Le Cameroun et son budget

Tue, 3 Nov 2015 Source: Dieudonné Essomba

Le Gouvernement du Cameroun a présenté un projet de budget de 4249,8 Milliards FCFA pour 2016, soit une augmentation de 503,2 Milliards en valeur absolue et 11,5% en valeur relative par rapport à l’année précédente. Cette annonce a suscité des réactions négatives pour des raisons variées. Tout d’abord, l’augmentation paraît excessive quand on se réfère à une récente recommandation émise par le FMI appelant le Cameroun à des budgets plus réalistes. Sur le plan anatomique, certaines voix ont regretté l’absence des rubriques budgétaires spécifiques à la lutte contre Boko Haram.

Quoique ces préoccupations soient importantes en elles-mêmes et permettent de se faire une première opinion sur le budget, elles ne sont pas suffisamment dirimantes pour le disqualifier dans l’absolu. A mon sens, le problème essentiel n’est pas dans ce que le Gouvernement annonce qu’il va faire du budget 2016, mais dans ce qu’il a annoncé lors des budgets précédents et qu’il n’a pas fait. On ne dévoile aucun secret d’Etat en mentionnant les importants dysfonctionnements qui affecte le budget du Cameroun, le plus grave la « sous-consommation du budget d’investissement public » stigmatisé par le Chef de l’Etat lui-même.

Cette sous-consommation reste le point critique de notre gouvernance économique, car si le budget, principal outil de politique économique camerounais, présente des défaillances aussi graves, comment imaginer la moindre avancée ? Même le Plan d’urgence conçu pour rattraper les retards liés à une réalisation satisfaisante du budget ne peut pas servir de substitut dans la gestion d’un Etat.

Le problème de la sous-consommation est déjà latent en 2006, quand le Cameroun atteint le Point d’achèvement, mais il évolue de manière larvaire, avant d’exploser à partir de 2010 où il suscite des explications renvoyant presque tous à la gouvernance opérationnelle : procédures lourdes, immaturité des projets, mauvaise volonté des gestionnaires, défaillances de programmation, faibles capacités d’absorption des crédits, etc. Ces explications, qui présentent une apparence très logique, ont abouti à une foule de mesures parmi lesquelles la création d’un Ministère des Marchés Publics, des travaux importants sur l’amélioration de la chaîne des dépenses ou de maturation des projets, de vastes séminaires et de campagnes de sensibilisation.

Peine perdue ! La maladie n’a fait que s’aggraver, et la « sous-consommation » a atteint un niveau si élevé qu’elle sort peu à peu des préoccupations, comme si avait renoncé à la combattre. Le budget de 2015 a été voté par le Représentation Nationale, comme cela se fait depuis 1960 ; c’est une loi et un engagement. Mais peu de gens s’intéressent encore à son rythme d’évolution, comme si les Camerounais avaient pris collectivement acte qu’il n’y avait pratiquement rien à attendre de ce côté et qu’il fallait désormais accrocher ses espérances au Plan d’urgence qui n’a pas la légitimité de la Loi des Finances.

Evidemment qu’on ne peut reprocher la population camerounaise, quand on voit le misérable état de notre trésorerie : dès qu’on a payé les salaires et les efforts de guerre contre BOKO HARAM, les caisses sont vides. Malheur à vous si vous avez un ordre de mission ! Et le nouveau mode de financement que le Cameroun a inventé pour payer ses fournisseurs est revenu de plus belle : les arriérés !

Mais le peuple camerounais devrait plutôt rappeler au Gouvernement que le cadre normal de la gouvernance publique est le budget qu’il peut contrôler à travers le Parlement qu’il a élu, et refuser que d’autres cadres peu contrôlables s’y substituent. Quand ce budget a des problèmes, un débat doit être organisé, avec la possibilité de confronter les diverses thèses venant des divers segments de la réflexion économique, à savoir les Universités, les milieux professionnels et mêmes les milieux indépendants.

A cet effet, et malgré l’absence d’un tel débat, j’ai eu à donner ma position à maintes reprises, à savoir que la « sous-consommation des crédits d’investissement » n’a rien à voir avec la gouvernance opérationnelle, mais exprime des dysfonctionnements macroéconomiques plus profonds. D’ailleurs, quatre observations permettaient d’invalider les explications officielles :

L’ABSENCE D’UNE EPARGNE BUDGETAIRE

Au Cameroun, le circuit de la collecte des recettes est différent du circuit de la dépense et le fait que les dépenses n’aient pas été réalisées n’empêche pas la collecte des recettes prévues. Si les routes et les écoles prévues n’ont pas été réalisées et qu’au même moment, les recettes ont été collectées comme l’affirment péremptoirement les administrations de Douane et des Impôts, et comme le témoignent les diverses lois de règlement, où est donc parti l’argent collecté pour les réaliser ? Dans les conditions normales, on aurait dû se retrouver avec une épargne budgétaire et des reports à nouveau dont le montant cumulé devrait être de l’ordre de 2.000 Milliards. Où est donc cet argent ?

L’ABSENCE DE COUPABLES

Alors que le problème s’aggrave malgré l’empilement de dispendieuses mesures de redressement, personne n’arrive à identifier le moindre responsable, ni la source exacte, de manière à y cibler les solutions. Tout se passe en accusations vagues et en concepts aériens tels que la mauvaise gouvernance, sans qu’on puisse pointer un doigt accusateur sur telle structure ou tel individu. Bien au contraire, c’est chaque structure qui se défend bec et ongles : le MINMAP dit clairement que ce n’est pas lui, mais les autres ; le MINEFI dit la même chose, et les autres font de même : pour le MINEPAT, le Premier Ministère, la Présidence de la République, les autres ministères sectoriels, tout le monde est coupable, sauf moi ! Et toutes ces plaidoiries sont étayées par des faits : quand l’une de ces institutions présente ses puissants arguments de défense, on est bien obligé de convenir que chacune a raison.

Que fait-on quand on n’arrive pas à identifier le responsable dans un groupe ? On essaie aussi de voir si le problème est extérieur.

LA CONTRADICTION SUR LES CAPACITES OPERATIONNELLES

Le Cameroun a exactement 54 ans. De 1960 à 1987, alors qu’il sortait d’une guerre éprouvante d’indépendance, que le niveau intellectuel était très faible, le pays a pu réaliser pratiquement toute son infrastructure productive actuelle : les grands stades Omnisport, les immeubles ministériels, le Transcamerounais, les grandes routes transrégionales bitumées, les Ecoles de Formation, et plus de 200 puissantes entreprises d’Etat. A contrario, au cours des 27 années suivantes, soit de 1988 à 2014, les quelques maigres réalisations se sont limitées au domaine social, le moindre investissement productif réclamant des efforts surhumains.

Est-ce à dire que les premiers Camerounais étaient plus compétents pour faire des projets matures et alléger des procédures que les Camerounais actuels ? Peut-on décemment soutenir que les Camerounais actuels soient incapables de réaliser ce que faisaient les générations précédentes, alors que le capital humain est beaucoup plus important et dispose de plus d’instruments d’aide à la décision ?

La nature grotesque d’un tel point de vue conduit à déduire qu’une force supérieure non identifiée neutralise tous les efforts des Camerounais actuels, malgré leurs capacités plus importantes.

LA MODICITE DU BUDGET DU CAMEROUN

Le budget du Cameroun est petit, puisqu’il ne représente qu’un prélèvement de 25% du PIB, ce qui est bien loin des 50% des dépenses publiques des pays d’Europe, et mêmes d’autres pays d’Afrique. On ne voit pas très bien comment un tel budget peut dépasser les Camerounais, au point où améliorer de quelques points le taux de consommation de l’investissement est devenu un défi !

Pour ma part, cette situation exprime une très mauvaise architecture de notre système productif, et c’est dans la Macroéconomie qu’il faut en chercher les causes.

QUEL EST LE PROBLEME EXACT ?

En fait, ce que nous appelons «sous?consommation des crédits» est une conséquence directe du déficit commercial du Cameroun qui, depuis 2011, atteint 50% des recettes d’exportation. Le déficit commercial est la différence entre ce que nous avons vendu à l’extérieur et ce que nous avons acheté. (Notons cependant que pour être précis, je devrais parler de balance courante).

Pour bien comprendre le lien entre le budget et le déficit commercial, imaginons que le Cameroun fonctionne avec une monnaie inconvertible. C’est le cas pour un grand nombre de pays dans le monde, même en Afrique où la Zone Franc est plutôt un cas particulier.

Dans ce cas de figure, on voit bien que le Cameroun achète les biens à l’extérieur avec ses devises dont le stock lui apparaît clairement comme son « revenu extérieur », autrement dit, sa capacité réelle à importer les biens des autres. Et on comprend que si nous dilapidons ces devises en importations de bibelots que nous pouvons produire sur place, en champagne et en VX, il n’y a plus rien pour acheter les bulldozers ou les turbines qui relèvent de l’investissement productif.

Le lien entre les achats improductifs qui détruisent nos devises et l’impossibilité de réaliser les projets apparaît alors de manière claire et indubitable. Nous voyons bien que notre incapacité à construire les routes et les écoles ne vient pas de la mauvaise gouvernance des uns et des autres, mais d’un mode de vie luxueux et fainéant qui aspire toutes les devises, ne laissant plus rien pour l’investissement productif.

On en déduit qu’un pays technologiquement dépendant, qui cumule un déficit commercial aussi abyssal que le Cameroun, n’est plus capable de réaliser son budget d’investissement. Le problème n’est pas dans le volume du budget, mais dans le fait que ses besoins en devises ne sont plus couverts, les devises requises pour acheter les bulldozers et les turbines ayant déjà été dilapidées dans la pacotille chinoise et la brocante européenne, mais aussi à travers le tourisme à la Côte d’Azur ou à Baden-Baden, les costumes griffés, le champagne et les VX.

Dans ces conditions, que ferait le peuple ? Il demanderait au Gouvernement d’arrêter sa folle politique et de soumettre les devises (c’est-à-dire, le revenu extérieur de la nation) à une gestion rigoureuse, de manière à les consacrer à l’utile, à savoir les machines productives et quelques biens technologiquement trop évolués pour nos capacités techniques, tout en créant sur le territoire un système productif capable de satisfaire les besoins en biens de technologie accessible.

Le peuple serait d’autant plus fondé à le faire que c’est lui qui travaille ces devises, à travers le cacao, le café, le coton, mais aussi comme main-d’œuvre corvéable à merci dans les agro-industries pendant que l’élite politique s’en empiffre dans des bureaux cossus, au seul motif qu’ils grattent sur la paperasse.

Il faut donc dire que, quoique cela n’apparaisse pas spontanément, le Cameroun est dans le cas de figure d’un pays qui dilapide ses devises pour des achats inutiles. La seule nuance étant qu’avec le CFA, l’irrationalité de notre politique économique n’est pas aussi visible qu’avec une monnaie nationale non convertible. Le CFA nous permet en effet de consommer un peu plus en utilisant la crédibilité de la Zone, mais évidemment, il ne révoque pas le principe fondamental suivant lequel un pays n’achète à l’extérieur qu’à concurrence de ce qu’il a vendu, car dans ce monde dur et méchant, il n’y a pas de place pour les parasites et mendiants.

Evidemment, le CFA ne fournit aucun moyen de contourner cette terrible loi anthropologique. Supposons que le Cameroun tente malgré tout de forcer l’investissement : comme celui-ci est très dispendieux en devises, cette opération entraîne immédiatement la destruction des réserves, imposant alors deux alternatives :

-soit recourir à l’endettement extérieur pour suppléer à l’épuisement de la réserve;

-soit obliger la France qui garantit le CFA à prendre sur elle ces nouvelles dépenses en devises dont elle n’a pas la contrepartie dans son Trésor. Mais la très rusée France métropolitaine avait créé en anticipation un mécanisme diabolique, à savoir, que les réverses conservées dans son Trésor sont la contrepartie exacte de la masse monétaire centrale qui circule dans la Zone, c’est-à-dire, les billets et les pièces !

Donc, si le Cameroun amorce un programme d’investissement dont l’impact est la destruction de ses réserves en devises logées au trésor français, il détruit par la même occasion la liquidité de son économie, entraînant la compression des activités et par suite, l’impossibilité de réaliser le budget prévu ! Il s’agit là d’un puissant mécanisme de régulation qui empêche les pays de la Zone à s’aventurer dans des dépenses extérieures situées au-delà de leurs devises et de leurs capacités d’endettement.

En définitive, avec son déficit commercial, le budget du Cameroun ne peut aboutir qu’à trois issues :

-soit il est effectivement collecté, mais l’investissement réel n’est réalisé qu’à concurrence des devises disponibles, le reste étant dilapidé dans des opérations périphériques sans grand contenu en devises : coupures de ruban symboliques, construction des clôtures, organisation des foires, des séminaires et autres ateliers de validation, etc.

-soit il est effectivement réalisé, mais au prix d’un endettement extérieur qui supplée à la défaillance en devises ;

-soit on tente de le réaliser sans s’endetter, mais on détruit la liquidité du système et on bloque toute l’activité, réduisant drastiquement les recettes budgétaires et arrêtant précisément les projets engagés.

Il est impossible de faire autrement : on dit que le Cameroun est dans un « état occlus ».

ILLUSIONS ET MAUVAISES COMPARAISONS

Face aux récents succès remportés par la Côte d’ivoire, perçu par un grand nombre comme un jumeau du Cameroun, certains pensent naïvement qu’une gouvernance à l’ivoirienne pourrait améliorer la situation. Il n’en est absolument rien, car tout se joue sur la marge de manœuvre extérieure, autrement dit, le volume de devises disponibles. De ce point de vue, la Côte d’Ivoire est dans une situation qualitativement différente de celle du Cameroun. Ses recettes d’exportation représentent deux fois et demie les nôtres. La diaspora ivoirienne est très active et ses transferts atteignent 10% des recettes extérieures, alors que ce taux est inférieur à 1% au Cameroun.

Le tourisme qui procure également des recettes extérieures est plus développé en Côte d’Ivoire, alors qu’au Cameroun, il est poussif et mal valorisé. Les Camerounais sont très peu hospitaliers et assimilent les étrangers à des voleurs qui viennent piller leurs prétendues richesses.

De cette situation découle un potentiel de création de devises de la Côte d’Ivoire trois fois plus élevé que le Cameroun et par suite, une capacité d’approvisionnement extérieur trois plus élevée.

Du côté de la dépense, le Cameroun traine également d’énormes tares. Tout d’abord, un mode de consommation exagérément extravertie, et il est de notoriété publique que le Cameroun, pays somme toute très moyen, est le plus gros importateur de liqueurs et spiritueux de toute l’Afrique ! Le parc automobile d’un Directeur camerounais est le plus fourni d’Afrique, y compris l’Afrique du Sud et les pays maghrébins ! Cette tendance compulsive à la consommation de prestige s’accompagne d’un mépris de la production locale. En Côte d’Ivoire, les fonctionnaires, les Ministres et même les Chefs d’Etat se présentent publiquement avec l’habillement national quand les nôtres sont branchés aux grands maîtres de Paris. Enfin, le tissu industriel d’Abidjan est nettement plus diversifié, ce qui réduit le poids sur les importations de biens à technologie élémentaire.

Ces facteurs offrent à la Côte d’Ivoire une marge de manœuvre considérablement supérieure au Cameroun.

On peut ajouter que la Côte d’Ivoire bénéficie aussi de la croissance de cicatrisation, due au fait que la guerre a comprimé ses capacités productives qui se détendent maintenant en temps de paix comme un ressort.

En réalité, comparer le Cameroun à la Côte d’Ivoire, c’est comparer un chef de famille qui gagne 100.000 FCFA et écume les bars, à un autre qui gagne 300.000 FCFA et passe sagement la soirée chez lui. Malgré d’importantes similarités, les deux pays ne sont pas comparables et la croissance ivoirienne va se poursuivre pendant longtemps encore, alors que le Cameroun est au bord de l’étranglement.

QUE FAUT-IL FAIRE ?

On ne peut pas résoudre le problème posé par le budget du Cameroun par des rafistolages et des replâtrages de la bureaucratie administrative, car le problème est hautement technique. Faute de solution, le budget 2016 va se traduire par une aggravation de la fameuse « sous-consommation des crédits d’investissement », par l’explosion de l’endettement et par plus de fiction et de romantisme dans sa gestion.

Pour sortir de cette situation, la mesure la plus urgente est le reformatage de ce budget pour l’équilibrer sur un double plan ; d’abord, sur le plan global, comme ce qui se fait aujourd’hui, mais aussi sur son contenu en devises :

-les devises contenues dans les recettes budgétaires se calculent aisément, à partir de la part des recettes d’exportation dans le PIB, soit 20%. Un budget de 4249,8 Milliards FCFA n’a donc qu’un contenu en devises de 850 Milliards ;

-les dépenses contenues dans les dépenses sont beaucoup plus importantes. Il y a d’abord l’investissement qui se réalise par les importations massives des outils de production, mais il y a aussi les autres. Les bureaux des responsables sont ainsi encombrés de mobilier venant de Chine, de climatiseurs, d’ordinateurs et même de simples enjoliveurs comme les fleurs, tous importés ! On ne s’attardera pas sur du champagne et des véhicules VX imputés sur le budget de l’Etat.

Même les salaires que distribue l’Etat participent aussi de la saignée, car les agents publics l’utilisent pour s’acheter la vieille friperie, les médicaments, les téléviseurs, les téléphones, etc. Au regard des budgets passés, le contenu en devises du budget représente pratiquement 50% des dépenses, soit pratiquement 2100 Milliards sur les 3000 milliards que génère le Cameroun, soit 70% de toutes nos recettes d’exportation !

Autrement dit, le budget de l’Etat ne représente que 25% du PIB, mais il n’est réalisable que si on lui affecte jusqu’à 70% de la totalité des recettes extérieures ! Les ménages et les entreprises qui représentent 75% du PIB doivent alors se contenter du résidu de 30% !

Comment peut-on croire un seul instant qu’un tel système puisse être viable ? La première mesure consiste donc à réduire ce besoin excessif de devises. Attention ! Je ne parle pas de la réduction du train de vie de l’Etat, mais de la réduction des dépenses d’importation. Il s’agit de prendre immédiatement des mesures extrêmement dures contre la présence de tous les biens importés ayant des substituts locaux dans les bâtiments publics du Cameroun. En dehors des instruments très évolués qui seront encore importés, tous les autres biens doivent faire l’objet d’un marché captif, radicalement interdit à l’importation. Les mesures de promotion des matériaux locaux adoptées en 2011 doivent être immédiatement mises en place.

Sur le plan des marchés publics, les offres doivent être libellées en argent local et en devises, le moins-disant étant calculé sur la base des dépenses en devises.

L’Agence des Normes et les autres instances de régulation telles que la Douane et les Inspections Sanitaires doivent être requises, non plus pour harceler les maigrichonnes entreprises qui ont pris le risque de s’installer sur notre territoire, mais pour mener un combat nationaliste contre les vieux sous-vêtements qui inondent Mokolo, les huiles et les jus déversés au Cameroun et qui sont responsables de l’explosion des maladies bizarres comme le diabète, la goutte, le rhumatisme articulaire, l’hypertension artérielle et les accidents cardiovasculaires.

Evidemment, cela doit s’accompagner d’autres mesures telles que la réduction des achats de véhicules de gros calibres, quitte à donner des sommes moindres aux responsables pour qu’ils achètent les « congelés », la limitation des dépenses à l’étranger comme les missions ou l’évacuation sanitaire des responsables, etc.

Mais plus fondamentalement, la solution durable est un retour définitif à une véritable politique économique, c’est-à-dire, un schéma de développement fondé sur quatre piliers :

1. LE PLEIN-EMPLOI, tel que promu par les Nations-unis et validé dans notre Constitution, et qui se justifie par le statut de l’Etat. Celui-ci dispose en effet de tous les pouvoirs : c’est lui qui fait la loi, qui organise la politique économique et prélève les impôts qu’il utilise à sa convenance. Il n’est pas acceptable qu’il n’utilise pas ce pouvoir pour créer un système productif capable d’absorber la main-d’œuvre camerounaise.

2. L’EQUILIBRE EXTERIEUR, contrainte absolue de la gouvernance

macroéconomique, car le commerce international est troc et le Cameroun ne peut importer que l’équivalent de ce qu’il a produit. Lorsqu’il dilapide ses maigres devises dans des biens que lui-même peut produire, en fait il exporte son emploi et n’a donc plus à se plaindre. On ne peut pas pleurnicher sur le chômage des jeunes quand, au lieu d’organiser ces jeunes pour fabriquer les couteaux, les balais ou les tapis, on préfère importer ces produits simples ! Le pays doit produire par lui-même tout ce qui relève de son niveau technologique, et consacrer ses maigres devises à l’achat des biens utiles ou au-dessus de nos capacités techniques.

3. LA STABILITE DES PRIX, qui donne un système économique apaisé.

4. LA MAXIMISATION DU POUVOIR D’ACHAT, qu’on pourrait appeler « croissance inclusive », et qui consiste à mettre en place un système productif d’une haute efficacité dans lequel les facteurs de production sont ajustés de manière optimale. Le Cameroun dispose d’une expertise capable de concevoir un tel programme, dans le cadre des trois contraintes précédentes, à condition de revoir le dispositif de prise de décision économique, tout en réduisant sa politisation et sa bureaucratisation excessive.

Pour une économie aussi extravertie que le Cameroun, la réalisation d’une politique fondée sur ces 4 piliers requiert absolument la binarisation du système productif, autrement dit, l’émission d’un second pouvoir d’achat qui permette une protection intelligente du système productif local, sans compromette les avantages de son insertion à l’économie internationale. C’est un préalable absolu, mais qui doit être accompagné par des politiques vigoureuses de ré-fertilisation du système productif.

Auteur: Dieudonné Essomba