L’union Africaine (ua) se trompe-t-elle de priorités ?

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Mon, 20 Jul 2015 Source: Paul Daniel Bekima

En aéronautique il est bien connu que les phases de décollage et d’atterrissage sont beaucoup plus délicates à gérer que la phase de vol proprement dite. Ce principe est d’autant plus vrai en aérospatiale que l’agence américaine de l’espace (NASA) a décidé de faire les lancements et la gestion du vol dans deux installations bien distinctes: les lancements se font à Cape Canaveral en Floride, et la gestion du vol se fait à Houston au Texas.

L’Union Africaine dans sa structure et son fonctionnement actuels se comporte comme Houston alors qu’elle devrait se comporter comme Cape Canaveral. En effet, ce dont l’Afrique a d’abord besoin aujourd’hui c’est de mettre sur pied des structures qui soient de nature à lui permettre de prendre son destin en main. Une poignée de domaines devraient faire l’objet d’une priorité absolue à savoir:

Le contrôle des matières premières et ressources naturelles L’énergie, L’agriculture, La surveillance des activités étrangères sur son sol, Et la mise en place de méthodes de financement des projets communs. De ce point de vue l’on peut considérer que le 25e sommet de l’Union Africaine est une déception. Lors de ce sommet qui s’est déroulé à Johannesburg en Afrique du Sud les 14 et 15 Juin 2015, 19 décisions ont été prises, 6 déclarations ont été faites et une résolution a été adoptée.

Même si aucune des décisions prises n’est mauvaise en elle-même, toutes ces décisions auraient été plus porteuses dans le contexte d’une Afrique qui aurait déjà pris son destin en main. Considérons par exemple, la déclaration sur l’autonomisation de la femme africaine. Peut-on véritablement parler de l’autonomisation d’un groupe de personnes dans une Afrique qui n’est pas elle-même autonome?

Une autre déclaration qui dans l’absolu est bonne, mais qui concrètement dénote de la confusion dans l’ordre des priorités des africains est la déclaration sur la situation en Palestine et au Moyen-Orient qui s’étale sur 2 pages alors que n’est mentionné nulle part le brulant problème des actes de pédophilie commis par des soldats de troupes étrangères stationnées en Centrafrique et au Burkina Faso. Une entité politique qui se dit sérieuse aurait déjà engagé des investigations propres à elle sur ce dossier et partout où sont stationnées des troupes étrangères sur le sol africain. Voilà un dossier que la cour africaine de justice devrait prendre en main comme entrée en matière.

Par contre la seule décision véritablement sérieuse d’un point de vue stratégique, à savoir l’offre faite par la Guinée équatoriale de construire un centre africain de renseignement a été d’une certaine façon occultée. En effet, sans une telle agence d’espionnage, de contre-espionnage et d’analyse stratégique, l’Afrique est vulnérable et perméable à toutes les agressions étrangères. Par le fait de cette absence, tous les coups tordus fomentés par des entités qui ne nous veulent pas du bien nous ont jusqu'à présent pris par surprise.

Un exemple pour illustrer cela : En 2000, le Guide de la Révolution libyenne, l’un des plus grands visionnaires africains, le Colonel Kadhafi fait adopter la charte de Syrte portant création du Fond Monétaire Africain (FMA), de la Banque Centrale Africaine (BCA), et de la Banque Africaine d’Investissement (BAI).Très vite, l’information circule qu’Abuja (Nigeria) abritera le siège de la BCA, et Syrte (Libye) celui de la BAI. En 2002, Boko-Haram voit le jour au Nord-est du Nigeria comme par hasard. Quelques temps après que Yaoundé (Cameroun) ait été confirmée comme le siège du FMA en avril 2008, Boko-Haram étend ses activités criminelles au Cameroun sans raison apparente. Entretemps, un ouragan s’est abattu sur la Libye, emportant sur son passage le meilleur leader africain de ces 20 – 30 dernières années, et faisant de la Libye un non-Etat. Le tout assorti de la confiscation par les Etats-Unis et L’Union Européenne des fonds que le guide libyen avait mis de côté pour le lancement de ces institutions essentielles au décollage de l’Afrique.

Le 2e exemple que l’on peut mentionner concerne la propagation du virus fabriqué Ebola (ce virus est l’objet du brevet CA 2741523A1). La chose curieuse est que, les pays du golfe de Guinée qui ont été touchés par cette épidémie abritent aujourd’hui des réserves de pétrole estimées à 32millions de barils. Une bonne agence de renseignement globale sur le continent travaillant avec les services de renseignements nationaux africains aurait pu rendre plus difficile l’implémentation de telles entreprises criminelles.

Avec des données aussi parlantes, il est clair que le monde est un endroit dans lequel les Etats sont en état permanent de guerre. L’Union Africaine devrait prendre la pleine mesure de cette situation, limiter et concentrer ses efforts dans les secteurs qui doivent rendre l’Afrique autonome le plus rapidement possible. Nous avons précédemment cité: le contrôle des matières premières et ressources naturelles, l’énergie, l’agriculture, le renseignement sur son sol, et les grands projets ayant déjà démarré.

La maitrise de ces 5 domaines, combinée aux institutions de la charte de Syrte feraient de l’Afrique un acteur majeur et composante active clé dans la gestion des affaires du monde pour le bien-être de tous les humains. Mais relever les défis de l’énergie et de l’agriculture par exemple va demander des fonds importants. Vouloir lever ces fonds en empruntant auprès des Institutions de Bretton-Woods n’est pas une bonne solution tant il est bien connu que la structure des prêts de ces institutions est un piège duquel il est quasiment impossible de se tirer.

A bien réfléchir, l’Afrique n’a besoin des financements de personne, car ce continent est riche, très riche même, n’a besoin que d’en prendre conscience et de s’organiser de manière à tirer le meilleur profit de son potentiel. Nous n’insisterons jamais assez dans notre demande adressée aux pays africains de syndiquer leurs efforts dans la gestion de leurs matières premières.

Non seulement ils se mettraient en position de force en tant qu’entité continentale dans la négociation des contrats, mais cela leur permettra aussi d’en organiser la gestion. Un pourcentage des revenus générés par ces matières premières pourrait par exemple être directement affecté au budget de fonctionnement de l’UA et au financement de programmes sociaux sur le continent sans que cela n’affecte les budgets des états membres.

Une coopération de ce genre demande forcément de faire des efforts, plus particulièrement celui d’apprendre à travailler ensemble et d’arrêter d’entretenir des divisions que les adversaires exploitent. Si l’on réussit à faire de la collaboration entre africains une attitude naturelle, il sera tout aussi naturel pour nous de faire converger nos ressources financières dans la réalisation des grands projets, que ce soit dans le domaine de l’agriculture, dans celui de l’énergie que dans tout autre secteur stratégique. Il n’est jamais trop top pour commencer à faire des choses ensemble et il y en ce moment même des opportunités de le faire.

Le projet « Grand Inga » qui manque cruellement de financements aujourd’hui serait un bon début. Ce gigantesque projet de construction du plus grand barrage du monde sur le fleuve Congo a le potentiel d’alimenter la moitié de l’Afrique en énergie avec sa capacité de production de 40 000 mégawatts. Voici un projet que l’UA devrait prendre à bras le corps en mobilisant des financements de ses Etats membres. Les africains doivent par ailleurs regarder ce projet comme une opportunité d’apprendre à travailler ensemble. Sa réalisation qui serait un moment de fierté pour tous les africains pourrait aussi donner le coup d’envoi tant attendu de la renaissance africaine.

Les adversaires de l’Afrique le savent et travaillent très dur pour saboter ce projet. Comme par hasard, les européens ont sorti du chapeau le projet de Jean-Louis Borloo d’électrification de l’Afrique, et avant eux, le président Obama avait déjà mis sur la table le projet « Power Africa » dont la réalisation exclut le Grand Inga. Dans ce contexte, l’on comprend mieux la raison pour laquelle les grandes capitales occidentales demandent à Kabila (leur ancien pion devenu incontrôlable) de ne plus se représenter aux élections.

Peut-être avant toute chose, au lieu de vouloir aider les africains, ces « partenaires », si ils étaient bien intentionnés devraient davantage travailler à rendre l’Union Africaine autonome financièrement. Pourquoi le feraient-ils si « l’aide au développement » est une arme dans leurs mains comme une distraction pour les Africains? Ce n’est en réalité à personne d’autre qu’aux africains qu’il revient la tâche de rendre leur union indépendante, financièrement entre autres.

Revenant sur la suggestion aux Africains de travailler en commun, il est essentiel de comprendre qu’elle ne se limite pas à un effort ponctuel et qu’il y a une composante de long terme dans cette entreprise. De la même façon, elle n’est pas limitée à un secteur précis et devrait s’étendre au domaine académique par exemple où la convergence des standards académiques s’impose afin de faciliter la mise en commun des talents et compétences.

Le projet d’harmonisation des programmes scolaires et universitaires prôné par l’UA est par conséquent louable, mais pour que ces programmes soient efficaces et bénéfiques pour l’Afrique, ils doivent s’articuler autour du contrôle de nos matières premières afin d’en tirer la plus grande valeur ajoutée. Les pôles de recherche et les concentrations académiques devraient se faire par régions en fonction de la répartition géographique de ressources naturelles. Par exemple, les pays riches en pétrole devraient insister sur la maitrise des sciences du pétrole et ceux riches en bois devraient renforcer les études sur le travail du bois.

Pour démarrer le projet de coordination des Universités africaines, quoi de mieux que de trouver un projet ambitieux et multidisciplinaire dans lequel nos chercheurs, ingénieurs, artisans et bien d’autres montreraient non seulement leur savoir-faire mais également leur capacité à travailler ensemble dans le but d’obtenir des résultats sur des problèmes complexes ? La conquête du désert du Sahara dans toutes ses dimensions en est un bon exemple.

Un projet similaire consisterait à mettre sur pied des équipes de juristes et d’économistes dont les missions seraient d’une part d’étudier la légitimité des contrats d’exploitation de nos matières premières, du problème de la dette, et d’autre part de prendre en main la défense des leaders africains menacés par la CPI, et les problèmes du genre pédophilie et trafic d’enfants et d’organes.

Comme dernier exemple de projet universitaire commun, nous mentionnons le domaine de la santé dans lequel nous pouvons mettre à contribution les acquis que nous avons mis les millénaires à collecter. Pourquoi ne pas donner des moyens et regrouper nos tradi-praticiens authentiques pour cette tache ?

Pourquoi ne pas trouver des pôles de convergence avec nos chercheurs dits modernes dans le domaine pharmaceutique et chimique afin que les premiers (les traditionnalistes) trouvent des passerelles qui leurs permettraient de traduire leurs connaissances dans le langage de la science dite moderne, afin de mettre au service de nos populations des connaissances ? D’ailleurs de plus en plus aux Etats-Unis, des médecins mettent sur pied des programmes de traitement des maladies chroniques tels que le diabète ou le cancer sur la base de l’utilisation d’herbes et de l’alimentation.

L’idée que nous essayons de mettre en avant ici est que l’UA doit davantage concentrer ses efforts dans les activités qui vont rendre l’Afrique indépendante et favoriser les conditions qui vont déclencher son décollage et sa renaissance. Elle devrait se limiter peut-être à cela pour le moment. Houston, c’est pour plus tard.

Auteur: Paul Daniel Bekima