La corruption ne recule toujours pas au Cameroun

Fri, 27 Nov 2015 Source: carmer.be

Le document a enfin été rendu public mercredi par la Commission nationale anticorruption. Il en ressort que 45 dossiers ont été transmis en justice pour un montant global de 130 milliards 450 millions FCFA, tandis que 50 milliards ont été recouvrés.

La corruption au Cameroun est un véritable fléau national. Elle est même une pieuvre. En dépit des efforts déployés depuis bientôt une décennie par les pouvoirs publics, malgré la volonté politique apparente de l’éradiquer, ce phénomène connait toujours une recrudescence. Comme un cancer développant des métastases. Les preuves sont contenues dans le dernier rapport de la Commission nationale anti-corruption (Conac) rendu public hier à l’hôtel Hilton de Yaoundé, en présence des responsables des différentes administrations publiques ou leurs représentants. Le document de 218 pages porte sur l’état de la lutte contre cette « plaie » au cours de l’exercice budgétaire 2013. « La lutte contre la corruption a connu une évolution certaine dans notre pays. (…)

Il faut cependant relever que l’année 2013 a connu l’évolution et la sophistication des techniques de corruption sous diverses formes de tricherie qui prolifèrent et gangrènent l’activité socio-économique de notre pays », a déploré le président de la Conac, le révérend pasteur Dieudonné Massi Gams. En parcourant la note de présentation faite par le Professeur François Anoukaha, vice-président de la Conac, on ne peut que mieux s’en convaincre. « Pour sa part, l’Anif [Agence nationale des investigations financières], au cours de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2013, a enregistré 315 déclarations de soupçon souscrites par les professions assujetties c a m e r . b e, contre 153 en 2012 soit une hausse de 105,88%. Au cours de la même période, 45 dossiers ont été transmis aux Procureurs compétents après exploitation et enrichissement des déclarations contre 44 dossiers en 2012. » Les expériences de corruption et leurs dénonciations sont donc passées du simple au double. Les flux financiers repérés par l’Anif pour les 45 dossiers transmis en justice en 2013 sont estimés à 130 450 932 638 F.Cfa par infraction sousjacente. Au 31 décembre 2013, l’Anif a reçu des services homologues 49 requêtes qu’elle a traitées. Elle a acheminé ses réponses aux services requérants, selon François Anoukaha.

Répression

Au chapitre des répressions des infractions, le rapport indique que le Conseil de discipline budgétaire et financière (Cdbf) des services du Conseil supérieur de l’Etat (Consupe) a rendu, en 2013, 43 décisions dont 33 portant condamnation des agents mis en cause et 10 portant abandon des poursuites ou acquittement. Les 33 décisions ont conduit le Cdbf à mettre en débet les personnes visées pour un montant de 39 352 738 390 F.Cfa. « Bien plus, ces personnes ont été frappées des amendes spéciales d’un montant cumulé de 33 millions 900 mille F.Cfa », nous apprend le vice-président de la Conac. La Conac se refuse à décliner l’identité de ces personnes physiques, invoquant le principe de la présomption d’innocence cher à la Justice. Interrogé à ce sujet par le sénateur Pierre Flambeau Ngayap (Undp) camer.be, le viceprésident de la Conac a déclaré que la Justice seule est compétente pour désigner les coupables et retenir des charges à leur encontre. Des organes judiciaires tels la Chambre des Comptes de la Cour suprême ont également été mis à contribution. En 2013, cette institution a fait des observations définitives sur la gestion financière de deux sociétés publiques, la Sodepa et la Scdp. En outre elle a rendu des décisions concernant les comptes de cinq établissements publics administratifs (Cdpm, Arsel, Armp, hôpital général de Yaoundé et Université de Douala) et une collectivité territoriale décentralisée (commune rurale de Nanga Eboko.

Le Tribunal criminel spécial, pour sa part, a rendu 41 décisions dont 22 portant condamnation, trois d’incompétence, et le reste portant complément d’information, production de pièces ou expertises diverses. A l’issue de ces décisions, l’état des sommes recouvrées et reversées au Trésor public est évalué à la somme de 2 148 197 513 F.Cfa. « En matière de lutte contre la corruption, on (le Cameroun) n’a pas encore atteint les cinq premiers rangs qu’on aurait souhaité. En termes de note, nous sommes encore à 3,5/10 et ne sommes donc pas sortis de la ligne rouge. Nous avons encore beaucoup d’efforts à fournir », s’est résumé  Massi Gams.

50 milliards recouvrés

Tout compte fait, la Conac garde espoir des lendemains qui chantent. L’institution en veut pour preuve la forte volonté manifestée par les pouvoirs publics avec 17 départements ministériels et 02 établissements publics administratifs (le Feicom et l’Armp) engagés dans la mise en oeuvre des Initiatives à Résultats Rapides (Irr) ; la participation effective de la société civile grâce à sa Coalition nationale de lutte contre la corruption (Cnlcc) qui en 2013 comptait 62 associations et réseaux d’associations, etc. Par ailleurs, les 2758 dénonciations reçues à la Conac au cours de la période concernée proviennent de tous les secteurs d’activité : éducation (149 dénonciations) ; santé ; justice ; forêt et faune ; élevage et pêche ; finances publiques ; impôts ; marchés publics (199 requêtes) ; eau et énergie ; communication et secteur privé. « Bien que la Conac ne soit pas spécialement chargée du recouvrement des fonds publics, ses différentes actions ont contribué, de manière directe ou indirecte, soit d’éviter à l’Etat de perdre de l’argent, soit de lui restituer de l’argent indûment perçu. Le total des sommes versées au Trésor public ou en cours de versement, à la suite des actions de la Conac, s’élève en 2013, à la somme de 50 464 843 627 F.Cfa », s’est réjoui le vice-président.

En termes de recommandations, François Anoukaha suggère la création d’un organisme chargé du recouvrement et de la gestion des sommes imputées aux gestionnaires indélicats, toutes choses qui « donneraient plus de lisibilité et de relief à l’action gouvernementale ». Le président de la Conac propose quant à lui, à court terme, la création de clubs d’intégrité dans les établissements scolaires et les milieux socioprofessionnels pour attaquer le mal à la base, le respect de la déontologie et des procédures, l’accentuation des interventions rapides et des investigations physico-financières. A moyen terme il faudra redynamiser les cellules ministérielles de lutte contre la corruption, étendre les Initiatives à Résultats Rapides aux régions, départements et arrondissements ainsi qu’aux communes, voire les chefferies traditionnelles et les communautés religieuses. Enfin, à long terme, l’application du Programme national d’éducation à l’intégrité (Pnei), l’adoption d’une loi anti-corruption et l’application de l’article 66 de la Constitution relatif à la déclaration des biens et avoirs seraient souhaitables. Tout comme la création d’un numéro vert.

Etat des dénonciations reçues à la conac en 2013  

Auteur: carmer.be