Le peuple a droit à une révision de la Constitution

Mon, 11 Apr 2016 Source: Engelbert Essomba Bengono

Depuis la fin de l’année dernière, des appels sont lancés par les militants du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), force d’écoute et de proposition proche du pouvoir.

Parmi les appels les plus détonants figurent ceux qui demandent une élection présidentielle anticipée bien qu’une telle perspective, en l’état actuel du droit positif électoral, soit sans base légale suffisante, sauf si on admet que ces militants?là veulent contraindre le Président Paul Biya au décès, à la démission ou à un empêchement définitif constaté par la cour suprême, agissant comme conseil constitutionnel (article 5(4) de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972, modifiée et complétée par la loi n°2008/001 du 14 avril 2008 d’une part, et l’article 142 et suivants de la loi n°2012/001 du 19 avril 2012 portant code électoral, modifiée et complétée par la loi n°2012/017 du 21 décembre 2012 d’autre part).

C’est du besoin de sortir de ce soupçon malsain que naît la révision constitutionnelle. Cette révision suggérée a donc ses défenseurs et ses pourfendeurs. S’il ne s’agissait que d’une simple révision pro domo, nous aurions, nous aussi, émis quelques réserves. Sauf qu’à bien y réfléchir, les sujets susurrés ici et là semblent intéressants.

Tenez ! L’abaissement de l’âge électoral à 18 ans, puis la consécration du principe d’égalité de genre ; l’élection présidentielle à deux tours, puis encore la consécration de la double nationalité pour régulariser la situation de ces braves compatriotes qui, bien que devenus «étrangers», sont restés attachés au terroir ; puis encore et enfin la déchéance de nationalité pour ceux qui, comme les deux célèbres franco camerounais, ont porté atteinte à la fortune publique.

Le gros de la révision suggérée porterait donc sur l’instauration d’un poste de vice?président de la République. Autrement dit, le président de la République serait désormais élu sur un ticket portant deux noms, le sien et celui de son vice?président qui terminerait le mandat présidentiel, dans tous les cas de vacance consacrés par la constitution. Cette perspective est triplement intéressante et bénéfique pour le peuple, en effet.

Elle est démocratique parce qu’en un seul vote, le peuple élirait deux hommes dont l’un sera porteur d’une pleine légitimité au moment où il accèdera à la charge suprême, laissée vacante par l’autre. Cette formule est également économique parce que la nation ferait l’économie d’une transition risquée et couteuse d’une part, et d’une élection qui pourrait perturbée la durée du mandat d’autre part. Enfin, nos traditions ne s’accommodent?elles pas d’un roi désigné à la mort du précédent roi?

Tout le monde se souvient que c’est grâce aux vertus d’une telle disposition que le Vice?président Lyndon Johnson a prêté serment dans l’avion qui transportait le corps, encore tout chaud, du Président John F. Kennedy, le 22 novembre 1963. Un président venait d’être tué à Dallas, un autre président entrait en fonction, à l’arrivée à Washington.

Rappelons également que c’est grâce à une disposition du même esprit dans la constitution du 02 juin 1972 que le Premier ministre Paul Biya est devenu, le 06 novembre 1982 soit de 72 heures après la démission de son prédécesseur, président de la République du Cameroun.

Qu’il suffise de rappeler encore et enfin que le 18 février 1958, c’est une motion de censure parlementaire qui a renversé le Premier ministre André Mbida et son gouvernement où M. Ahidjo occupait le poste de vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur. La structuration du pouvoir d’Etat obérait donc à une logique institutionnaliste historique au Cameroun.

Le peuple camerounais l’accepte volontiers. La révision constitutionnelle envisagée s’inscrirait donc dans la confirmation de cette logique qui pourrait également permettre au peuple camerounais de connaître, enfin, le visage des dauphins de tous les candidats à l’élection présidentielle ! Le peuple mérite que tous ces candidats, hommes et femmes, révèlent les noms et les visages de leurs compatriotes dont ils reconnaissent quelques qualités pour cette haute charge.

Tant de choses vraies et /ou fausses se disent sur le sujet que seul un bon mécanisme constitutionnel peut rassurer tout le monde sur les options successorales des candidats et sur celles du Président Biya. Une chose est certaine, l’option successorale sera toujours politiquement et sociologiquement cohérente. Ce que le peuple veut, Dieu, au?dessus de tout et de tous, le veut aussi.

Auteur: Engelbert Essomba Bengono