, mettent au contraire en évidence l’impact négatif de l’aide sur la croissance.
L’observation de l’Afrique orientale sur une période de dix années, jusqu’en 2014, indique une tendance générale à la hausse de l’aide publique au développement. Cependant à première vue, cette hausse ne s’est pas traduite en croissance même si d’autres facteurs sont à prendre en considération. Par exemple, avec une forte augmentation de l’aide en 2013 par 1,5 trillion de dollars, le PIB a reculé de 1,4%, alors que suite à sa chute de 1,6 trillion en 2014, le PIB a augmenté de 3,3%.
Le plan Marshal de plus de 13 milliards de dollars injectés dans la reconstruction de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale était une intervention ponctuelle qui a agi comme un stimulus pour relancer des économies, notamment celle de l’Allemagne. Est-ce que les économies africaines peuvent être stimulées par les enveloppes d’aide colossales ? Helmer (2009) fait valoir que l’aide crée une dépendance perpétuée par les dirigeants africains, les organismes d’aide, les ONG et les gouvernements occidentaux qui semblent profiter de l’image victimaire de Afrique pour garder les robinets d’aide ouverts. C’est aussi la thèse défendue par la célèbre économiste Dambisa Moyo dans son ouvrage « Dead Aid ».
Les propos francs et audacieux de Moyo sur l’aide ne visent pas à présenter le continent africain comme un enfant ingrat mais plutôt un enfant qui, après avoir été des années sous les ailes des parents, quitte enfin la maison pour commencer une vie autonome. En effet, l’auteure souligne dans son ouvrage le côté réducteur de la croissance enserrée entre les quatre murs de la maison parentale. Ainsi, les économies africaines ne pourront réaliser pleinement leur potentiel de croissance qu’en rompant avec le système de l’aide.
D’ailleurs, l’aide dans sa nature et dans son esprit n’est pas destinée à être un moteur de croissance économique. D’où l’intérêt de créer une économie productive pour que les taxes collectées au niveau national servent à fournir des biens publics. Cette base solide de financement permettra d’ailleurs de mettre en accord les dépenses publiques avec les aspirations des populations, une sorte de restauration du pacte sociale. Car malheureusement, le modèle de l’aide crée un décalage entre l’Etat et les citoyens puisque l’argent gratuit ou pas cher de l’aide rend le gouvernement autonome financièrement et le dispense de la reddition des comptes, contrairement au cas où il dépend des recettes fiscales (Young et Sheehan, 2014).
Ainsi, un gouvernement devrait miser avant tout sur l’instauration d’un environnement sain, grâce à des règles favorables au secteur privé : recherche & développement, incubation technologique, soutien aux PME non pas seulement pour assurer leur survie, mais aussi pour grandir et se développer grâce aux partenariats avec de grandes entreprises. L’autre objectif serait d’instaurer un système financier solide qui facilite la mobilisation de financements abordables par le biais du marché des capitaux ou d’autres sortes de crédits. Plus d’un demi-siècle après les indépendances, la décision de sevrage de l’aide doit être prise.
L’avenir de l’Afrique repose d’évidence sur le rejet de l’aide. L’un des facteurs clés de l’industrialisation de nombreux pays asiatiques, dont la Chine, a été la réforme des lois douteuses du travail. Ces mesures ont eu un impact sur la baisse du coût du travail et par ricoché, baisse du coût de production. Grâce à cela, ces économies ont pu attirer des industries et des flux de capitaux ainsi que d’autres avantages connexes, y compris le transfert de technologie grâce auquel l’industrie locale a pu émerger et prospérer.
Le potentiel de l’Afrique de l’Est n’a pas encore été pleinement exploité. Le Président Yoweri Museveni avait déclaré un jour que l’Ouganda n’a pas besoin d’aide, mais de commerce avec les partenaires au développement. La voie à suivre consiste donc à établir des priorités face à ces défis plutôt que de multiplier les missions étrangères pour chercher des fonds.
Moyo affirme qu’il n’y a pas de pays dans le monde qui a connu une croissance économique importante et une réduction de la pauvreté grâce à l’aide. L’Afrique, et l’Afrique de l’Est en particulier, ne peuvent être l’exception.