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Le Cameroun met ses secrets d'Etat sur les réseaux sociaux

Symboles Des Reseaux Sociaux Difficile de débusquer le fonctionnaire à l’origine de la fuite des documents

Tue, 28 Nov 2017 Source: camer.be

Depuis quelque temps, des documents et correspondances administratifs, ayant parfois un caractère très sensible, sont divulgués sur la Toile. Aucune administration n'est épargnée par les fuites.

Par le pouvoir des TIC, beaucoup de secrets de l’administration publique camerounaise se partagent désormais sur la Toile. Rien, ou presque, de ce qu’on cachait jusque-là au grand public ne lui échappe plus. En temps réel, il est au fait des querelles de chiffonnier, des batailles de positionnement, des intrigues, des travers, des haines, des rancœurs, des décisions controversées, des frustrations… Qui alimentent le quotidien de la haute administration. Le phénomène, relativement nouveau, tend même à prendre de l’ampleur.

Depuis quelque temps, presque chaque jour les réseaux sociaux s’affirment comme le réceptacle des correspondances et autres documents émanant de toutes les administrations sans exclusive et ayant parfois un caractère ultra-sensible. Des instructions du président de la République au gouvernement, des bulletins de renseignements frappés parfois du sceau du secret défense, des messages-portés destinés aux unités des forces de défense et de sécurité, des notes diplomatiques…presque tout est divulgué sur les réseaux. C’est-à-dire à travers le monde entier.

La dernière fuite en date est cette correspondance du 20 novembre 2017, à travers laquelle le secrétaire général de la présidence de la République répercute au secrétaire général des services du Premier ministre « les hautes instructions du chef de l’Etat » sur la finalisation de l’avant-projet de loi portant loi de finances pour l’exercice 2018. Ferdinand Ngoh Ngoh indique notamment à Magloire Séraphin Fouda: « Vous voudrez bien porter de 35 milliards de francs CFA à 50 milliards de francs CFA l’enveloppe prévue pour le budget des élections ».

Quelques jours plus tôt, une correspondance signée le 9 novembre 2017 dans laquelle le Minfopra rappelle au DG de l’ENAM l’illégalité de certains actes pris dans la gestion des concours 2017 s’est très vite retrouvée sur les réseaux sociaux, permettant ainsi à l’opinion de se faire une religion sur les batailles que se sont souvent livré les différents DG de cette école très prisée et la tutelle technique. Peu avant, c’est un enregistrement d’une audition de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE), le contre-espionnage camerounais, qui a été divulgué sur les réseaux sociaux.

Beaucoup de « correspondances et autres documents administratifs aux contenus hautement sensibles se ''baladent'' sur les réseaux sociaux, souvent même avant que les destinataires n'en prennent connaissance », s’inquiète un haut responsable.

Dénonciation de la gouvernance

Qui croit savoir que «ceci démontre à suffisance que le sentiment d'appartenance est la chose la moins bien partagée au sein de nos administrations ou alors qu'il existe un réel problème de casting du personnel. A moins que tout ceci ne soit le fruit d'une stratégie savamment orchestrée ». Pour un lanceur d’alerte, à l’origine de la fuite de beaucoup de documents administratifs, « c’est une revanche pour beaucoup d’agents de l’Etat qui ne pouvaient pas sans risque d’être démasqués s’adresser aux journalistes et qui peuvent aujourd’hui au moyen de la divulgation de ces documents dénoncer la gouvernance publique ».

Du pain bénit pour les internautes, et davantage pour les journalistes, qui ont généralement du mal à obtenir l’information au sein de l’administration publique. « Il arrive très souvent que pour une information, parfois banale, qu’on vous demande d’écrire au ministre. Cette manière de verrouiller l’accès à l’information constitue un écueil suicidaire pour le journaliste qui ne dispose pas d’un bon carnet d’adresses qui lui permet d’accéder à l’information autrement », regrette un homme de média.

Obligation de réserve et discrétion professionnelle

Certes le décret du 7 octobre 1994 portant statut général de la fonction publique de l’Etat fait obligation au fonctionnaire de « satisfaire aux demandes d’information du public, soit de sa propre initiative, soit pour répondre à la demande des usagers ». Mais comme une épée de Damoclès, le paragraphe IV sur les obligations de réserve et de discrétion professionnelle pend sur sa tête. En effet, son article 41, alinéa 1, dispose : «Tout fonctionnaire doit faire preuve de discrétion professionnelle pour tout ce qui concerne les faits, informations ou documents dont il a eu connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. En dehors des cas expressément prévus par des textes en vigueur, le fonctionnaire ne peut être délié de cette obligation que par une décision expresse de l’autorité dont il relève ».

L’alinéa 2 se veut plus précis et contraignant : « Tout détournement, toute soustraction de pièces ou de documents de service sont formellement interdits. Il en est de même de leur communication ou de leur reproduction, à moins qu’elles ne soient exécutées pour raison de service et dans les formes prescrites par les textes en vigueur ».

Manipulation

Désormais l’information est à portée de main. Sauf que cette propension à divulguer les documents a tué le scoop ou l’exclusivité. Il y a aussi le risque de manipulation pour qui ne recoupe pas. Car parfois aussi, les documents sont des faux. La loi a prévu des sanctions non seulement disciplinaires, mais aussi pénales. Au terme de l’article 189 du Code pénal : « Est puni d’un emprisonnement de un (01) mois à un (01) an, quiconque, sans autorisation, prend copie d’un document appartenant à une administration ».

L’article 300 va dans le même sens : « Est puni d’un emprisonnement de quinze (15) jours à un (01) an et d’une amende de cinq mille (5000) à cent mille (100 000) francs ou de l’une de ces deux peines seulement, celui qui, sans l’autorisation du destinataire, supprime ou ouvre la correspondance d’autrui ». L’article 310 sur la violation du secret professionnel est plus contraignant : « Est puni d’un emprisonnement de trois (03) mois à trois (03) ans et d’une amende de vingt mille (20 000) à cent mille (100 000) francs, celui qui révèle, sans l’autorisation de celui à qui il appartient, un fait confidentiel qu’il a connu ou qui ne lui a été confié qu’en raison de sa profession ou de sa fonction ».

S’il est aisé d’identifier celui qui a diffusé, toute la difficulté consiste alors à débusquer le fonctionnaire à l’origine de la fuite des documents.

Auteur: camer.be