L'autodestruction : Cas des icônes sportives

Sun, 21 Feb 2016 Source: Bazou Batoula

Dans cette série consacrée aux relations mutuellement destructrices qu’entretient le Cameroun avec ses icônes, nous nous intéressons ici au segment sportif. Disons-nous bien les choses. Depuis l’Indépendance et malgré la modestie de notre pays en termes de pouvoir d’achat, d’infrastructures et d’indice de développement humain, plusieurs sportifs et sportives de haut niveau ont pu sortir la tête de l’eau.

Ces braves gens ont à leur apogée montré à la face du monde qu’il existe du bon grain chez nous. Cependant, à la simple observation de leurs trajectoires, notamment humaine et professionnelle, surtout pour la période d’« après médaille », on a du mal à comprendre pourquoi l’image de cette relation Etat-Sportifs porte constamment le fardeau du dénigrement, voire de la dégradation. Quelques exemples nous jonchent continuellement l’esprit.

Samuel Eto’o

Il est important de distinguer ici la personne du personnage. C’est en effet sur ce dernier que porte notre attention. Nous avons comme plusieurs autres Africains ressenti des frissons lorsque ce brave monsieur enfilait des buts tant à Majorque, à Barcelone, à Milan, qu’en Russie, au UK ou en Turquie. Ça fait chaud au cœur de savoir qu’on partage un drapeau similaire à celui que brandit ce joueur que l’institution du football a certainement choisi d’oublier et de sous-évaluer.

Ceci étant dit, il n’est pas caché que l’image du Cameroun brillait lorsqu’Eto’o brillait. C’est à ça que sert le football international, y compris les médias qui vont avec. Cependant, nous avons l’impression que depuis l’affaire du Marakechtgate, suivi des plateaux Fecafoot, des sanctions et toutes les ratées et dégringolades de l’équipe des Lions Indomptables, la relation qu’entretient le Cameroun avec Samuel Eto’o s’est fortement dénaturée. Disons que sa Personne y a été pour beaucoup. A l’évidence, tapis dans l’ombre, des gens veulent sa peau. Ne l’a-t-il pas cherché ?

Tout compte fait, il me semble difficile que le Cameroun obtienne encore ce genre de talent dans le court ou le moyen terme. Autrefois honoré et béni, le Cameroun l’a livré à un prix dérisoire. Oui, nous n’avons pas protégé ce personnage à la mesure de ce que lui, a donné au Cameroun. Résultat des courses, on détruit nous même ce qui nous était précieux.

Jean-Paul Akono

Jusqu’à preuve du contraire, aucun entraineur Blanc ou Noir n’a offert au Cameroun une Médaille d’Or dans un tournoi de football mondial. Il se trouve que Jean-Paul Akono l’a fait, et on ne peut rien y changer. Ce fut historique, on en était fier. Encore merci Coach. Malheureusement, nous sommes toujours offusqués de savoir que ce monsieur a dû transpirer pour être payé. Il y a même laissé sa santé. Dans une interview, il dit lui-même que des âmes de bonne volonté l’ont assisté et cite au passage Samuel Eto’o.

Ça fait très mal au cœur d’entendre de tels propos d’un homme que les entraineurs du monde entier découvraient avec une belle surprise à Sydney. On a lu beaucoup de mépris à l’endroit de ce coach. On y a même vu de la jalousie. Est-ce seulement parce qu’il n’est pas blanc de peau ? Qu’est ce que le Cameroun dira au Monde lorsqu’on lui demandera où se trouve Jean-Paul Akono ?

Françoise Mbango

Aujourd’hui devenue Française, cette brave dame a du quitter le Cameroun pour sauver sa carrière, pour sauver sa dignité, pour sauver sa vie. Après avoir supporté un mariage d’avec son pays d’origine, à qui elle a en passant fait deux beaux bébés (Médailles d’Or aux JO), il y a eu comme on pouvait s’y attendre le grand divorce. Lorsque j’ai salué cette dame à Paris, c’était le regard profondément enthousiasmé, mais à coup sûr le cœur attristé.

Car je me souviens bien de l’explication qu’elle avait donnée pour justifier son choix. C’est comme si un soldat décidait de changer de camp parce que le camp à qui il a offert des victoires ne le reconnait toujours pas. Elle passe désormais incognito dans les rues de Paris. Que va-t-on raconter aux futures générations ? Que le Cameroun a été incapable de garder la crème de ses athlètes pour une histoire d’encadrement matériel ? Nous négligeons, les autres protègent.

Joseph Bessala

C’est le premier boxeur Camerounais médaillé d’or aux JO. Résidant désormais en France, ce vaillant soldat rumine constamment un goût fade lorsqu’il s’agit du Cameroun. Il a même indiqué lors d’une interview menée autrefois par Canal 2 International à Paris, que «  ses frères Camerounais avaient tout fait pour qu’il soit viré et remplacé de son poste d’agent de sécurité à l’Ambassade du Cameroun en France ». Il a souhaité apporter sa modeste contribution à la formation de la jeune génération.

Mais comme il le dit lui-même, ses démarches d’avec la fédération ou le ministère des sports du Cameroun sont toujours restées sans suites. S’appuyant sur des semblants de salles de boxe dans les quartiers perdus de Yaoundé, cet athlète a pu offrir à son pays ce qu’il avait de plus précieux : Les punchs de ses gans. Grâce à cela, l’image du Cameroun d’alors s’est bien portée. Que retiendra l’histoire lorsqu’on entrera le nom de Joseph Bessala dans wikipedia ? Pourquoi son pays le Cameroun l’a-t-il laissé dans un oubli total ?

Les Equipes

On se souvient encore des mouvements de grève par lesquelles les braves footballeuses Camerounaises revenues de la coupe du monde féminin au Canada ont du passer pour avoir leurs primes. On se souvient des pareils actes de démonstration initiés par les basketteuses vice championnes d’Afrique et pour les mêmes prétextes. On se souvient que partout dans le monde, lorsqu’on parle d’équipes du Cameroun, les journalistes étrangers rigolent en disant « ont-ils enfin reçu leurs primes » ? Tout cela pour rappeler que ce qui provient du Cameroun est toujours, comment dire « un genre ».

Sur base de ces quelques exemples (il y en a tellement), nous souhaitons simplement attirer l’attention sur la relation que le Cameroun développe avec ses Sportifs de haut niveau, parfois érigés en icônes nationales. Il nous semble important d’envisager la mise sur pieds d’un dispositif, que dis-je, d’une culture de la reconnaissance. Si le Cameroun expose ses dignes fils & filles à la merci de l’indigence, de l’insécurité, de l’oisiveté et de l’humiliation, si le Cameroun ne les protège pas, pensons nous vraiment que d’autres le feront à notre place ? N’observons nous pas que les grands pays ont des grandes façons de gérer leurs idoles ? Et qu’en retour, ces derniers ont des grandes responsabilités vis-à-vis de leurs nations ?

Lorsqu’on voit ce que la NBA a fait pour dire merci à Kobe Bryan pour sa grande carrière, on comprend tout de suite qu’il n’y a de hasard nulle part. Au Cameroun, mettons fin à l’autodestruction de nos références sportives.

Auteur: Bazou Batoula