La secte concentre désormais, dans la partie camerounaise, l’essentiel de ses attaques.
En prélude au déploiement imminent de la Force multinationale mixte, la secte Boko Haram multiplie les escarmouches avec l’armée camerounaise à la frontière entre le Cameroun et le Nigeria, dans la région de l’Extrême-Nord. La dernière remonte à la nuit du 15 août 2015 quand ses membres se sont à nouveau introduits à Afadé, dans l’arrondissement de Makary et ont brûlé une boutique et emporté le drapeau qui flottait à l’entrée du sultanat.
Un maigre butin à mettre à l’actif de la riposte du détachement du 41eme BIM. Déjà, au petit matin de ce même jour, des gendarmes étaient tombés dans une embuscade sur l’axe Double-Mora, précisément au niveau du village Tayer, et le maréchal des logis Simo et l’adjudant Haman avaient été blessés dans les combats. La veille, 14 août 2015, une incursion de la secte dans le village Mourdas, arrondissement de Hilé-Alifa, a fait un mort, le nommé Goni.
En outre, une dizaine d’habitations ont été incendiées par les assaillants. A Karfouram, toujours dans l’arrondissement de Hilé-Alifa, les assaillants de Boko Haram ont mené une incursion dans la même nuit, mais ne sont pas parvenus à faire des dégâts.
Deux jours plus tôt, le 12 août 2015, des hommes armés appartenant à la secte se sont introduits dans le village Blamé, arrondissement de Makary, et fait cinq morts parmi les civils, non sans mettre le feu aux habitations et à deux édifices publics.
De ces faits, il se dégage que les attaques de Boko Haram se concentrent, ces derniers jours, dans le département du Logone et Chari, particulièrement dans la partie du lac Tchad qui semble être, en raison de son immensité et du terrain rendu difficile par les pluies, le ventre mou de la défense camerounaise.
«Beaucoup de gens disent que la secte est affaiblie parce qu’ils prennent en considération seulement le fait qu’elle ne contrôle plus de grandes villes ni ne lance plus des opérations sur celles fortement défendues par les armées régulières.
Il faut interroger leur retraite et leur nouveau redéploiement, car il me semble que la conquête des villes était circonstancielle, rendue possible seulement par la déliquescence de l’armée nigériane.
Ici, dans cette partie camerounaise du lac Tchad, elle a retrouvé ses marques et applique la stratégie de la terre brûlée. La nuit, les populations dorment en brousse et ce n’est qu’une fois le jour levé qu’elles regagnent leurs villages», explique un officier sur zone. Lequel poursuit : «Le poste avancé de l’armée est situé à Bargaram, à sept kilomètres, mais le terrain est difficile, très difficile d’accès.
Les éléments de la secte utilisent maintenant les chevaux pour se déplacer plus facilement sur ce terrain boueux mais refusent systématiquement le contact connaissant nos capacités». Pire, tout le secteur est désormais vulnérable, en raison de la concentration des éléments de la secte qui ont abandonné les grandes villes aux mains de l’armée nigériane, préférant se réfugier dans des régions difficiles d’accès comme le lac Tchad, pour lancer des escarmouches qui sapent le moral des troupes et de la population.
Boko Haram dispose ainsi d’une base à Kilta, non loin de Saguir, à 15 kilomètres environ de Kamouna. De même, les éléments de la secte qui attaquent régulièrement Afadé, viennent de Sigal, à moins de cinq kilomètres de là, en territoire nigérian. «Des fois, nous les entendons jubiler de loin. Le 14 août 2015, ils se sont regroupés en grand nombre à Sigal et faisaient la fête.
C’est le territoire du Nigeria, et l’armée nigériane se trouve malheureusement très loin de ce secteur. L’armée camerounaise, elle, est sur la défensive, en raison de nombreuses contingences militaires et politiques. L’initiative est donc laissée à la secte qui peut choisir de nous attaquer quand elle veut. Le seul moyen de perturber leur quiétude est l’entrée rapide en action de la Force Multinationale Mixte», explique une élite de Mourdas, jointe au téléphone.
En laissant l’initiative de la guerre à la secte dans la région du lac Tchad, les analystes estiment, au-delà des discours, que les pays riverains rendent plus difficile la tâche qui attend la Force Multinationale Mixte (FMM). «Il faudra aller les chercher, or les secteurs de la FMM seront étanches. Par exemple, le contingent camerounais qui n’est en réalité qu’une partie du dispositif déjà déployé dans la région de l’Extrême-Nord, ne franchira pas la frontière avec le Nigeria.
Dans ces conditions, quel que puisse être notre déploiement, nous allons continuer à subir des attaques dans le cadre de la stratégie de guérilla adoptée par Boko Haram. Ces gens, il faut aller les chercher rapidement avant qu’ils ne prennent solidement pied non seulement dans cette région du lac Tchad, mais également le long de notre frontière ouest.
Nous savons qu’ils se concentrent actuellement dans les secteurs de Kerawa, Banki, Tarmoua, Koumshé, Kalabalgué, Tildé et Ran. Et ce depuis plusieurs jours», renseigne un officier sur zone.