Près de 5 mois après le déclenchement des revendications anglophones qui paralysent une partie du Cameroun, les observateurs sont toujours à la recherche d'une solution durable pour sortir de la crise.
Rien ne semble pouvoir briser la détermination de nos concitoyens de cette partie du pays qui acceptent de payer le prix fort pour se faire entendre.
En donnant un statut « endémique » à cette crise, ses acteurs majeurs, c'est-à-dire, le gouvernement et ceux qui ont été à l'initiativedes mots d'ordre de grève de départ, lancent un véritable défi à notre conscience citoyenne et patriotique. Comment réagir face au drame d'une importante frange de la population qui crie à sa marginalisation ?
Comment s'impliquer pour pousser à une solution durable qui ne soit pas simplement une paix de confortation de l'ordre inique dominant ?
Une première démarche aura été de nier le problème et de diaboliser les victimes. Depuis 5 mois, les adeptes de cette politique de l'autruche ont eu mille fois le temps de s'étouffer dans le sable où ils s'étaient enfoncés pour ne pas voir le problème.
On parlera aussi de la sarabande opportuniste de quelques politiciens en mal de positionnement qui ont pensé n'y voir qu'une occasion de fustiger le pouvoir sans développer des esquisses de solution à la réalité du problème.
C'est dans cette verve qu'il faut aussi lire la pensée d'un acteur de la société civile à l'instar de M. Protais Ayangma qui s'était fendu d'un éditorial dans son journal « Mutations » pour appeler les manifestants à lever leur mot d'ordre de grève, maintenant qu'ils avaient « gagné » (sic). Cette victoire pour lui étant le fait qu'ils avaient été entendus. On connaît la suite.
La crise n'a jamais cessé. Malgré notre hypocrisie devant ce véritable drame. Malgré les démi mesures. Malgré la répression et la corruption qui sont les deux faces d'une monnaie transactionnelle que le régime utilise le mieux face à ceux qui pensent différemment.
Sous nos yeux, ceux qui répondent du régime de Paul Biya sont en train d'hypothéquer la cohésion du Cameroun. Ils accentuent la fracture entre les Anglophones et les Francophones.
Ils sèment les germes de rancoeurs et des frustrations qui seront autant d'obstacles au vivre ensemble de nos enfants dans un pays que nous laisserons en héritage dans une situation manifestement moins enviable que nous ne l'avons trouvée. Ils brisent notre futur.
Et nous les regardons faire devant nos démissions et nos silences complices. Le cinéaste Jean Pierre Bekolo a si bien résumé la situation dans une interview dans le journal français Le Monde : « Les années Biya ont fait des Camerounais un peuple qui meurt en silence » (Le Monde du 9 mars 2017).
On ne peut pas mieux le dire. Comment comprendre cette indifférence face aux inacceptables violations des Droits de l'homme dans la partie anglophone du pays ?
Ce regard qu'on détourne face aux multiples arrestations des leaders syndicaux et politiques au rang desquels un membre de la Cour suprême du pays ?
Ce silence face à une punition collective qui frappe 20% de la population privée d'Internet depuis deux mois, parce que des activistes se servaient des réseaux sociaux pour leur propagande ? A peine pensable !
Pour se donner bonne conscience devant ce deni de citoyenneté, on s'évade, on s'exile dans autant de diversions qui nous empêchent de voir la hideur de notre condition.
A côté du sacre des Lions indomptables à la CAN du Gabon qui joue les prolongations par une tournée nationale de présentation de trophée dans les 10 régions du pays, on s'extasie devant la « Remontada » de Barcelone face au Paris Saint Germain.
Reste qu'après deux ou trois cuites, les soucis qui savent nager remontent rapidement à la surface et s'imposent à nous. A Bafoussam, les cybercafés sont envahis par les étudiants partis de Bamenda pour profiter de Internet indispensable à leurs travaux.
Leur détresse ne fait pas rire.
Pour les citoyens que nous sommes, peut-être qu'il est temps de sortir de notre exil intérieur pour s'interroger (de façon un peu plus bruyante ?) avec certains oracles sur les raisons qui bloquent l'application des vraies solutions au problème que pose la crise anglophone.
Alors même que certains des dirigeants de ce régime en appellent à une Décentralisation rapide comme solution au mal-être né de l'excessive concentration des pouvoirs à Yaoundé, pourquoi se refuse-t-on de l'appliquer ? Qui en est responsable ? Qui veut mettre le feu au Cameroun à travers la sédimentation de la crise anglophone ?