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La grosse maladresse de l’armée au dialogue national

Dialogue Delegue Armee Aucun espace n’a été réservé aux victimes des exactions des soldats camerounais

Fri, 4 Oct 2019 Source: Michel Biem Tong

Pour un raté, c’en est un. En convoquant le 10 septembre dernier, un dialogue national inclusif, Paul Biya a voulu en faire une affaire de toutes les parties. Mais à quelques heures de la fin des travaux au palais des Congrès de Yaoundé, ceux qui ont soutenu qu’il s’agit en réalité d’un monologue n’ont pas eu tort et c’est l’armée camerounaise qui leur a donné la preuve.

En effet, les organisateurs du dialogue national ont prévu ce jeudi 3 octobre 2019 la projection par l’armée d’images choquantes montrant des actes de mutilations des corps prétendument commis par les forces indépendantistes anglophones. Voilà à quoi est réduit le dialogue façon Biya. Au lieu que l’on assiste à des discussions franches et sincères entre les deux parties en conflit en vue d’une solution durable à la crise, c’est plutôt à un réquisitoire d’une partie contre l’autre qu’on assiste.

Ainsi pour les organisateurs de ce dialogue…pardon…de ce monologue national, seuls les « terroristes sécessionnistes » commettent des atrocités dans le Cameroun anglophone et pas l’armée dont les victimes parmi les civils (y compris les bébés) tombent pourtant presque chaque jour sur le front de guerre. Pour eux, ce sont les « terroristes sécessionnistes » qui brûlent les hôpitaux, les écoles, etc. Si c’est une telle image des forces indépendantistes que l’armée camerounaise a voulu renvoyer ce jeudi 3 octobre au palais des Congrès, il y a lieu de se demander si les populations anglophones ont été stupides de célébrer ce 1er octobre 2019 le 58e anniversaire de l’indépendance du Southern Cameroons aux côtés de ces groupes armés présentés comme leurs bourreaux.

Ceux qui ont visionné les images des êtres humains découpés comme des gibiers que de hauts gradés de l’armée camerounaise ont voulu présenter au palais des Congrès n’ont pas eu la présence d’esprit de se poser les deux questions que voici : Comment les images des atrocités commises par un groupe armé jamais publié sur aucune plate-forme virtuelle des mouvements indépendantistes anglophones se retrouvent entre les mains de leurs adversaires ? Comment comprendre que les activistes proches du régime de Yaoundé dont un certain Nkonda Titus aka MKPD soient les premiers à publier ces images atroces ?

Rien à faire. L’empressement à accuser les groupes armés séparatistes d’avoir décapité, tué, brûlé, sans une enquête préalable et sérieuse, la publication d’images des atrocités attribuées aux séparatistes armés sur les réseaux sociaux par des activistes proches du régime de Yaoundé donnent à penser que ceux qui commettent ces actes sur le terrain sont : (1) soit des soldats camerounais eux-mêmes, (2) soit des faux combattants séparatistes sponsorisés par le pouvoir de Yaoundé pour infliger des souffrances aux populations anglophones et ainsi dresser ces dernières et la communauté internationale contre les vrais séparatistes qui, eux, sont soutenus par la population locale.

Autre curiosité de ce monologue national, aucun espace n’a été réservé aux victimes des exactions des soldats camerounais. Aucune possibilité n’a été donnée à ceux qui ont vu un être cher tué ou leurs maisons brûlées par ces soldats. De quel dialogue parle-t-on ? Quel conflit veut-on résoudre quand ce n’est que l’adversaire qui est fautif et pas soi-même ?

Auteur: Michel Biem Tong
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