Les 10 plaies d’Egypte du Cameroun

Sat, 22 Aug 2015 Source: Paul Samangassou

Pour punir les Egyptiens qui retenaient en esclavage les Juifs et malgré les menaces qu’il avait proférées par la bouche de Moïse, YHVH, paraît-il, aurait lancé 10 calamités sur l’Egypte.

Les voici dans l’ordre de leur apparition : eaux du fleuve changées en sang, grenouilles, moustiques, mouches, mort des troupeaux, furoncles, grêle, sauterelles, ténèbres, et enfin, mort des premiers-nés.

Chaque semaine, dans cette même place, nous publierons une des nombreuses plaies qui infectent notre nation. Pas celles que pourraient nous infliger YHVH ou quelque autre déité, mais celles que nous ne cessons de causer à notre corps social, de manière plus ou moins consciente. Et Dieu sait si elles sont nombreuses, nos plaies.

Nous sommes un peuple paradoxal dont la vie se déroule sur un tapis de slogans, de leurres et d’auto mystification. Le slogan de base sur lequel tous les autres s’accrochent comme des sangsues sur les mollets d’un riziculteur est l’Unité nationale dont on pense que, vulgarisée, elle est nécessaire et suffisante pour garantir la paix dont dépend notre nation.

Mais que faisons-nous pour renforcer l’unité nationale ? Nous exaltons plutôt le repli identitaire sur la tribu, la nôtre de préférence, parée de toutes les vertus, comme si le fait d’être ceci ou cela était une garantie suffisante de compétence, d’honnêteté et savoir-vivre.

Aujourd’hui, le fonctionnaire, jeune ou vieux, affecté dans un poste sans responsabilité loin de sa région natale, est soit sanctionné pour une faute administrative, soit ne dispose pas de tuteurs susceptibles de peser de leur poids pour lui éviter d’aller se morfondre dans un lieu inhospitalier peuplé de tribus hostiles.

Malgré le fait que les natifs d’un département ou d’une région, envoyés «chez eux» (comme si le reste du Cameroun n’était pas «chez eux»), n’aient pas fait la preuve de leurs capacités à infléchir radicalement le cercle vicieux de la pauvreté, on continue à insulariser les Camerounais, en les confinant dans leurs bleds.

Les «chefs de tribus» qui gèrent le personnel administratif brandissent un argument facile : les jeunes fonctionnaires n’ayant pas encore de salaire, il est plus facile pour eux de survivre chez eux en attendant que celui-ci soit enfin réglé par la fonction

publique et le ministère des finances. Je leur pose deux questions : pourquoi un jeune enseignant, dont on sait qu’il finira fonctionnaire dans trois ou cinq ans, doit-il attendre un, deux, voire trois ans, pour pouvoir toucher son premier salaire ?

Pourquoi certains sont-ils envoyés dans leurs régions alors que les autres sont sacrifiés sur l’autel de ce qui reste de la fameuse unité nationale ? On a connu dans ce pays des prises en charge de jeunes fonctionnaires plus rapides (deux ou trois mois), suivies de rappels de salaires.

A quoi cela a-t-il servi d’acheter à prix d’or des ordinateurs dont la fonction est de rationnaliser et d’accélérer le travail administratif, si finalement les employés de bureau chargés de l’intégration du personnel de l’Etat travaillent moins bien que leurs prédécesseurs qui n’avaient pas ces outils ?

Le tribalisme et ses cousins que sont le favoritisme, le clientélisme et le népotisme ne sont rien d’autres que des plaies cancéreuses entretenues par des gens qui ont pris la République en otage, agissant comme s’ils étaient en mission commandée dans un pays autre que le leur. Le tribalisme favorise la paresse et les passe-droits.

Lesquels ne s’accommodent pas des principes de bonne gouvernance et de gestion transparente et prudente de la chose publique. Un fonctionnaire qui sait que sa position relève de son appartenance à une ethnie plutôt qu’à sa valeur personnelle ignore pourquoi il doit se dépenser pour mériter de son pays. Il aura tendance à recourir à la délation, aux faux-fuyants et à la perpétuation d’un système qui lui a servi de courte-échelle.

C’est ainsi qu’on retrouve dans les sphères de la République des fonctionnaires sans foi ni lois, qui ne peuvent justifier leur positionnement par des faits-d’armes quelconques et qui, imbus de leur insignifiante personne, boursoufflés d’orgueil, tétanisés par leur incompétence notoire, laissent trainer sur leurs tables des piles de dossiers dont le traitement ne nécessite pas d’être sorti de polytechnique.

Mais n’ayant jamais appris à travailler et n’ayant de compte à rendre qu’à leurs mentors qui sont passés eux-mêmes par le truchement de la cooptation tribale, ces individus qui se multiplient par génération spontanée, sont de plus en plus nombreux et font prendre à notre pays un retard inacceptable.

Auteur: Paul Samangassou