Un homme de paix, de science et de sagesse. Le Pr Fabien Eboussi Boulaga puisqu’il s’agit de lui, était l’un des intellectuels les plus respectés au Cameroun, notamment pour son engagement en faveur des droits de l’homme. Titulaire d’une licence en théologie obtenue à l’Université de LyonFourvière, en France et docteur en philosophie puis en lettres. L’homme de lettres va enseigner d’abord à Abidjan en Cote d’Ivoire, puis à l’Université de Yaoundé. L’auteur du célèbre essai philosophique «La crise du Muntu» a été vaincu par la maladie le samedi 13 octobre 2018 à la clinique le Jourdain à Yaoundé. Il laisse une prospérité intellectuelle qui inspire plusieurs générations de chercheurs en sciences sociales.
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Ordonné prêtre en 1969, le Pr. Fabien Eboussi Boulaga est formé chez les jésuites où il entre en 1973. Ce natif de Bafia, localité située à 120 km de Yaoundé dans la Région du Centre, n’a finalement pas revêtu la soutane sacerdotale. Le Pr Eboussi Boulaga est une figure polémique connue au Cameroun, surtout après la publication de deux ouvrages: «Bantou Problématique» en 1968 et «La Marque» en 1974, qui ont provoqué un tollé général dans les milieux ecclésiastiques et ont appelé au départ organisé des missionnaires. Trois ans plus tard, il publie l’essai philosophique : «La Crise du Muntu», qui se penche sur les questions d’authenticité et de tradition très en vogue dans les années 1970. En 1980, il décide de quitter les Jésuites. Ce départ de la vie sacerdotale et religieuse vient à la suite d’une réflexion bien murie et nourrie. En effet, Eboussi affirme avoir «perdu la foi», nous sommes en 1969. Il publie une année plus tard «Christianisme sans fétiche», une critique des prétentions dogmatiques et métaphysiques du catholicisme en contexte colonial. Il s’engage dans les années 1980 dans des associations de défense des droits de l’homme. Il publie des ouvrages, d’abord sur la théologie, puis sur la politique. Or, «sa première vocation avait été de faire de la politique ! Pourtant il est devenu en premier Jésuite et enfin philosophe, il est resté un penseur particulièrement attentif au caractère conflictuel de la raison. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que, très tôt déjà, il se soit choisi Hegel et Heidegger pour maîtres», confie Vincent Sosthène Fouda aux médias. Depuis 1994, il était professeur à l’Institut catholique de Yaoundé.
Au regard de son parcours singulier, l’on affirmerait que son intelligence est sans frontière. Puisqu’il le précise lors d’un entretien accordé à Thinking Africa : «L’intelligence est une valeur et donc ça se choisit, et ça se mérite. Ce n’est pas quelque chose qu’on vous confère de l’extérieur».
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L’annonce de son décès se propage comme une trainée de poudre au sein de la communauté nationale et internationale. Les témoignages fusent de part et d’autres à l’honneur du «baobab» de la pensée camerounaise : «Il représentait un cénacle de la pensée philosophique au Cameroun et en Afrique», témoigne le journaliste François Bimogo qui considère le Pr Fabien Eboussi Boulaga comme un mythe. Un mythe qui devrait bénéficier du respect et des honneurs républicains entre autres. La nation salue la mémoire d'un homme intègre, d'un intellectuel au vrai sens du terme qui incarnait la rigueur dans la pensée en cohérence avec son propre vécu.