Le catholicisme camerounais survivra-t-il à l'assassinat de Jean-Marie Benoît BALA?
La question n'est pas formulée mais elle agite déjà les historiens et autres sociologues des religions dans ce pays qui s'est massivement converti au christianisme dès son contact avec l'Occident en 1840.
Mais voilà, l'Eglise catholique qui est au Cameroun vit une réalité nouvelle depuis le 30 mai dernier avec la découverte de la disparition de Mgr Jean-Marie Benoît BALA évêque plus qu'ascète du diocèse de Bafia, diocèse vaste s'il en est mais essentiellement rural qui couvre deux départements, le Mbam et Kim (chef lieu Ntui) et celui du Mbam et Inoubou avec Bafia comme chef lieu.
Dès l'annonce de cette disparition, médias et témoignages sont mis à contribution pour accréditer la thèse d'un suicide qui aurait arrangé les autorités politico-administratives d'autant plus qu'il y a une note bien que placée sur le siège arrière du véhicule de l'évêque qu'il est sensé avoir déplacé tout seul sans l'assistance d'un chauffeur: "Je suis dans l'eau" avec une signature qui fait polémique aujourd'hui. Pour les besoin de la cause nous traduisons cette note en latin la langue officielle de l'Eglise catholique romaine: "Ego in aqua".
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Seulement dès le 2 juin aux premières heures de la matinée, le corps sans vie de Jean Marie Benoît BALA est repêché des eaux boueuses de la Sanaga, le plus long fleuve du pays qui prend racine dans l'Adamaoua et arrose ainsi tout le pays. Le corps est recueillis à 19 km en aval du lieu où le véhicule de l'évêque a été retrouvé 3 jours plutôt.
Il a un ventre plat, les sandales (soulier qui n'a qu'une demi-empeigne avec une forte semelle) qu'il a aux pieds sont inversées, manifestement il n'aurait pas pu les porter seul ainsi sauf à être dans un fort état d'ébriété.
Il a une jambe brisée, un de ses bras est dans le même état et le comble, il est délesté de ses parties génitales. Le corps aurait été découvert vers 3 heures du matin par un pêcheur au village Ntsang dans l'arrondissement de Monatélé département de la Lékié.
Le témoignage du pêcheur dit avoir fait les 19 km qui séparent le village Ntsang du pont d'Ebebda pour prévenir les autorités puis il serait reparti avec les sapeurs-pompiers et les plongeurs de la marine nationale pour récupérer le corps au lieu où il avait été "ligoté ou attaché" cette fois à l'aide d'une pirogue à moteur de la marine nationale.
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Pour accueillir le corps au bord du fleuve, une foule abondante accourue des villages voisins mais aussi les autorités administratives et municipales (le préfet du Mbam et Inoubou, les maires de Bafia, de Bokito, d'Ombessa, d'Ebebda - le commandant de brigade de la localité mais aussi le Nonce apostolique Pioro Pioppo drapé d'une soutane blanche, les archevêques Jean Mbarga de l'archidiocèse de Yaoundé auquel appartient le diocèse de Bafia, Samuel Kléda archevêque de Douala tous deux en soutane noire. Il est 11h37.
le chauffeur de l'évêque est la personne désignée pour la reconnaissance du corps, confirmation est faite qu'il s'agit du corps sans vie de l'évêque de Bafia, une toilette est administrée à cette dépouille par 4 religieuses une canadienne et 3 camerounaises, le corps est placé dans une house puis hissé dans une ambulance et le cap est mis sirènes hurlantes pour la Morgue l'Hôpital Général de Yaoundé à 93 km d'Ebebda. Les archevêques Jean Mbarga, Samuel Kléda sont rejoint à la morgue par monseigneur Joseph Ndi-Okala évêque de Mbalmayo, le nonce est aussi présent.
Le secrétaire d'Etat en charge de la gendarmerie est présent, sourire aux lèvres, il est accompagné par le colonel de gendarmerie Eloundou Mesmin, le gouverneur de la région du centre. Un écran est fait par la gendarmerie et les policiers afin d'éviter toute prise de photo. Archevêques, évêque et nonce, le vicaire général de Bafia Bienvenue Djiomo, et 8 religieuses appartenant à différentes congrégations religieuses exerçant au Cameroun, elles sont médecins, infirmières et juristes, sont aussi admise dans la chambre mortuaire, il y a 3 commissaires de police en service au cabinet du délégué général à la sûreté nationale aussi.
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Quelques clichés de la dépouille sont prises par les enquêteurs de la police judiciaire, par deux religieuse et par un prêtre médecin. Les officiels quittent la morgue vers 16h12.
Questions
Alors que les dignitaires de l'église catholique sont sonnés par les images de la dépouille de Jean-Marie Benoît Bala, pendant qu'ils cherchent à rattraper les déclarations un peu précipitées de certains prêtre faites le 31 sur le pont d'Ebebda, déclaration dans lesquelles ils tendent à conformer la thèse du suicide parfois malgré eux, les médias notamment télévisuel libèrent la parole parfois la plus anodine.
Ainsi sur Equinoxe TV, un habitué de la pêche dans la Sanaga est le premier à contester la thèse du suicide. "j'ai l'impression que ce monsieur a été plongé dans l'eau, qu'on lui a tenu avant de le plonger dans l'eau parce qu'on ne peut pas se noyer dans l'eau avec les chaussures aux pieds sans toutefois se débattre pour sortir." Un autre déclare "le corps n'était pas décomposé, il y avait une légère odeur..."
C'est donc du bord de la Sanaga que part la remise en cause de la thèse qui circulait déjà depuis 3 jours celle du suicide de l'homme d'Eglise. S'il est vrai que depuis le Concile Vatican II l'Eglise catholique est revenue sur l'exclusion qui frappait tout suicidé, il reste cependant vrai que le suicide reste un péché grave. L'Eglise catholique reconnaît aujourd'hui qu’il existe bien des troubles d’ordre psychique (mieux connus aujourd’hui qu’autrefois) qui peuvent diminuer la responsabilité du suicidaire.
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Elle ne mentionne donc plus les suicidés parmi les pécheurs manifestes auxquels on ne peut accorder les funérailles ecclésiastiques sans scandale public des fidèles, et laisse aux pasteurs le soin de décider dans chaque cas particulier de ce qui conviendra le mieux, après un vrai dialogue avec les proches du défunt.
Et surtout «on ne doit pas désespérer du salut éternel des personnes qui se sont donné la mort. Dieu peut leur ménager, par les voies que Lui seul connaît, l’occasion d’une salutaire repentance. L’Eglise prie pour les personnes qui ont attenté à leur vie.» (Catéchisme de l’Eglise catholique, n°2283).
C’est ce que le saint Curé d’Ars nous a appris par un des miracles les plus touchants de son ministère. Une dame avait perdu son mari, homme irréligieux, qui avait fini sa vie par le suicide. Inconsolable sur son sort, qu’elle croyait être la damnation éternelle, elle fut amenée par hasard à Ars et chercha à rencontrer le saint Curé pour l’interroger sur le malheureux défunt. Elle réussit à l’approcher et, avant même qu’elle eût pu lui dire un mot, le saint lui murmura à l’oreille: «Il est sauvé… Oui, il est sauvé», insista-t-il.
La pauvre femme fit un geste de la tête qui voulait dire: «Oh! Ce n’est pas possible.» Alors, d’un ton affirmatif encore: «Je vous dis qu’il est sauvé, qu’il est en purgatoire et qu’il faut prier pour lui… Entre le parapet du pont et l’eau il a eu le temps de faire un acte de repentir.»
Dieu seul sonde donc les cœurs et les reins et Lui seul connaît parfaitement l’âme qui se présente à Lui. Néanmoins, la Conférence des Évêques semble avoir eu besoin de ces déclarations du tout venant, de l'observation des clichés de la dépouille pour contre-attaquer le 13 juin 2017. Mais il faut déjà dire que dès le 12 juin, les évêques ont eux-mêmes organisé la fuite du document qui devait être présenté au médias le 13 dès 10. A 20h tous les médias étaient en possession de la communication de Monseigneur Samuel Kléda.
Autres questions et non les moindres dans une enquête pour meurtre, dans une église catholique particulière comme celle du Cameroun qui depuis 1981 compte de nombreux décès non élucidés comment comprendre que les évêques n'ait pas désigné un des leurs pour assister la sortie de la dépouille de la dépouille de Jean-Marie Benoît Bala des eaux de la Sanaga?
Comment comprendre l'attitude de Mgr Jean Mbarga archevêque de Yaoundé qui a été informé de la disparition de son confrère dans l'épiscopat n'ai pas réagi aussitôt? Au sein du clergé, certains commencent à demander des explications.
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D'où la sourde appréhension qui hante aujourd'hui plus que les consciences, "le catholicisme camerounais survivra-t-il à l'assassinat de Jean-Marie Benoît Bala?". Cette sourde incompréhension s'appuie à la fois sur le questionnement des chrétiens et sur l'attitude des princes de l'Eglise. Le message et l'attitude des évêques ne semblent pas passer.
Pour les sociologues des religions l’expérience chrétienne doit rendre manifeste le mystère du Christ : Incarnation, Mort, Résurrection. Dans une constante surprise, voire une stupéfaction proche de celle des femmes devant le tombeau vide, elle appelle à inscrire la foi comme un acte au cœur du monde et de l’histoire. Un acte est davantage qu’un discours, une croyance ou la reconnaissance d’une tradition. Rien ne dit qu’il puisse être facile…
Il suppose un engagement dans l’actualité, donc un risque. Et le risque engendre l’incertitude, la crise. Aujourd'hui les chrétiens ont l'impression qu'il y a un refus de prise de risques des évêques, sur radio Vatican le 15 juin, l'archevêque de Yaoundé bafouille dans un entretien qu'il aurait dû préparer pour dénoncer et rassurer le peuple de Dieu dont il est le pasteur.
Monseigneur Samuel Kléda n'a pas fait mieux sur les antennes de RFI
Comment rassurer les chrétiens et l'ensemble du peuple camerounais dans une société où le peuple soupçonne tous les détenteurs du pouvoir de comploter contre lui, là où Dieu, désormais semble absent? Comment les princes de l'Eglise vont faire pour affronter les dénigrements dont ses pratiques, son silence, ses liens supposés ou réels avec le pouvoir politique font désormais l’objet ?
La foi ne peut qu’être en quête d’intelligence (fides quaerens intellectum) sauf à accepter de s’abîmer dans l’illusion.
Le catholicisme au Cameroun survivra-t-il à l'assassinat de Jean Marie Benoit Bala? Sans doute. Il pourra s’épanouir dans la mesure où il est capable d’une critique radicale du monde et d’une conversion de sa pensée, de ses fréquentations, de ses connivences. Paul Tillich qualifiait cette posture de réalisme croyant.
Réalisme parce qu’elle s’efforce d’éviter toute illusion, y compris celles de sa propre pensée. Croyant parce qu’il s’efforce « d’obéir à la nécessité interne de ce qui est, mais en même temps, il cherche cette nécessité interne dans la couche ultime de l’être, qu’il ne peut désigner que d’un seul nom : l’au-delà de l’être ».
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Voilà le pris à payer et ce n'est pas une prise de position du Vatican qui sera de trop, sinon ce peuple qui s'est converti en masse, on parlait alors de "l'esprit saint qui soufflait en tornade" ce peuple, désertera aussi les églises en tornade.