Le crépuscule des dictateurs

Opinion1

Mon, 11 May 2015 Source: Michel Lobé Etamé

Jusqu’ici, les mouvements politiques contestataires en Afrique oeuvraient à l’intérieure de leurs frontières. Ils étaient d’avance condamnés car ils ne disposaient ni de ressources propres, ni de relais pour partager leur principale préoccupation: la démocratie sociale. La jeunesse africaine a enfin compris que tout le continent souffre de cette faiblesse. C’est ainsi que sont nés, depuis 2014, de nouveaux mouvements de contestation: «Y’en a marre» au Sénégal, le «Balai citoyen» au Burkina, «Ça suffit comme çà» au Gabon, «Filimbi» (sifflet, en swali), et le «Lusha» en RDC.

Tous ces mouvements ont en commun un même objectif: mettre fin à la fonction présidentielle à vie. Bien structurés, ils dialoguent entre eux par les réseaux sociaux. Ils ont pris conscience que les présidents en exercice en Afrique ne sont pas disposés à l’alternance du pouvoir. Les régimes en place n’ont cessé de redoubler d’efforts pour modifier les constitutions et légitimer leur candidature. Mais les choses ont bien changé. Le monde évolue, les présidents africains, non! La nouvelle jeunesse n’est pas naïve. Elle arrache sa liberté et dit haut et fort ce que le peuple traumatisé et affamé n’ose pas.

Non à la présidence à vie Un réseau transcontinental s’organise de mieux en mieux en Afrique. La jeunesse a compris qu’elle ne pouvait compter que sur ses propres forces en dénonçant clairement sa défiance aux partis politiques traditionnels corrompus.

Ces mouvements citoyens ont des valeurs panafricaines communes. Ils doivent maintenant résister aux appétits des récupérateurs. Une aubaine pour Georges Soros, homme d’affaire américain qui veut en faire ses nouveaux disciples. Non, les mouvements citoyens africains doivent garder leur liberté et s’affranchir des mentors occidentaux dont les intérêts sont bien connus. Les mouvements citoyens œuvrent pour la fin des présidences à vie, pour le respect des constitutions et du renouvellement de la classe politique.

Le cas de la République Démocratique du Congo La jeunesse congolaise et les partis politiques d’opposition ont organisé le 13 septembre 2014 une manifestation contre la révision de la constitution voulue par le président Kabila après deux mandats. Cette manifestation a été brutalement dispersée. Les organisateurs ont été emprisonnés sans procès dans les geôles de Kinshasa. Mais, il en fallait plus pour briser la détermination d’une jeunesse désabusée. Elle a résisté aux pressions.

Les membres de «Y’en a marre» du Sénégal et de «Balai citoyen» du Burkina se sont invités aux côtés de «Filimbi» et de «Lusha» dans un rassemblement citoyen à Kinshasa . Héroïquement, ils ont bravé les interdictions. Ils ont été aussi embarqués par la police congolaise. Mais, qu’importe! La peur, ce mal entretenu par les pouvoirs dictatoriaux ne fait plus peur.

Braver la peur au Burundi Alors que le pouvoir de Kabila en RDC est aux abois, le pimpant président du Burundi essaie à son tour de modifier la constitution de son pays pour un troisième mandat. Les manifestations ont commencé dans la capitale Bujumbura le 26 avril 2015. Pierre Nkurunziza rêve lui aussi d’une présidence à vie à l’instar de ses confrères présidents. Dans cet exercice périlleux, il a dans son sillage le sulfureux Denis Sassou Ngesso et Ali Bongo qui ne conçoivent pas une nouvelle vie hors du palais.

Les premières failles du système burundais apparaissent. Le vice-président de la Cour constitutionnelle, Sylvère Nimpagaritsé, a fui du pays en dénonçant les pressions exercées par le pouvoir et qui risquent de plonger le Burundi dans le chaos. Malgré cette défection, la Cour constitutionnelle a validé la candidature de Pierre Nkurunziza. Les morts commencent à joncher les pavés de Bujumbura. Combien de morts faudra-t-il pour arrêter la folie humaine? La jeunesse burundaise est déterminée à braver sa peur et à mettre fin à la dictature.

Le Secrétaire d’État américain John Kerry a également dénoncé, depuis le Kenya où il était en visite, la candidature controversée du président burundais pour un troisième mandat. Cet appel s’adresse à tous les présidents à l’approche de nouvelles échéances présidentielles. Pour la présidente de la Commission de l’Union africaine, l’environnement n’est pas propice à la tenue d’élections au Burundi.

Les mouvements citoyens nous interpellent tous. La jeunesse actuelle a été bercée dans la culture universelle. Elle est présente et active. Elle n’a plus pour seule référence des héros que le colonialisme a imposés. Ces mouvements citoyens ont pour référence Jerry Rawling, Nkwamé Krumah, Thomas Sankara, Um Nyobé, Samora Machel, Amilcar Cabral, Nelson Mandela. Des hommes qui se sont battus pour une Afrique libre et libérée.

Auteur: Michel Lobé Etamé