Le Cameroun est victime d'attaques régulières des djihadistes de Boko Haram. Une offensive de l'armée de la région les a chassés du Nigeria. Du coup, ils multiplient attentats suicide et incursions sanglantes au Cameroun voisin. Le reportage de Philippe Randé, dans la ville de Maroua l'un des fiefs de Boko Haram, à l'extrême Nord du Cameroun.
Des kamikazes de Boko Haram ont tué plusieurs personnes sur le marché central de Maroua il y a quelques mois. Aujourd’hui, dans les rues poussiéreuses de cette ville de cinq cent mille habitants dont tous les occidentaux sont partis, la vie est comme figée, des dizaines de millitaires surarmés patrouillent.
L’armée camerounaise quadrille la ville pour tenter de repérer des éléments de Boko Haram infiltrés. Chaque gamin seul qui s’approche trop près est repoussé, chaque mobylette qui circule est suspecte.
La plus grande peur, c'est de ne pas rentrer chez soi reconnait Freddy, membre des troupes d'élite de l'armée camerounaise. Les attentats ça ne prévient pas. Vous êtes tranquille et d'un coup vous entendez un gros "boum", c'est là que la panique s'installe.
Des jeunes impossibles à raisonner
Malgré les efforts du Cameroun qui va recruter 1 500 douaniers supplémentaires sur deux ans et malgré l’instauration d’une force d’intervention dotée de 8 700 militaires du bassin du Tchad, cette violence est très difficile à juguler. Depuis quelques mois, l'armée nigériane a fait reculer Boko Haram, qui a perdu la plupart de ses territoires dans le Nord-Est du Nigéria. En représailles, les terroristes multiplient les attentats à la frontière, coté camerounais.
Ces extrêmistes sont en déroute coté nigérian, analyse le maire de Kolofata, à 8 kilomètres de la frontière avec le Nigéria. Ils manquent de vivres et font des incursions côté camerounais pour s'approvisionner. Au Nigéria, au Cameroun, au Niger ou au Tchad, ils ont tous suivi des études coraniques, ce sont des jeunes entre 15 et 25 ans. Vous ne pouvez pas les raisonner à partir du moment où vous n'avez pas le même mode de pensée.
Urgence humanitaire
Le village de Kolofata est aujourd'hui quasiment vide. Les habitants ont fui vers le Sud. Un gigantesque camp de réfugiés de cinquante mille personnes a vu le jour près de Maroua. Adja, 20 ans y vit :
J'étais chez moi. J'ai entendu des coups de feu, les corps de gens du village étaient par terre, des maisons ont été brulées. Avec mon mari et ma fille on est partis sur une moto, j'ai tout laissé là-bas.
Au-delà de la problématique humanitaire, la zone vit une urgence humanitaire. Cette région tres peuplée est l'une des plus pauvres du Cameroun. La fermeture des frontières avec le Nigéria a asphyxié l'économie et provoqué la fermeture des marchés. En moins d’un an au Cameroun, on est passé de neuf cent mille à deux millions de personnes qui ont besoin d’une aide alimentaire. Car en plus des déplacés comme Adja que l’on vient d’entendre. Il y a aussi tous les réfugiés nigérians.
Perpétue Yama est la responsable de la Croix Rouge camerounaise :
Les réfugiés sont marginalisés, ils ont tout quitté, ils sont affamés, malades, il faut les prendre en charge