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Le Tchad est moins infiltré que le Cameroun

Wed, 23 Sep 2015 Source: Aimé Raoul Sumo Tayo

La recrudescence de ces attaques est une étape normale et prévisible dans l’asymétrie. De plus, la proximité du Nigeria est un facteur explicatif des attentats récurrents dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun. Cette dernière n’est pas éloigneé du centre de gravité de la secte terroriste.

Il est facile, de Maïduguri, de planifier et d’y conduire une attaque terroriste. Cette situation s’explique aussi par l’échec de la guerre de position qu’a longtemps menée la secte contre les positions des forces camerounaises de défense et de la destruction de l’essentiel de son potentiel opérationnel à la suite des offensives camerouno-tchado-nigéro-nigérianes.

Le déséquilibre capacitaire ainsi créé a conduit la secte criminelle à développer une stratégie du faible au fort, c’est-à-dire, se livrer à des attentats suicides pour obtenir un effet psychologique, un choc ou la désorientation qui affecte l’initiative, la volonté ou la liberté d’action du Cameroun.

Boko Haram veut créer et faire fructifier le chaos en territoire camerounais car il n’est plus en sécurité dans son sanctuaire nigérian. De ce point de vue, on peut dire que ce type d’action terroriste vise à neutraliser l’Etat camerounais, à défaut de le détruire.

Boko Haram cherche ainsi à atteindre la décision en créant et en exploitant une situation de désintégration morale de l’adversaire suffisante pour lui faire accepter les conditions qu’on veut lui imposer. A terme, ces figures de la postmodernité misent sur le temps long pour faire fructifier le chaos et lasser le Cameroun.

Ces actions son facilités par la persistance des solidarités transfrontalières dans cette. De plus, les terroristes ont pu tirer profit de la cupidité des agents d’identification du système Senac, de la gratuité de la carte nationale d’identité (Cni) en période électorale et se jouer des failles de la loi portant institution d’une Cni pour acquérir une grande mobilité sur le territoire camerounais.

De plus, les nombreuses interpellations au Cameroun laissent penser qu’il existe de cellules locales, actives et dormantes, de la secte terroriste qui ont longtemps utilisé des localités camerounaises comme base logistique.

Les différentes localités camerounaises frappées jusqu’ici l’ont été parce que leurs périphéries ont été infestées par Boko Haram. Elles ont été vidées de leurs jeunes valides allés servir dans les rangs de Boko Haram. Je pense comme ça aux localités du département du Logone et Chari, notamment Hile Alifa, Goulfe, Darack, Bargaram, Kanoura, Tchika, Moudas, GorodoGoudoum, Toumboum Ali et ToumboumKaret qui fournissent l’essentiel du contingent camerounais de Boko Haram.

A l’observation le Tchad qui a été frappé courant juillet par la furie kamikaze de Boko Haram semble avoir trouvé la formule pour s’en prémunir…

Il a été plus facile pour le Tchad de sécuriser N’Djamena. Il s’agit bien de sa capitale, avec tout ce que cela implique en termes de présence policière et des unités des forces armées.

Je crois qu’il faut relativiser ce jugement qui laisse penser que le Cameroun n’a pas encore trouvé la bonne formule pour se prémunir des actions de type kamikaze sur son territoire. Je pense que le Tchad n’est plus touché parce qu’il est légèrement excentré par rapport au dispositif de Boko Haram.

De plus, il est clair aujourd’hui que ce pays a été moins infiltré que la Cameroun. Le peuple Kanuri qui semble constituer le gros des troupes de Boko Haram est plus présent au Cameroun qu’au Tchad. Quand vous partez de Mora au Cameroun à Bama au Nigeria, vous n’avez pas l’impression d’être passé d’un Etat à un autre.

On n’est jamais suffisamment prêts face à des menaces du type Boko Haram. Toutefois, le Cameroun se doit de prendre une batterie de mesures à court, à moyen et à long termes. A court terme. Le pays doit véritablement prendre en compte le changement de mode opératoire des terroristes de Boko Haram.

Les forces armées, qui, indiscutablement, ont gagné la première phase de la guerre contre cette secte terroriste, doivent dorénavant s’investir dans les opérations de maintien de la paix.

Les forces de 1er et de 2e catégories doivent être formées aux techniques de détection des personnes suspectes. Des procédures doivent être affinées dans les check-point, pour éviter qu’à terme plus de policiers ne soient tués. La réflexion pourrait être conduite sur les modalités de la création des zones magnétiques au niveau des check-points, par exemple. Des moyens de détection devraient être acquis.

L’on devrait multiplier les check point à l’intérieur et renforcer le renseignement pour démanteler les cellules dormantes de Boko Haram. La gendarmerie nationale doit, plus qu’hier, jouer un rôle de proue dans cette nouvelle phase de la guerre, notamment par la mise en œuvre du code de défense opérationnel du territoire, des plans de défense et de protection des points sensibles, des plans d’organisation de défense populaire et d’action psychologiques.

A travers son concept de « gendarmerie de proximité », elle doit, encore plus, mobiliser les informations permettant de préparer les opérations coup de poing (rafles, ratissage, etc.) afin d’interpeller les personnes suspectes.

Aujourd’hui, l’on devrait privilégier l’arme du renseignement qui est le vecteur le plus efficace de la lutte contre des mouvements comme Boko Haram. Aujourd’hui, plus qu’hier, des moyens conséquents doivent être attribués aux 2e bureaux, aux brigades de gendarmerie, aux services de police, aux autorités administratives et autres acteurs pour entretenir leurs capteurs sur le terrain.

Les réseaux de renseignement et les milices des lamibé et les Djaouro/Lawane/Blama doivent être mis à contribution. Ces structures ont montré par le passé leur efficacité dans la lutte contre le phénomène des « coupeurs de route ».

A long terme, les questions de gouvernance sont centrales dans l’éradication de la secte criminelle. Je pense à la lutte contre le chômage des jeunes, à l’éducation, à la lutte contre les injustices, etc.

Il faut faire vite car, ce qui est essentiel dans la guerre c’est de remporter une victoire rapidement, sans prolonger les opérations car il n’existe pas de cas dans l’histoire où un pays a tiré profit d’une guerre prolongée.

Auteur: Aimé Raoul Sumo Tayo