La rocambolesque exfiltration de Felix Moumie de Douala en 1955

Felix Moumié Le soir, Moumié Félix et Ouandié Ernest avaient repris le train-couchettes pour Douala.

Tue, 14 Nov 2023 Source: Enoh Meyomesse

Comment Félix Moumié avait-il pu s’échapper de la traque de la police française au Cameroun au mois de mai 1955 au cours de la fameuse semaine des émeutes, alors qu’il était recherché et que tout Douala était en état d’alerte contre lui ? Tel est l’objet de ce livre…

Bien de récits aussi rocambolesques les uns les autres existent sur le départ de Félix Roland Moumié de Douala au mois de mai 1955, à destination de Kumba, alors qu’il était recherché par la police coloniale suite aux émeutes qui s’étaient produites la veille et qui s’étaient soldées par de nombreux morts par balles.

Nous avons eu le bonheur de connaître Marthe Ekemeyong son épouse à Ebolowa, qui était une parente à nous, et avons recueilli la réalité de cette exfiltration le dimanche 29 mai 1955 au matin. Naturellement, elle est aux antipodes de ce qui a été dit, mais est tout aussi extraordinaire, pour ne pas dire héroïque…

Chapitre I :

Dimanche 22 mai 1995 : levée du drapeau de l’UPC au quartier Mokolo à Yaoundé avec Ouandié Ernest

Conformément à une résolution des Nations-Unies de 1949 malheureusement bafouée par l’administration coloniale tant britannique que française, dans les territoires sous tutelle des Nations-Unies, ainsi que l’était le Cameroun, devaient flotter sur le fronton des édifices et tous les services publics, trois drapeaux :

1/- le drapeau de l’ONU ;

2/- le drapeau de la puissance administrante ;

3/- le drapeau du territoire lui-même, s’il en existait un.

Les upécistes avaient de ce fait continuellement critiqué le fait que seul ne flottait au Cameroun que le drapeau français, en « zone française », et celui de la Grande-Bretagne, en « zone anglaise », mais aucunement celui de l’ONU. La France et la Grande-Bretagne étaient de ce fait en train de violer cette résolution fondamentale à leurs yeux. De nombreux débats avaient été menés afin de décider d’abattre le Bleu-Blanc-Rouge de la France partout où il était levé, et amener l’administration coloniale à le remplacer par celui des Nations-Unies, le Cameroun n’étant pas un territoire français, même s’il était géré par le Ministère de la France d’Outre-mer, au même titre malheureusement que ses colonies.

Cette première option avait été abandonnée au profit d’une autre : la confection d’un drapeau spécifique au Cameroun. La réflexion avait été lancée au sein des upécistes pour l’adoption d’un tel drapeau. Au bout de plusieurs mois de cogitation, il avait été convenu que celui-ci devait à la fois représenter le Cameroun et en même temps la lutte de son peuple contre la servitude coloniale. Le symbole qui a été retenu pour symboliser le pays a été le crabe.

Quant au sang versé dans la lutte contre la servitude, les upécistes ont choisi un fond rouge pour le symboliser. Le drapeau a été de ce fait un crabe noir sur un fond rouge.

L’adoption de ce drapeau a constitué un grand événement pour les upécistes à travers le territoire. Enfin, le pays avait son propre drapeau. Il ne restait plus qu’à l’officialiser, à travers une cérémonie publique.

Yaoundé, le siège des institutions, fut choisi pour cet événement. Vendredi 21 mai 1955 au soir, Moumié Félix et Ouandié Ernest s’étaient rendus à Yaoundé par le train couchettes, qui effectuait la liaison Douala-Yaoundé de nuit, et étaient arrivés à Yaoundé samedi 21 mai au matin. Ils s’étaient aussitôt rendus à la permanence de l’UPC sis au quartier Mokolo, où ils avaient passé la journée à résoudre les problèmes du parti et à préparer la cérémonie du lancement du drapeau le lendemain.

Dimanche 22 mai au matin, une foule nombreuse s’était retrouvée au siège du parti. Le Chant de ralliement qui deviendra sous le gouvernement Mbida l’hymne national du Cameroun, avait été entonné. Puis des discours avaient été prononcés, et enfin, le drapeau avait été levé sous les acclamations de la foule. Lorsque s’était amenée la police coloniale pour disperser la foule, la cérémonie était déjà pratiquement achevée.

Le soir, Moumié Félix et Ouandié Ernest avaient repris le train-couchettes pour Douala.

Mais, l’événement avait provoqué un véritable séisme tant auprès des colons que de l’administration coloniale elle-même. Il est possible de véritablement estimer que cet événement aura été le déclencheur de la fureur qui a gagné les colons tout au long de la semaine qui a suivi, et qui s’est soldée par une augmentation des morts dans plusieurs villes du Cameroun, Edéa, Douala, Mbanga, Loum, Nkongsamba, etc.

Auteur: Enoh Meyomesse