Au Cameroun, l’affirmation selon laquelle « les peuples ont la mémoire courte » se vérifie pleinement ces jours-ci avec la surprenante réédition du disque rayé qui avait fait réélire Paul Biya en 1992 et selon lequel, « les Betis sont les responsables des malheurs du Cameroun ». Cette année-ci, il y a toutefois une petite variante, à savoir la dissociation entre les « Betis » en général, et les « Bulus », sous-groupe Beti, histoire de bien atteindre la communauté à laquelle appartient Paul Biya, et la rendre porteuse de malheurs pour le pays. Cette innovation a été l’apport des « intellectuels » de facebook et autre « claviéristes » résidents généralement dans les pays occidentaux, dont un grand nombre se réfugie derrières de faux profils pour déverser leur venin et faire étalage de leur étroitesse d’esprit, ou alors lorsqu’ils le font à visage découvert, c’est qu’ils détiennent bien dissimulés au fond de leurs poches, des passeports d’autres pays que celui du Cameroun, cela pouvant toujours servir en cas de coup dur, c’est connu, « prévenir vaut mieux que guérir ». Ils sont ainsi des héros couards, rien à voir avec Um Nyobè, Moumié, Osendé ou Ouandié Ernest …
En 1992 : « Beti égale bêtise » ; « bête comme un Beti » ;
« stupid like a Beti »; « chop bluck pot »
Nous avons encore en mémoire ces anathèmes nauséabonds qui avaient totalement pollué la campagne présidentielle du mois d’octobre 1992, la transformant en une large coalition ethnique nationale anti-Beti pour « chasser enfin du pouvoir ce peule de jouisseurs impénitents qui profite du dur labeur des autres ». Malheureusement pour ces conspirateurs tribaux de l’époque, qui se recrutaient tant dans la presse que dans la quasi-totalité des partis politiques de l’opposition, la campagne haineuse qu’ils ont menée envers ce peuple qui le premier pourtant, en 1986, se dressa contre le Renouveau à Sangmelima par la toute première distribution de tracts de dénonciation de ce régime, n’a eu pour unique résultat finalement que de le constituer en un « socle politique » inespéré autour de Paul Biya. Ce « socle politique Beti » quasi-providentiel, lui avait ainsi garanti bien avant l’ouverture des bureaux de vote dans ce scrutin à un seul tour, un matelas de 20% de voix sur le plan national. La suite nous la connaissons tous par cœur, il était, à juste raison, venu craner tout goguenard devant les Camerounais que, « quand Yaoundé respire, le Cameroun vit ».
Mais, nous de l’opposition camerounaise avons-nous tiré les précieux enseignements de cette maladresse monumentale de notre part ? Que non. Nous sommes en train de recommencer exactement comme en 1992, engluée comme nous le sommes dans le tribalisme. Il suffit d’écouter parler hors micro la plupart de nos leaders, pour s’en convaincre. C’est dégoûtant. Les tribalistes, ce sont les autres, surtout s’ils sont Betis, ô ! Plus grave ! Bulu! Mais pas eux…
Pis encore, nous de l’opposition, nous laissons actuellement doublés par des individus qui ne sont rien d’autres que d’inconscients mais nuisibles anarchistes, véritables sapeurs de nos laborieuses luttes politiques, qui passent le clair de leur temps à invectiver les gens sur Facebook, à publier des montages photos d’atrocités qu’ils imputent à l’armée nationale, tout en blanchissant sans vergogne les assassinats des bandits sécessionnistes. C’est à peine s’ils n’applaudissent pas lorsqu’ils apprennent qu’un militaire camerounais a été égorgé. Nous rendons-nous compte qu’en refusant de clairement nous désolidariser de cette racaille nous, de l’opposition, nous aliénons d’innombrables électeurs qui désapprouvent profondément la violence vénérée par ces individus ô combien nuisibles pour notre cause ?
En 2018 : la « milice Bulu »
Quoi qu’il en soit, on entend de nouveau actuellement, « la milice Bulu », « l’armée Beti », qui naturellement tuent « impitoyablement » les « Anglophones » pour protéger « le vieux dictateur Bulu dont les jours de vie sont désormais comptés». Des mises en garde sont mêmes adressées au Betis afin qu’ils se « désolidarisent à temps de ce vieux dictateurs, faute de quoi … ». Bref, les mêmes sottises qu’en 1992…
Le « génie politique de Paul Biya »
Nombreux sont les Camerounais qui estiment que Paul Biya est un « grand génie politique ». La raison ? Ils l’énoncent sans ambages : « il a anéanti l’opposition ». Pour ma part, je ne partage nullement ce point de vue. Je suis même plutôt d’une opinion totalement contraire, à savoir, « le génie de Paul Biya c’est sa chance d’avoir été doté d’une des oppositions les plus bêtes et en tout cas la plus idiote de tout le continent africain ».