Soupçonné d’atteintes à la fortune publique, l’ex-Minader découvre la réalité d’un système dont il a sous-estimé la nuisance.
Tantôt hospitalisé, incarcéré ou tout simplement décédé, tout se dit sur le désormais ancien ministre délégué aux Finances, ministre des Finances et ministre de l’Agriculture et du Développement rural (Minader), Essimi Menye. Ce statisticien de haut vol, qui a fait de brillantes études au Cameroun, au Maroc et en France, semble être mangé par la machine qui l’a propulsé aux devants de la scène publique camerounaise. Cité au Tribunal criminel spécial dans différents dossiers, dont les moindres ne sont pas la Société camerounaise de tabacs (Sct), Amity Bank et Camair-Co, sa sortie du gouvernement le 2 octobre 2015, sonne comme la fin de parcours de cet homme rompu à la machine de la gestion des finances publiques.
Après un parcours remarquable dans les institutions financières internationales (Fonds monétaire international). Sa discrétion et sa simplicité – tout au moins vestimentaire- ont donné de Essimi Menye, l’image d’un homme de la haute société, facile d’accès. Son passage au Minader a assurément aidé à asseoir cette perception de lui, tant on l’a vu auprès des paysans et des agriculteurs, artisans de l’essor de l’économie camerounaise, mais qui, curieusement, vivent dans des conditions aux antipodes de ce qu’ils produisent.
Lorsqu’il arrive au ministère des Finances, Essimi Menye (à qui la chronique mondaine colle le prénom Lazare ou Emmanuel) décide de tordre le cou aux réseaux qui gangrènent au quotidien les finances publiques. Il a notamment réactivé l’opération « Mboma », qui consistait à traquer les fonctionnaires civils ou militaires bénéficiant de salaires multiples. Il a aussi géré un certain nombre de liquidation (Amity, Camair, Cofinest, Cbc, etc. ), sur fond de vacarme.
L’ancien fonctionnaire international en ressort de là avec au bilan : un bureau cambriolé, des lingots d’or emportés, des fonds de souveraineté égratignés, un sous-sol en feu, un ou des ennemis intimes au sein du gouvernement et une menace de privation de liberté qui se précise au jour le jour. Sa carrure de boxeur n’a d’égale que la réserve qui le caractérise. On le remarque sur le champ politique de sa Lékié natale. Le nom de l’homme au crâne rasé n’a pas été cité dans les bagarres au sein de ce département bouillant. Dans son village, il ne peut pas être champion à l’applaudimètre des populations, car beaucoup estime qu’il a le « frein à main », synonyme de pingrerie.
Entendu comme témoin alors qu’il était encore en fonction, Essimi Menye fait l’objet depuis sa sortie du gouvernement, et même sur son lit d’hôpital, d’une surveillance armée étroite. Son état de santé semble ne pas émouvoir grand monde dans le sérail, au point sa demande d’évacuation sanitaire aux Etats-Unis a été rejetée, malgré l’intervention et les suggestions de son ancien collègue de la Santé publique, André Mama Fouda. Nul ne connaissant le fin mot de l’histoire, pas besoin de lire dans la boule de cristal pour conclure que celui qui était cité parmi les ministres les plus « propres » par l’ambassadeur américain Janet Garvey est dans une broyeuse qui n’est pas prête de le lâcher.