La société civile contre le dépistage obligatoire du VIH

Tue, 28 Jun 2016 Source: Alphonse Ayissi Abena

Dans une correspondance adressée à Mama Fouda, la Fondation camerounaise des consommateurs rappelle que le caractère systématique du dépistage au VIH est contraire aux recommandations de l'OMS.

Une décision qui selon cette association aura une incidence négative au sein des populations. Plusieurs patients seront de plus en plus réfractaires à se présenter dans les formations sanitaires.

[La correspondance adressée au ministre camerounais de la Santé publique André Mama Fouda]

Objet : Dépistage systématique du VIH

Monsieur le Ministre,

En date du 22 juin 2016, vous avez rendu public une note d’information dans laquelle vous rendez systématique le dépistage du VIH. La Fondation camerounaise des consommateurs a pris acte, et par la présente correspondance, souhaite-vous apporter quelques réserves.

La Fondation camerounaise des consommateurs, considère en effet que l’obligation, dans les circonstances prévues ci-dessus, n’est pas la manière la plus appropriée pour protéger les patients et par la même occasion les populations de notre pays.

Monsieur le Ministre, nous ne doutons point de votre volonté de protéger les Camerounais contre le virus du VIH, cependant, votre méthode viole l’éthique et le droit des patients.

Le caractère obligatoire contrarie l’approche médicale du consultant et entrave le suivi thérapeutique et psychologique. Dans le cas du VIH et du sida, maladie transmissible et non contagieuse, l’annonce du statut de séropositivité, qui concerne la vie à venir de l’intéressé, faite froidement et parfois par simple voie administrative (courrier de laboratoire) aura le plus souvent des effets négatifs : angoisse, solitude pour le sujet et tentative de suicide.

Les tests de dépistage obligatoire du VIH sont contraires à l’esprit de nos engagements internationaux, notamment les recommandations de l'OMS et ONU/SIDA. Pour l'Organisation Mondiale de la Santé, le test de dépistage doit être volontaire et il faut reconnaître le droit de la personne à le refuser. Le dépistage obligatoire ou contraint par un prestataire de soins, une autorité, un partenaire ou un membre de la famille n’est pas acceptable, car il compromet les bonnes pratiques de la santé publique et constitue une violation des droits de l’homme.

Raison pour laquelle l’OMS a défini cinq éléments essentiels, les «5 C», à respecter et à observer par tous les services de conseil et dépistage : Consentement éclairé, Confidentialité, Conseil, résultats Corrects du dépistage et Connexion/lien avec la prévention, les soins et le traitement.

A titre de rappel, il existe une période de latence entre la contamination et la séroconversion. Un test pratiqué dans cette période et concluant à la séronégativité peut conduire l’individu à un sentiment fallacieux de sécurité, s’il n’est pas informé de ce fait. Il faudrait en conséquence refaire le test périodiquement, si l’on veut maintenir le cap d’une politique fiable de santé publique.

S’il y avait au contraire le dialogue souhaité et les explications nécessaires fournies par les médecins ou éventuellement d’autres intervenants sanitaires et sociaux, la responsabilisation de l’individu serait rendue plus aisée.

Les tests de dépistage obligatoire du VIH constituent la non prise en considération des véritables déterminants socioculturels et économiques de l'impact du VIH/SIDA au sein de nos populations qui seront de plus en plus réfractaires à se présenter dans les formations sanitaires.

Monsieur le Ministre, suffit-il de dépister systématiquement pour faire reculer la prévalence VIH/sida?

L’utilité thérapeutique de connaître une séropositivité par le VIH ne peut être discutée : les traitements précoces peuvent allonger la période sans symptômes de l’infection. Mais cette utilité qui nécessite l’accord et l’acceptation de la personne atteinte n’est pas garantie par la nature obligatoire du test quelles qu’en soient les circonstances.

Au contraire, le caractère obligatoire du test aurait inévitablement pour effet de dispenser les praticiens et les autres intervenants sanitaires et sociaux de la mission d’information, d’orientation et de conseil habituellement associée à une proposition personnalisée de test dans le cadre d’un dialogue singulier.

En somme, la lutte contre le VIH/SIDA nous fait penser que des actions qui ne sont pas menées et coordonnées dans une vision globale du phénomène SIDA, avec l’implication complémentaire de tous les leaders sociocommunautaires et/ou d’opinion, avec des moyens humains et financiers conséquents, dans un environnement participatif assaini, n’aboutiraient à rien.

Dans l’espoir, de vous voir tenir compte de nos propositions, nous vous prions de trouver ici l’expression de notre considération.

Auteur: Alphonse Ayissi Abena