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La difficile vie des victimes de casses à Yaoundé

Thu, 20 Aug 2015 Source: Aziz Salatou

Après les casses enregistrées hier au quartier Essos, les commerçants vadrouillent en espérant trouver un nouveau site pour installer les comptoirs.

En face du supermarché Fontana ce 18 août, au lieu-dit Terminus Mimboman à Yaoundé, l’on aperçoit des jeunes gens assis à même le sol. Ce sont des vendeurs dont les marchandises et les comptoirs ont été détruits lundi matin par les éléments de la Communauté urbaine de Yaoundé (Cuy).

Malgré de nombreuses pertes matérielles enregistrées, ces commerçants n’ont pas hésité à revenir à cet endroit pour voir ce qu’ils peuvent faire pour mener normalement leurs activités. Depuis lundi, ces vendeurs n’ont plus des comptoirs. Le site d’environ 200 mètres de longueur qu’ils occupaient a été rasé par les engins de la Communauté urbaine de Yaoundé.

Patrick Tenang, vendeur des médicaments, ne veut plus parler de cette journée « noire »: « J’ai été ruiné au point où je me demande si ma vie a encore un sens », lance-t-il.

Avec un paquet de compresse qu’il tient entre ses bras, Patrick est arrivé ce matin pour vendre les paquets de médicaments avec lesquels il a réussi à s’échapper pendant les casses. Toute sa préoccupation est basée sur son futur, car c’est grâce à son comptoir des médicaments qu’il parvenait à nourrir sa famille de cinq personnes.

« Je ne sais pas où j’irai m’installer malgré les casses. Je vends ici depuis dix ans, je suis venu écouler le rester de marchandises. Ma présence ici se justifie par le fait que beaucoup de clients me doivent de l’argent et je les attends afin de voir comment je vais relancer ma vie.

La marchandise écrasée s’évalue à 700.000F.Cfa », témoigne-t-il. Après le passage des engins de la Communauté urbaine au quartier Mimboman, les policiers sont toujours présents afin d’empêcher que le site soit à nouveau envahi par les comptoirs.

La majorité des vendeurs expulsés ont envahi les trottoirs et proposent la marchandise aux clients. « Je suis obligé de rester debout sur le trottoir parce que mon comptoir a été détruit. Je ne sais plus comment préparer la rentrée scolaire de mes cinq enfants.

C’est aussi grâce à mon comptoir de fruits que je parvenais à acheter les médicaments pour mon traitement de diabète », raconte un vendeur de fruit. Les commerçants expulsés lundi dernier, étaient constitués de tenanciers de call box, les vendeurs de fruits, les tenancières de tourne dos…

40 000 F pour échapper aux casses

Hier au quartier Essos, les commerçants installés sur les trottoirs étaient dans la désolation après les casses de la Communauté urbaine. C’est le cas d’Angèle Nga, qui déclare : « J’ai perdu un comptoir qui avait une marchandise de 300.000F cfa, je ne sais pas ce que je vais devenir », s’inquiète-t-elle.

La semaine dernière, les casses ont eu lieu au quartier Elig-Edzoa. La Communauté urbaine de Yaoundé est déterminée à libérer les trottoirs occupés par les commerçants. Les populations dénoncent aussi les manoeuvres de corruption lors de ces opérations de destruction.

« On m’a demandé 40.000F.Cfa pour que je sois épargné des casses. Je leur ai dit que j’avais seulement la moitié, mais mon comptoir a été cassé », témoigne un vendeur au quartier Essos.

Avenue Kennedy encombrée

Joseph Nganma est ici depuis deux ans. Il dit être étudiant en droit niveau 2. Il est l’un de ces curieux jeunes hommes qui proposent des costumes neufs. Ils ont la particularité de revêtir leur marchandise pardessus leurs habits. Il a subit les foudres de la police.

« Ils m’ont confisqué ma marchandise. J’ai dû soudoyer un policier pour la récupérer. » .Selon lui, les policiers venus par dizaines, ont pris toutes les marchandises qu’ils ont pu attraper. Ils avaient l’intention de les détruire, ont même commencé à en brûler.

Alors les vendeurs à la sauvette se sont organisés. Ils sont parvenus à en soudoyer et sont revenus à l’avenue Kennedy. Le seul endroit selon Joseph S. où il peut gagner de l’argent pour payer ses frais de scolarité et subvenir aux frais de dossiers du concours à l’Ecole normale supérieure qu’il dit préparer ardemment.

Lui, il n’a pas très peur de perdre sa marchandise. Comme Younoussa, son copain avec qui il vend des costumes, il est employé par des magasins. « Nous sommes là pour rabattre des clients à des boutiques. Nous portons les vestes pour que les clients voient comment elles tombent sur le corps. Nous ne possédons rien par nous même », confesse t-il.

Il révèle que cette activité rapporte énormément. « Plus de 100.000Fcfa les jours de chance. Seulement, il faut se montrer inventif parce qu’on peut passer un mois sans rien vendre ». Pour lui, les descentes de la police ne vont rien résoudre. «Nous sommes des dizaines d’étudiants à venir ici pour chercher de quoi payer notre scolarité. On veut nous chasser ? Eh bien, que l’Etat nous trouve des jobs d’étudiants. Où voulez-vous qu’on trouve de quoi vivre ?», S’inquiète-t-il.

Yves, la trentaine n’est pas un étudiant. On pourrait le qualifier de receleur. Quatre téléphones de grand prix à la main, il arpente l’Avenue. « C’est mon bureau ici. Les descentes de la police ne me gênent pas du tout. Ma boutique est dans ma main ou dans mon sac à dos.

Dès que les policiers arrivent je range simplement ma marchandise dans le sac et je passe incognito », ricane-t-il. Le jeune homme qui vient de sortir de prisons pour une affaire de téléphones volés, n’entend pas arrêté ce trafic qu’il ait depuis huit ans. « Pour aller où ? » interroge Yves qui dit être à la tête d’une famille avec quatre enfants. Pour lui, la police va très vite se « fatiguer ».

Auteur: Aziz Salatou