Le Cameroon People’s Party (CPP) est au regret de constater que malgré les nombreuses condamnations et la désapprobation totale, des différentes catégories d’acteurs de la société camerounaise au sujet du projet de loi portant révision du code pénal, validé par l’Assemblée Nationale et en débat actuellement au Sénat, le gouvernement s’entête et persiste dans sa volonté de passer en force , avec la complicité coupable des parlementaires passifs.
Le CPP réaffirme néanmoins que ce code pénal, dont la lettre et l’esprit sont de renforcer l’apartheid social - qui structure notre société -, est liberticide, défavorable aux personnes vulnérables et non conformes aux valeurs et principes d’une société se voulant démocratique.
Par conséquent, il doit être purement et simplement rejeté afin qu’un dialogue inclusif, participatif, consensuel et démocratique puisse structurer une nouvelle proposition qui se transformerait en projet de loi consensuel, cohérent et conforme aux idéaux de paix et de liberté auxquelles aspirent l’immense majorité des Camerounais/es.
Ce que le CPP reproche à ce code :
1.Ce Code Pénal entend consacrer de manière anticonstitutionnelle l’immunité aux membres du Gouvernement à travers son article 127 qui interdit aux magistrats et aux officiers de police judiciaire de poursuivre, de juger ou d’arrêter tout membre du gouvernement. Disposition qui va à l’encontre du principe même de la séparation des pouvoirs consacrée par la Constitution. Cette disposition et ce code sont donc anticonstitutionnels!
2.Ce Code Pénal est une loi contre les pauvres. En effet, lorsqu’il dispose que l’on peut aller en prison si l’on n’a pas de domicile ou de revenus suffisants pour vivre (Articles 247 sur le vagabondage et 246 sur la mendicité aggravée), il stigmatise plus de (08) huit millions de camerounais qui ne demandent qu’à avoir un emploi décent, un domicile, un espoir. Ce qui leur est garanti par la Constitution et leur manque du fait de l’échec actuel de la gouvernance et des politiques publiques qui en découlent depuis des décennies.
3.Ce Code Pénal condamne les camerounais - à qui le gouvernement de Paul Biya n’a pu fournir des logements sociaux depuis 34 ans -, s’ils ne payent pas le loyer. Cette obligation contractuelle relevant de fait du civil, la pénalisation du non payement du loyer est un raccourcis du Gouvernement, grand insolvable lui-même, qui refuse de rendre plus efficaces les procédures civiles d’expulsion et de recouvrement des loyers dus auprès des locataires. Elle est par ailleurs contraire à l’article 11 du Pacte international des droits civils et politiques que le Cameroun a signé et ratifié, et qui dispose que nul ne doit être privé de liberté pour une dette. Ce délit de filouterie de loyer révèle aussi le caractère partial et partiel du Gouvernement qui n’a manifestement pas pris en compte l’ensemble des litiges pouvant opposer les locataires et les propriétaires. Si c’était le cas, comment comprendre qu’il n’y ait pas de disposition condamnant les éventuels manquements des propriétaires aussi durement qu’on veut le faire pour les locataires en défaut de paiement ? En l’état, cette disposition laisse clairement entendre qu’il s’agit d’un texte taillé sur mesure par les propriétaires contre les locataires !
4.Ce code est liberticide. Toutes les mesures prises sous le régime d’Ahidjo et perpétuées par Mr Paul Biya en ce qui concerne la pénalisation des libertés publiques ont été maintenues et même renforcées. En effet, en son article 123 b, il menace de condamnation pénale, tout citoyen qui voudrait exercer son droit de vote, et son devoir de veille et de contrôle de son vote tout au long du scrutin jusqu’au dépouillement pour lutter contre la fraude électorale. On voit bien que la lutte contre la fraude électorale n’est pas dans l’agenda de ce Gouvernement. En pénalisant les rassemblements autour des bureaux de vote, veut anéantir l’une des dispositions prises par les défenseurs de libertés et de la démocratie pour réduire la fraude électorale dans notre pays.
5.Ce code pénal est anachronique dans la mesure où il maintient la peine de mort contre toutes les conventions signées et ratifiées en la matière par le Cameroun.
6.Ce code n’est pas conforme aux exigences de l’Etat de Droit car il consacre l’irresponsabilité pénale des personnes morales de droit public dont l’Etat, les établissements publics, les collectivités territoriales décentralisées qui très souvent, ne payent pas leurs loyers, leurs prestations et même les salaires de leurs employés.
7.Ce code est incohérent et injuste à bien des égards. A titre d’illustration, l’égalité de droit entre la femme et l’homme n’est pas effective dans le cas de l’adultère. La définition des conditions d’adultère de l’homme reste plus large et floue que celle de la femme. Dans la même logique, il rend difficile voire impossible la possibilité pour certains enfants d’être reconnus. En effet, en pénalisant l’adultère, il rend l’acte de reconnaissance d’un enfant conçu hors mariage comme un aveu d’adultère passible de condamnation et d’emprisonnement. Pour préserver le mariage et sa liberté, le conjoint se retrouve obligé de ne pas reconnaitre à un enfant ses droits de filiation !
Par ailleurs, le projet de code pénal en discussion actuellement au Sénat comporte des omissions et des insuffisances flagrantes. En effet :
1.Le gouvernement a délibérément choisi de ne pas pénaliser l’enrichissement illicite parce qu’il manque de réelle volonté en ce qui concerne la lutte contre la corruption et les détournements massifs de la fortune publique.
2.Le gouvernement a choisi de ne pas intégrer toutes les conventions internationales à l’instar des conventions liées au droit des femmes et des enfants car il existe toujours une inégalité entre l’adultère de l’homme et de la femme ainsi que la privation des enfants de leur filiation.
Dès lors, il apparait de toute évidence qu’une loi pareille, faite à la hâte sans concertation ni consultation réelle et approfondie, ne peut qu’être négative pour la cohésion nationale. La qualité d’une loi se mesurant au nombre minimal ou marginal de failles potentielles, celle en cours d’adoption est proprement dangereuse et quasi inapplicable sur de nombreuses dispositions. En réalité, quand une loi est autant décriée, s’annonce inefficace et inapplicable, le bon sens voudrait qu’on la retire et qu’on la réécrive pour le bien de l’ensemble de la Communauté Nationale.
Il n’est jamais bon d’élaborer un code soi-disant pour les Camerounais sans les Camerounais. Nous avons une fois de plus la preuve que ce qui se conçoit sans les Camerounais/es sera nécessairement et effectivement contre les Camerounais/es.
Eu égard à tout ce qui précède, le Cameroon People’s Party (CPP) :
1.Exige un retrait immédiat du projet de loi en cours d’adoption ;
2.Recommande la mise en place d’une commission adhoc composée des différentes catégories d’acteurs/trice à savoir les partis politiques, les organisations de la société civile, les praticiens du droit (Avocats, magistrats, officiers de police judiciaire,…), les experts sur les questions de droit pénal… pour l’élaboration d’un avant-projet de loi qui sera ensuite introduit à l’assemblée nationale comme projet de loi ;
3.Recommande de se donner le temps de la consultation et de la concertation réelle des différents experts, groupes cibles et forces vives selon une méthodologie participative et inclusive ;
4.Recommande une évaluation préalable de la politique et du dispositif pénal pour intégrer également les enseignements issus de cette analyse de la marche réelle de cette dimension de notre système de justice ;
5.Appelle à la définition et la mise en œuvre d’une politique pénale qui aide à décongestionner les prisons en encourageant autant que possible la transformation des peines d’emprisonnement en réparations effectives et substantielles des condamnés vis-à-vis de la communauté ;
6.Appelle les camerounais/e à se mobiliser et à rester vigilants/e pour empêcher ce énième hold up démocratique et obtenir la réécriture de ce code pénal.
Tout ceci ne serait évidemment pas possible dans un système effectivement démocratique où les dirigeants tiennent leur pouvoir des élections libres et transparentes et dans lequel la gestion participative des affaires publiques n’est pas une utopie mais une réalité.
Pour l’éclosion de cette société, le CPP agit et réaffirme sa disponibilité à agir avec tous ceux et celles souhaitent travailler à la réalisation d’un tel objectif.
Fait à Douala, le 28 Juin 2016.