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Le grand naufrage électrique

Sat, 26 Mar 2016 Source: Justin Blaise Akono

Les délestages, qui se produisent après la mise en eau partielle du barrage de retenue d’eau de Lom Pangar viennent mettre au grand jour les limites du système énergétique camerounais.

La question est peut-être anodine : pourquoi les délestages se poursuivent-ils alors que la Sanaga ne connaît plus de problèmes d’étiage, comme dans le passé ? La question, telle qu’inspirée, avait trouvé son responsable, en la société Electricity Development corporation (Edc).

D’ailleurs, la sortie dans les différents médias du directeur général d’Edc, qui « accuse » les infrastructures de transport de l’énergie électrique de vétustes intrigue plus d’un. « Il est l’ancien directeur des équipements à la Société nationale d’électricité (Sonel) [Ndlr : l’ancêtre de Eneo] et mandataire du bras séculier de l’Etat.

Donc, il a qualité pour apprécier la qualité des infrastructures », a essayé d’argumenter un responsable d’Edc, qui a préféré requérir l’anonymat. Les délestages « sont liés aux problèmes de transport et de distribution d’énergie électrique», a déclaré le Dg d’Edc.

Car, selon lui, les problèmes d’étiage de la Sanaga ont été résolus, avec la mise en eau partielle du barrage de retenue de Lom Pangar, dans l’arrondissement de Bélabo, département du Lom et Djerem, région de l’Est. Mise en eau effectuée entre le 15 décembre 2015 et le 5 mars 2016. Le barrage a lâché un peu plus de 3 milliards de mètres cube d’eau.

Soit l’équivalent de 70 mégawatts (Mw).

Les 3 milliards de mètres cube équivalent à la moitié de ce qui est prévu. Et, depuis le 5 mars, les autres barrages de retenue d’eau que sont Mbakaou, Mapé et Bamendjin ont pris le relais pour fournir 3 milliards de m3, question de maintenir le débit « normal » de la Sanaga. « Lom plus Pangar a bien joué sa partition car, il n’y a plus eu de problème d’étiage. Mais, beaucoup de pertes entre les centrales de production, notamment Edéa et Song Loulou et les sites de distribution », a expliqué un responsable de la communication d’Edc.

Les pertes ! Le mot est lâché. Les responsabilités quasi établies. Car, faut-il le rappeler, l’énergie électrique au Cameroun est divisée en trois parties : la production, le transport et la distribution. Edc, gestionnaire du patrimoine de l’Etat, ne contrôle pas déjà tous les barrages, barrages réservoirs ou barrages de production.

Incurie

Le Cameroun dispose du deuxième potentiel hydraulique d’Afrique, après celui de la République démocratique du Congo (Rdc). Mais, selon des statistiques fiables, il n’exploite que les 9% de ce potentiel. Le déficit est évalué à 1000 Mw. 237online.com Selon les prévisions, la demande du secteur public (basse et moyenne tension) devait atteindre 970 Mw en 2015 puis 1.950 Mw en 2030.

Pour satisfaire ses besoins, le Cameroun devait porter la production d’électricité à environ 2.000 MW à l’horizon 2015. Le Comité monétaire et financier du Cameroun avait indiqué le 19 Aout 2014 que le pays aura besoin de 3.000 Méga Watts d’électricité pour atteindre un taux de croissance de 9,5% en 2018, alors que le programme d’investissement du gouvernement dans le secteur prévoit cette atteinte plutôt en 2020. C’est ce qui fait dire à Célestin Djamen, militant du Social democratic front (Sdf), un parti de l’opposition que l’industrialisation du Cameroun était en danger.

« Pour devenir une nation industrielle, il faut une offre minimale en énergie acceptable. Peut-on affirmer sérieusement que moins de 1000 Mw dont dispose actuellement le Cameroun soit une offre raisonnable pour prétendre à une quelconque industrialisation? » Demande Célestin Djamen, avant de poursuivre : « Bien évidemment Non. Les délestages sévissent partout dans le pays. Ce qui plombe toute industrialisation, au point que le gouvernement est obligé de sommer Alucam de réduire sa charge de consommation en énergie électrique »

Industrialisation

Et la sortie du ministre de l’Eau et de l’Energie, Basile Atangana Kouna, dans le cadre des délestages intempestifs dont sont victimes Yaoundé et Douala depuis quelques jours, l’illustre à souhait. Dans un communiqué signé le 16 mars dernier, il écrit : « En tout état de cause, la situation au poste d’Oyomabang restera précaire, jusqu’à l’arrivée en juin 2016 du transformateur neuf commandé depuis juin 2015, tout en demandant au directeur général de la société Eneo de veiller en permanence à un meilleur comportement du réseau ».

Ce qui a fait dire à un spécialiste qu’ « on ne peut pas envisager l’industrialisation du Cameroun avant 2022. Car, il faut 3 à 4 ans pour construire un barrage. » En termes de projets, Mekin, Memve’ele et Lom Pangar sont en cours de réalisation, Nachtigal est un projet réaliste. Ledit projet devait être financé par Rio Tinto, qui a quitté l’actionnariat du groupe Alucam le 31 décembre 2014. Annonce faite en octobre 2014.

L’Etat du Cameroun et Electricité de France (Edf) ont conclu en octobre 2015 un accord-cadre portant sur les conditions d’insertion du projet de construction du barrage hydroélectrique de Nachtigal (région du Centre) pour un coût estimé à 1 milliard de dollars soit plus de 550 milliards FCFA. 237online.com D’une puissance installée de 420 Mw, le début des travaux de l’ouvrage est prévu pour le troisième trimestre 2016 et une mise en service au troisième trimestre de 2021. Ce barrage de production de l’énergie électrique apportera 400 Mw.

« Du fait du retrait d’Alucam, cette énergie sera reversée dans la consommation et pourra considérablement réduire le déficit », explique-t-on à Edc. le déficit reste abyssal au Cameroun, notamment dans le réseau connecté Sud (régions du Centre, du Sud et du Littoral) du fait d’une inertie de plus de trente ans en matière de construction des barrages. plusieurs projets en vue, juste des projets.

Auteur: Justin Blaise Akono