Les Camerounais se familiarisent avec le nom de Pius Njawe lorsque, à seulement 22 ans, après avoir travaillé comme crieur puis localier à La Gazette, il crée l’hebdomadaire Le Messager, le 17 novembre 1979. Il devient ainsi le plus jeune directeur de publication du pays. Le parti unique (l’Union nationale du Cameroun, UNC) est alors à son apogée. Faire du journalisme se résume à rapporter des faits divers ou à parler de sport.
Entre interdictions administratives et tribulations financières de son promoteur, l’hebdomadaire végète, et il faut attendre la fin des années 1980 et le vent de libéralisation qui commence à souffler sur le pays pour que le journal prenne la configuration d’une entreprise. À partir de 1990 et l’avènement du multipartisme qui s’accompagne de la libéralisation de la presse, Le Messager devient une tribune centrale dans le champ journalistique camerounais. Ses tirages atteignent les 180 000 exemplaires et s’écoulent sans difficultés.
Il se veut à « l’écoute du peuple », et se fait par conséquent le porte-voix de la rue qui réclame une conférence nationale souveraine et scande « Biya must go ! ». La conférence nationale et l’alternance n’ont pas eu lieu. À partir de 1993, les ventes commencent à baisser, plongeant le journal dans une crise qui s’aggrave au fil des ans. Quotidien depuis 1998, Le Messager fête néanmoins ses 30 ans en novembre 2009, devenant ainsi le journal privé d’Afrique subsaharienne francophone avec la plus grande longévité.
Bien plus que les slaloms que Pius Njawe devait effectuer entre les créanciers auxquels il avait recours pour faire survivre sa publication, la bataille la plus rude qu’il eût à mener au début de son aventure éditoriale fut celle de sa légitimité dans le champ socio-professionnel du journalisme au Cameroun, et dans l’espace public en formation. En effet, quand il passe de vendeur de journaux à directeur de publication, il n’est titulaire que du seul Certificat d’études primaires.