Les 33 péchés de Paul Biya

Wed, 11 Nov 2015 Source: Souley ONOHIOLO

1. Paul Biya : une proximité aérienne avec son peuple. Jeudi 20 janvier 2011. En marge du comice agropastoral d’Ebolowa, les Camerounais vivent une rencontre épique ; entre Raphaël Mfou’ou Ebo’o, celui-là même qui, dans son domicile, a accueilli le futur chef de l’Etat Paul Biya lui a offert son toit pendant un an et demi et lui a servi d’enseignant au point de guider dans la connaissance celui qui deviendra plus tard le président de la République du Cameroun.

L’instituteur relate que la dernière rencontre avec son élève, date de 64 ans. « Emu aux larmes, il s’écroule devant le président de la République qu’il n’a vu jusque là à la télévision nationale. Il doit se demander si c’est le gamin qu’il a hébergé il y a 64 ans »lit-on dans « Cameroon Tribune ». La rencontre entre le tuteur de Paul Biya à Nden (hameau champêtre que plusieurs personnes ont du mal à localiser dans la carte géographique du Cameroun) et le président de la République qui occupe les devants de la scène depuis au moins 1963 est apparemment banale. Mais elle devient lourde de signification. Paul Biya a juste le temps de bénéficier de la générosité de son tuteur, qu’il n’a jamais plus cherché à le rencontrer pendant 64 ans.

La référence à cet exemple, donne l’impression que le prince est distant ; très loin de son peuple. Peut-on parler d’ingratitude, d’égoïsme, d’indifférence. Doit-on déduire que le prince s’est isolé dans son palais au point d’être une personne désincarnée, ou amnésique. Même les bains de foule que faisait le chef d’Etat, alors en quête de popularité, sont lointains. Le géniteur du régime du Renouveau, par une proximité trop aérienne, avec son peuple est devenu insaisissable. On le voit seulement quand il passe, dans sa limousine aux vitres fumées. Hermétiquement fermée. Dommage !

2. N’avoir pas sauvé le Crédit agricole de la banqueroute

Il était une fois le Crédit agricole du Cameroun. Histoire d’une faillite programmée ; le chef de l’Etat a vu venir la banqueroute frappant de plein fouet la « banque de la différence ». Une faillite qui a plongé les clients dans le désarroi ; une faillite qui n’a été que de la barbarie à visage humain ; comme l'une de ces tragi-comédies politico-financière d'une post-colonie prise dans l'engrenage de la politique du ventre.

Créé en 1990, le crédit agricole du Cameroun, était promu à une fabuleuse aventure bancaire; son slogan: "la banque de la différence", lui collait bien. Après cinq années, la banque a plombé et présentait déjà des signes de faillite. Et pourtant, l'Etat avait placé en cette nouvelle banque, tous les atouts et les espoirs pour remédier à la déroute du Cameroun en crise. L'Etat y avait canalisé ses grandes opérations bancaires (crédits internationaux; l'argent des élections, l'opération coup de cœur; même les fonctionnaires qui, après avoir sollicité le départ volontaire de la fonction publique suite aux affres de la dévaluation, avaient été encouragés à y faire des dépôts. Ces stratégies étaient envisagées dans l'intention de garantir la liquidité de la banque et la confirmation de sa crédibilité.

De fil en aiguille, une défaillance managériale dont l'identification des responsabilités reste attendue, a, à la 6ème année d'existence de la banque, fait que celle-ci entre dans la spirale de cessation de payement. Au lieu de la "différence" promise, la banque s'est enlisée dans le bourbier de la gestion à la camerounaise. En six ans, la banque n'a pu répondre pleinement à sa vocation de banque de développement du monde rural. Elle s'est plutôt affirmée comme un fonds de crédits destiné à alimenter et à ravitailler les comptes de quelques débiteurs véreux. La mort lente du crédit agricole du Cameroun s’est déroulée dans le silence et l'indifférence du président de la République qui a laissé des apparatchiks, être ses principaux fossoyeurs.

3. Avoir confisqué l’alternance

Après 33 ans de Renouveau au pouvoir, bien malin qui peut répondre à la question de savoir si la renaissance de Paul Biya est encore possible. Quelques hiérarques et apparatchiks y croient peut-être. Il n’y a qu’à voir comment la longévité à la magistrature suprême, du chef de l’Etat Paul Biya, le « messie» de 1982, est célébrée. Même si le chef ne parvient pas à faire la pose de la 1ère pierre d’une nouvelle société, tintée d’une nouvelle exigence de gouvernabilité ; même s’il ne réussit pas dans l’amélioration des conditions de vie, il ne songe pas à une probable alternance tant attendue au sommet de la magistrature suprême. Les pistes sont brouillées ; les intellectuels attendent des postes ministériels alors que l’on vit la fin de l’opposition.

Un crépuscule des « crapules» qui marque la fin du multipartisme ; à l’avantage du prince qui, sur le tas, ne se voit pas face à un adversaire. Ceux qu’il a fabriqués et qui tentent d’exprimer des démangeaisons de pouvoir, sont passés à la broyeuse. Le dernier tournant n’existe pas puisque, inévitablement, le fils octogénaire de Mvomeka’a, qui a pris l’habitude de jeter de la poudre aux yeux de ses concitoyens, en balançant des projets non réalisés a définitivement convaincu même les derniers sceptiques qu’il sera candidat à sa propre succession à la présidentielle de 2018.

Paul Biya présente le visage d’un homme requinqué, fringant et très en forme. Le désir de s’éterniser à la magistrature suprême, montre qu’il ne pense pas encore à la préparation d’une bonne transition politique et démocratique ; qu’il n’est pas encore déterminé à aseptiser les mœurs ; la gouvernance économique et socioculturelle. Paul Biya hésite à susciter une émulation certaine, faite de compétitivité, d’alternance et de fair-play ; tant au sein de son parti le Rdpc (dont on attend la mise en place des voies de la succession à la tête). Même les mécanismes de mise en place d’une nouvelle opposition rajeunie et requinquée des forces et des hommes nouveaux ne sont pas à l’ordre du jour.

4. Paul Biya et la «peur» effroyable des levées de corps

Peut-on se convaincre d’une psychose présidentielle, quand il s’agit de s’incliner devant les morts. L’absence du président national du Rdpc, président de la République du Cameroun, à la levée de corps de Françoise Foning, sa mascotte électorale, avait laissé enfler le sentiment de panique que le chef de l’Etat a vis-à-vis des morts qui parfois sont des fidèles avec qui, il a eu une proximité très étroite. Le footballeur, Marc Vivien Foé, avait été un cas atypique. Tombé sur le champ d’honneur, les armes à la main, il aurait été bien difficile pour le président de la République de se débiner, à la vue de la sur-médiatisation et du grand nombre des hautes personnalités (à l’instar du président de la Fifa), ayant accouru au pays de Roger Milla. Paul Biya a fait un détour à la cathédrale de Yaoundé ; comme ce fut le cas pour l’évêque Etoga, les archevêques André Wouking et Jean Zoa.

Ce dernier, presque mort à la cathédrale, avait bénéficié d’une attention de Paul Biya. A la différence de tels cas isolés, qui apparaissent comme des privilégiés, beaucoup de grands amis, camarades d’armes et très proches collaborateurs de Paul Biya sont tombés un à un, sans que le chef de l’Etat, fasse une apparition, à leur cérémonie funéraire : Raphaël Onambelé, Ayissi Mvodo, Georges Ngango, Senga Kouoh, Egbe Tabi, Salomon Tandeng Muna, Fonka Tchang Lawrence, Mgr Yves Plumeh, Mgr Jean-Baptiste Ama, Révérend père Engelbert Mveng… A cela s’ajoutent le cas des fossiles du sérail, morts les armes à la main. Ferdinand Léopold Oyono, Francis Nkwain, Enoch Kwayeb, Félix Sabal Lecco…

5. N’avoir jamais porté le pagne du Rdpc

Il faut aller chercher très loin dans les annales de l’histoire de vie du Rdpc, le parti de Paul Biya, pour le voir arborer le pagne qui, pourtant, porte les effigies de son parti. Particulièrement la photo du président national Paul Biya. Le bon aristocrate qu’il est, laisse le soin à ses laudateurs de camarades de s’afficher. Sur les 30 années d’existence de l’Unc du président Ahmadou Ahidjo que Paul Biya a transformé en Rdpc à Bamenda en 85, pas de port du pagne du Rdpc.

C’est sous un air amusé, qu’il voit Grégoire Owona, fier et debout, défilant dans un costume aux couleurs du Rdpc. Le président national du Rdpc, aime être au-dessus de la mêlée pour éviter toute proximité et le ralliement avec les militants de base. Et pourtant, Dg, ministres, hommes de pouvoir, universitaires, font de l’affichage public ; dépensent des faramineuses fortunes, prélevées parfois dans les caisses de l’Etat, pour acheter ce pagne d’une association privée ; qu’on distribue gratuitement à des gens qui ploient souvent dans la misère, la galère et autres incertitudes.

6. Avoir écrasé les contestations de février 2008

Fin février 2008, les rues de Douala, Yaoundé, Bafoussam, Buea, Bamenda et autres sont envahies par des centaines de milliers de jeunes. A l’origine de ces mouvements de contestation que l’on appellera plus tard « les émeutes de la faim», ou de la vie chère marqué par d’autres denrées de première nécessité, la hausse des prix des carburants et, le projet de modification de la Constitution pour permettre à Paul Biya de briguer un autre mandat. Mais, il y a surtout l’oppression dans laquelle vit le peuple camerounais depuis de longues années, interdit de s’exprimer ou de donner son point de vue sur les questions fondamentales de la vie de la nation.

Le peuple est révolté, les réclamations fusent de partout : démocratie, liberté d’expression, droit à une vie décente, etc. Des réclamations légitimes auxquelles Paul Biya va malheureusement répondre par une violence inouïe. Les forces de police dépassées, l’armée est jetée dans les rues. Une unité d’élite, le Bataillon d’intervention rapide (Bir), pourtant spécialisée pour la garde du président de la République et les siens combattre le grand banditisme et le terrorisme, est lâchée en zone urbaine comme des chiens enragés. Bilan officiel de la répression : 24 morts (dont un policier) ; alors que des centaines de morts sont signalées par la société civile et des organisations internationales. Cette répression féroce constitue, pour beaucoup, une grossière erreur. Cela fait désormais de lui un président sanguinaire, comme d’autres à travers le monde, un homme d’Etat peu recommandé et peu fréquentable. Son image est écornée parce qu’il a commis l’erreur de refuser d’écouter son peuple. Pis, il pense avoir complètement anéanti les velléités contestataires des populations, alors qu’il n’a fait que les exacerber.

7. N’avoir pas consenti au rapatriement des restes d’Ahmadou Ahidjo

04 novembre 1982. L’édition de 20 heures, du journal parlé de la radiodiffusion camerounaise démarre avec 30mn de retard. « Mesdames, Messieurs, bonsoir. Un seul titre à la une ce soir, le président de la République s’adresse à la Nation» retentit dans les oreilles des Camerounais, la voix suave et fluette de Jean-Claude Ottou. « J’ai décidé de démissionner de mes fonctions de président de la République du Cameroun. Cette démission prendra effet le 06 novembre. Je vous laisse à la tête de l’Etat, Monsieur Paul Biya» martèle le président de la République, Ahmadou Ahidjo. Malgré quelques frayeurs, le faisceau des inquiétudes et le voile d’incertitudes qui semblaient planer à l’horizon, rien de catastrophique n’est arrivé. Le successeur du premier président de la République du Cameroun Indépendant est toujours aux affaires. Et le Père de l’unité nationale, pionnier de la construction nationale d’un pays qu’il a dirigé pendant 22 ans durant, est mort au mois de novembre 1989 en exil au Sénégal. Ahmadou Ahidjo a été inhumé à Dakar, loin de sa ville natale de Garoua, loin d’un pays qu’il a bâti et chéri.

Il y a eu juste le temps de quelques émotions et depuis, plus rien ; même pas un chrysanthème en guise de reconnaissance. Aujourd’hui, la sépulture du président Ahmadou Ahidjo demeure au Sénégal. Le régime de Paul Biya n’a toujours pas tranché sur la vive polémique du rapatriement des restes du père de l’Indépendance du Cameroun. Aveuglé par l’ingratitude et la rancune, Paul Biya n’a jamais pardonné. 26 ans après. Pour un fils de catéchiste dont on se souvient que pour sa énième élection à la magistrature suprême, en 2011, il a barré les routes, asphyxié la circulation pour se faire dire une messe d’action de grâce à la cathédrale Notre-Dame des Victoires de Yaoundé… Huuummm !!!

8. N’avoir pas sanctionné les auteurs de la fusillade de Bamenda 1990

26 mai 1990 à Bamenda. Le «Biyayisme», mode de gouvernance par improvisation du régime du Renouveau de Paul Barthélemy Biya bi Mvondo, ne satisfait pas le contrat social signé avec le peuple camerounais. Lasses d’affronter en permanence des routes mal construites (et qui sont pour la plupart des bourbiers), mécontentes de l’arrogance, des abus divers et des promesses non tenues, les populations ne se retiennent plus. La rue gronde. Face aux braises incandescentes de la contestation et le ras-le-bol, l’Armée ouvre le feu et tire sur une foule désarmée qui ne fait que donner de la voix. Six Camerounais paient de leur vie le prix de l’engagement démocratique. La presse à capitaux publics, fortement instrumentalisée, fait dans l’intox et la désinformation. Elle argue que les six morts de Bamenda sont morts. Piétinés… (Par balles !!!). Le régime du Renouveau de Paul Barthélemy Biya bi Mvondo, n’a jamais fait le deuil de ces compatriotes tombés sur le champ de la démocratisation. Pas de procès des coupables de cette forfaiture qui demeurent impunie. Pour combien de temps encore, continueront-ils de courir. Après avoir martyrisé liberté ?

9. N’avoir pas rétabli les salaires baissés en 1994

Il y a 21 ans. A la suite d’une dévaluation folle, honteuse et ambiguë, intervenue en 1994, les fonctionnaires et agents de l’Etat, voient leurs salaires amputés de 30%, 50% ,70%. Quelques gestes de contestation, des mouvements d’humeur, de soulèvement, de révolte et d’indignation sont observés. Mais ils sont rapidement éteints et sauvagement réprimés, par des intrigues politiques et l’instinct de survie. On agite la corde sensible du salaire de la peur. « Pourvu que l’Etat nous paie le peu qui reste ; on a de la famille à nourrir » ; claironnent certaines victimes ; dans un amorphisme d’indigence, couronné par une résignation lâche et contreproductive. Et pourtant sous d’autres cieux, les fonctionnaires, face à ces coupes drastiques, ont défendu leur salaire, souvent au prix des émeutes violentes. Et comme en toute chose, il faut considérer la fin, la politique du ventre a dressé le lit à une révolte sourde, silencieuse et pernicieuse dont quelques corollaires et inévitables conséquences sont : la corruption et la paresse. Les réseaux du rançonnement se multiplient et prospèrent. Tout le monde fait semblant. Paul Biya qui manifeste un agacement exaspérant et des stratégies de lutte contre la corruption devenues trop stériles et inefficaces, se bat contre les moulins à vents. Et pourtant il faut commencer par rétablir les coupes sombres ponctionnées dans des salaires fantômes.

10. Etre devenu « roi » et « totem » infranchissables

Dans tous les discours, les analyses faites des 33 années de magistrature du président Paul Biya, difficile de faire le décompte du nombre de fois, qu’est revenu le concept de « 33 ans de règne ». Effet de hasard ? Que non ! Le peuple camerounais est bien conscient que l’ADN de la démocratie, c’est l’alternance au pouvoir. Mais lorsque tout vous est donné ; lorsqu’au départ de chaque élection à laquelle, on est candidat, la victoire est acquise, lorsque malgré 33 années de pouvoir, les thématiques de débats sur l’alternance, sur l’après-Biya, sont proscrites, réprimées ; ceux qui en tentent le coup, jetés en prison ; lorsque les membres du gouvernement d’un chef de l’Etat, chef de l’exécutif, voient à distance leur chef ; des conseils ministériels quasi-inexistants ; faute d’être des séances d’exorcisme et de vaudou. Pire. Lorsque malgré tout, quelques caciques et dinosaures du régime pensent et affichent qu’un souverain âgé de 82 ans (l’âge de la raison et de la sagesse) est irremplaçable ; qu’il faut l’éterniser au pouvoir. Lorsque les flonflons, le discours laudateur et dithyrambique, frise le ridicule et l’indécence, les frontières de « totémisation » sont franchies. Le géniteur du régime du Renouveau, a par une proximité trop aérienne, davantage créé la distance avec son peuple. Insaisissable, on le voit seulement quand il passe, dans sa limousine aux vitres fumées. Hermétiquement fermée. Pour beaucoup, il apparaît tel, un homme « désincarné ». On le craint ; on tente de l’embrasser (mais il reste trop fuyant) ; on le désapprouve (pas parce qu’on est opposant) ; quand bien même il repousse et fuit, on reste scotché en lui… Simplement par intérêt vital et alimentaire. Que dire de ses collaborateurs qui feignent le redouter, alors qu’en bons spécialistes du double langage, roulant dans la duplicité, ils sont résolument tête et pieds plongés dans l’après Paul Biya… Tous des hypocrites.

11. Avoir créé la Garde présidentielle

A l’origine, il y avait la Garde républicaine, mise en place par l’ancien président, et dissoute par décret n° 84-113 du 11 avril 1984, dans un contexte de défiance marqué par le coup d’Etat manqué du 6 avril dans lequel cette unité avait joué un rôle de proue. Le 21 mai 1985, le décret n° 85/738, porte création de la Garde présidentielle, dont les missions sont clairement définies : la protection du palais et du président de la République, rend les honneurs au chef de l'état et aux chefs d'Etats étrangers de passage au Cameroun. Elle assure également la protection des palais et résidences présidentiels des régions. Dans la forme, la Gp trouve toute sa raison d’être. Et qui irait reprocher au président de la République de se séparer d’une force qui a attenté à sa vie ? Là où le bât blesse, c’est tout d’abord la forme prétorienne de cette unité. Force de combat, la Gp dispose de radars, de matériels de détection avancés, de l'artillerie sol-sol et sol-air, des défenses anti-missiles. Elle dispose également des chars d'assaut, de véhicules blindés, des tanks et de la batterie de combat: fusil, grenades, lance-roquettes, etc ; mais ne dépend pas du ministère de la Défense… mais est placée sous l’autorité directe du chef de l’Etat. Sa qualité ethnocentrée fait de la Gp, l’armée de Paul Biya. Une armée dans l’armée totalement dévouée à un homme, et au chef président de la République. C’est lui qui, selon des spécialistes, fait de la Gp un danger sur le plan de la fragilité du système de défense camerounais.

12. Avoir méprisé Nelson Mandela

Nelson Mandela, le héros de la lutte anti-apartheid, qui a passé 27 ans dans les geôles du pouvoir raciste sud-africain, est devenu président de la nation arc-en-ciel, avant de quitter le pouvoir au terme de son mandat. Adulé par tout un continent, respecté au-delà de l’Afrique, « Madiba », n’a jamais reçu les honneurs dûs à sa stature au Cameroun. En juillet 1996 pourtant, le pays a une occasion de célébrer ce héros africain. Le pays tout entier l’attend à la faveur du sommet ordinaire de l’Oua. Tous les Camerounais, sauf Paul Biya. Arrivé en matinée, non seulement il n’avait pas été accueilli par Paul Biya en personne à sa descente d’avion, mais aussi il était reparti discrètement, alors que la cérémonie d’ouverture se déroulait encore au Palais des congrès de Yaoundé. La légende vivante partait alors pour une visite officielle en Europe. La cantonade yaoundéenne aime à se repasser la petite histoire qui veut que personne à Etoudi n’a osé interrompre le sommeil de l’homme lion alors que l’avion de Nelson Mandela était annoncé. C’est de retour de sa tournée européenne qu’une « escale technique » sera créée, pour qu’il y ai enfin une rencontre au sommet. Paul Biya a aussi brillé par son absence aux obsèques de Mandela en 2013. Un évènement qui a vu la participation de tous les dirigeants du monde.

13. Entretenir des gouvernements pléthoriques

Depuis novembre 1982, le président Paul Biya a épuisé près de 300 ministres par une trentaine de remaniements ministériels qu’il a effectués. Des rotations ministérielles, le plus souvent en trompe-l’œil, avec cependant des constances : comme la présence des mêmes hommes souvent aux mêmes postes, et le caractère obèse de ces équipes. L’actuel gouvernement compte en effet une soixantaine de membres, avec souvent des responsabilités qui se chevauchent. L’éclatement de certains départements ministériels est certes une réponse à une évolution socio-politico-économique du pays, mais force est de constater que la logique obéit davantage à des calculs bassement politiciens. Une nécessité de satisfaire cette cours de louangeurs qui rivalisent chaque jour d’obséquiosité, et de flagornerie, pour défendre le pontife du Renouveau. Pour remercier les uns et les autres, le président a eu toujours l’art d’effectuer des fractionnements dans les départements ministériels, avec comme corolaire de mettre à mal la coordination gouvernementale, quand de nouveaux postes n’entraînent tout simplement pas un alourdissement des charges de l’Etat.

14. N’avoir jamais rencontré la presse nationale

En 33 ans de magistère, Paul Barthélémy Biya Bi Mvondo, n’a jamais rencontré la presse nationale. Pas un soupçon de point de presse, ni de rencontre informelle avec les hommes et femmes de médias. Même les médias gouvernementaux, sont obligés de voir le chef de l’Etat leur préférer la presse étrangère. Ainsi le président Paul Biya, hormis ces adresses traditionnelles à la nation, n’a jamais tenu une conférence de presse sur un sujet d’actualité. Cultivant une distance voulue avec les médias nationaux, qu’il accusait dans une confidence à une diplomate américaine d’être « trop durs » avec lui, Paul Biya n’a pas eu plus d’égard envers l’office national. Hormis les déclarations spontanées, arrachées au détour d’une descente d’avion ou d’une sortie de bureau de vote, le chef de l’Etat ne tient pas avec les médias gouvernementaux, le type de communications faites par exemple à France 24, ou a Radio Monte Carlos. Il faut dire que sa longue carrière à la tête de l’Etat n’a pas amélioré son aisance devant micros et caméras, le chef de l’Etat provoquant la polémique à chaque propos spontané.

15. Avoir nommé Issa Tchiroma à la Communication

Dans la catégorie « erreur de casting », Issa Tchiroma Bakary au ministère de la Communication tient la palme d’or, à cîté de non moins célèbre tel Emmanuel Nganou Djoumessi à l’Economie, et l’Aménagement du territoire ou, Michel Meva’a M’Eboutou à l’ancien ministère de l’Economie et des Finances. Issa Tchiroma Bakary, est un ingénieur des chemins de fer de formation, et ancien ministre des Transports, ce qui est loin de faire de lui le plus mauvais ministre de la Communication du Renouveau. Où le casting gouvernemental pèche, c’est que c’est ancien opposant au régime, pourfendeur du président Paul Biya, est devenu par la magie du décret, le plus grand thuriféraire du Renouveau. Zélé communicateur de l’homme Paul Biya, plutôt que de l’institution qu’il représente, Issa Tchiroma déssert plus qu’il ne sert le pouvoir de Yaoundé. Sa promptitude à monter au créneau pour des faits divers, et à communiquer sur des vétilles décrédibilise la communication et l’action gouvernementale.

16. Instrumentaliser l’ «opération épervier »

A l’euphorie qu’à créée cette opération d’assainissement de la gestion des fonds publics par la traduction des détourneurs de la fortune publique devant les tribunaux, a succédé déception, désillusion et scepticisme. La raison en est toute simple : l’opération épervier apparait aujourd’hui comme un instrument d’épuration politique et de règlement de comptes. La théâtralisation des arrestations, les procès kafkaéen, les procédures tiroirs, un certain amateurisme dans le ficelage des dossiers et les peines inhumaines ont fini de décrédibiliser cette campagne. Quand on y ajoute une opération à tête chercheuse, il ne reste plus de cette bonne initiative qu’un autre gadget du Renouveau. La justice aux ordres, phagocytée par le pouvoir politique peine à dire le droit. Ce qui fait les affaires du rouleau compresseur, piloté depuis Etoudi.

17. Des milliards en «court séjour privé en Europe »

Avec une moyenne de deux à trois, en 33 années sans discontinuité à la tête de l’Etat, Paul Biya totalise près de 90 « courts séjours privés en Europe ». « Le village de Paul Biya c’est la Suisse », aime-t-on à dire dans les chaumières comme dans les salons huppés, tant le chef de l’Etat passe la moitié de l’année sur les rives du Lac Leman, où se dresse l’hôtel Intercontinental. Résidence hôtelière où Paul Biya et sa famille ont leurs habitudes. Dès les années 2000 une diaspora activiste avait retrouvée la trace de cette « Europe », où le président se rendait, et ses membres ont entrepris de perturber les séjours de « l’homme lion » en manifestant devant l’hôtel intercontinental chaque fois que le président s’y trouvait. Le coût de ses villégiatures ont été estimés à près de 800 millions Fcfa par séjour, soit plus de deux milliards Fcfa par an. En 33 ans, Paul Biya aurait alors dépensé un peu moins de 70 milliards en « courts séjours privés ».

18. Avoir légitimé la corruption

Les annales de la République gardent cette boutade du père de la « rigueur et moralisation », lorsqu’interpelé sur ces hauts fonctionnaires qui s’enrichissaient indécemment en détournant les fonds public, le chef de l’Etat répondait : « où sont les preuves ?». Pour beaucoup, cette réponse de défiance et d’agacement, avait été un sauf-conduit vers les caisses de l’Etat. Pendant des années, les fonctionnaires se sont érigés en classe sociale. L’opulence de certains, laissait pantois. Selon de nombreux observateurs, la faiblesse des institutions de contrôles, entretenue par le pouvoir est également à l’origine de la croissance de la corruption. Le ministère de la Fonction public a ainsi été scindé créant le ministère du contrôle supérieur de l’Etat, placé sous l’autorité directe du président de la République. C’est également ce dernier qui commande les enquêtes contre les prévaricateurs, ou met la machine judiciaire en branle.

19. Spécialistes du barrage des routes

33 ans après, les habitants de la capitale Yaoundé ne s’habituent toujours pas aux déplacements du chef de l’Etat, n’en déplaise au ministre de la Communication qui affirmait sur les antennes de la Crtv que les Camerounais comprennent qu’on bloque les routes au passage du cortège présidentiel. La réalité est tout autre. Et les taximen et autres usagers des artères de la capitale en savent quelque chose. Si beaucoup trouvent normal que la route présidentielle soit sécurisée au passage du président, les yaoundéens ne comprennent pas que la seule artère principale de la ville soit bloquée des heures durant divisant la ville Yaoundé en deux. Aussi, entend-on régulièrement demander « pourquoi ne peut-il [Paul Biya] pas prendre tout simplement l’hélicoptère ? ». Une solution qui aurait le mérite de ne pas interrompre la circulation. Paul Biya bloque toujours allègrement la ville lorsqu’il se rend dans son village natal, ou à l’aéroport, ou pour tout autre évènement requérant sa présence dans la capitale. Et 33 ans que cela dure.

20. Chef de la diplomatie de l’absence

La diplomatie camerounaise n’échappe pas à la morbidité qui touche tous les aspects de la vie de la nation. Les ambassadeurs camerounais à l’étranger sont presque toujours les doyens du corps diplomatie dans leur pays d’accueil. Au-delà de cette diplomatique marquée par la longévité, on note le manque d’une véritable doctrine diplomatique du Cameroun. Le président Paul Biya, patron en chef de la diplomatie de son pays, brille par son absence à la plupart des grandes rencontres internationales, quand il n’assiste pas à celles aux moindres enjeux. Que ce soit au niveau sous-régional, régional ou dans des rencontres spécialisées, sur la sécurité où l’économie, Paul Biya n’y va tout simplement pas. Se faisant systématiquement représenté, soit par son Premier ministre, soit pas le président de l’Assemblée nationale, soit encore par le président du Conseil economique et social ou le ministre des Relations extérieures. La conséquence de cette diplomatie d’abonné absent est que la voix du Cameroun dans le concert des nations est inaudible, et le pays passe à coté de nombreuses opportunités, certaines rencontres nécessitant le plus haut profil.

21. Eviter les Conseils des ministres

Ils sont rares, et quand ils se tiennent, sont extrêmement expéditifs. Le Cameroun n’a pas la tradition des Conseils de ministres, car le président de la République chargé de les tenir en convoque le moins possible. Traditionnellement, le président Paul Biya tient un conseil de ministre après un remaniement ministériel, et une à deux fois par gouvernement. Importantes, ces rencontres ont pour but de faire le point sur l’action de l’exécutif, et de réorienter au besoin les politiques adoptées par le chef de l’Etat. Le Conseil de ministres au Cameroun s’articule généralement autour d’un exposé du président Paul Biya. A en croire certains témoins de cette rencontre, le chef de l’Etat a coutume de demander, à la fin de son exposé, si un des membres présents autour de la table veut prendre la parole ou a quelque chose à dire sur ce qui vient d’être élaboré. « Personne ne parle », confie au Messager un ancien ministre.

22. Le champion des sorties hasardeuses

C’est connu, le président Paul Biya n’a pas le propos public spontané, et chaque que fois qu’il s’y est essayé, cela a toujours donné lieu à une sortie de piste fracassante. Le contraste est frappant, entre les discours bien ficelés, soigneusement préparés par les collaborateurs, et les prises de parole libre. Aussi note-t-on, dans cette déclaration sur la particularité de son pays : « le Cameroun, c’est le Cameroun », lançait-il alors qu’on le comparait à d’autres nations. « Tant que Yaoundé respire, le Cameroun vit », déclarait-il au plus fort des années de braise. « Où sont les preuves ? », demandait-il quand on l’interpellait sur l’enrichissement illicite de ses collaborateurs, ou encore lorsqu’il mettait au même niveau de comparaison les insurgés de Boko Haram, la lutte armée pour l’indépendance du Cameroun. Interpellé, sur les lettres ouvertes de son ancien ministre Marafa Hamidou Yaya incarcéré, qui révélaient les certaines pratiques du chef de l’Etat, Paul Biya répondait, « je ne commente pas les commentaires ». Et plus récemment, piqué au vif par la préoccupation d’un journaliste français par sa longévité au pouvoir, Paul Biya partait d’une boutade familière « ne dure pas au pouvoir qui veut, mais qui peut ».

23. Avoir laissé prospérer le « triangle de la mort »

Les axes Yaoundé-Bafoussam, Bafoussam-Douala, et Douala Yaoundé sont considérés comme les plus meurtriers d’Afrique. Formant presqu’un triangle, cette boucle est la plus fréquentée du pays, et la plus accidentogène. Et c’est par centaines que les morts se comptent chaque année. La cause, le mauvais état de la route, mais aussi le manque de prévision qui n’a pas pris en compte l’augmentation du trafic. Pour atténuer le feu des critiques les gouvernements Biya ont jeté les pandores sur le triangle de la mort dans une campagne de sensibilisation et de répression qui a des résultats mitigés. Parallèlement, les autorités prenaient sur le tard, deux mauvaises solutions : la construction d’une voie expresse, vendue comme une autoroute, entre Douala et Yaoundé. Et l’abandon d’un projet durable d’autoroute qui aurait relié simultanément les trois plus grandes villes du pays.

24. Boko Haram : ne pas rendre hommage aux soldats morts

Depuis le déclenchement de la guerre contre l’insurrection islamiste au Nigéria, le chef des armées n’a jamais daigné se rendre, ni à l’Extrême-nord soutenir le moral des troupes, ni assister aux différentes cérémonies d’hommages aux soldats tombés sur le champ d’honneur pour la défense de l’intégrité du territoire. Barricadé dans son palais d’Etoudi, le chef des armées coordonne les opérations sur le terrain. Différentes cérémonies d’hommages aux militaires morts pour la défense de la patrie, organisée au Quartier général de Yaoundé, ont été présidées par le ministre délégué à la présidence de la République, chargé de la Défense « représentant personnel du chef de l’Etat ». Une absence mal perçue aussi bien dans les rangs, qu’au sein de l’opinion. Qui dérange même dans l’entourage du président. En témoigne un photomontage, représentant Paul Biya s’inclinant devant les cercueils de soldats, alors que ce dernier se trouvait en Europe.

25. Avoir trahi le libéralisme communautaire

Dès son accession au pouvoir, Paul Biya présente sa vision de l’avenir du Cameroun. Rigueur, moralisation, intérêt général, vraie démocratie, développement véritable, intégration nationale…Autant de slogans véhiculés dans sa philosophie qu’il a d’ailleurs pris le soin de consigner dans un livre intitulé « Pour le libéralisme communautaire ». Les Camerounais en sont séduits et se mobilisent tous derrière « l’Homme du 6 novembre ». Mais, ils déchantent très vite et se rendent compte que les mots ne sont pas suivis d’actions concrètes. Au contraire, tout va de mal en pis. Trente trois années plus tard, tous ces slogans ont volé en éclat. Laissant la place à un flétrissement de la rigueur et de la moralisation dans le pays. Depuis plus de trois décennies, les Camerounais se sont résignés à vivre avec d’autres concepts. Corruption généralisée, gestion à l’emporte-pièce, violation des droits de l’Homme, trucage des élections, népotisme, dérive monarchique, individualisme, insécurité, clientélisme, paupérisation…sont autant de maux récurrents au sein de la société. Paul Biya a trahi sa pensée.

26. Avoir raté la privatisation des sociétés d’Etat

Lancé à partir des années 1990, le processus de privatisation au Cameroun avait été présenté comme un espoir en vue de sauver le tissu économique du pays. Selon les explications de l’actuel secrétaire général adjoint des services du Premier ministre, Pascal Nguihé Kanté, dans une de ses publications, le processus de privatisation constitue l’occasion non seulement de vendre une entreprise ou une participation étatique, mais surtout de s’en saisir pour améliorer le fonctionnement de l’économie et de l’Etat. Malheureusement, la privatisation des sociétés publiques et parapubliques du Cameroun n’a pas été bien conçue, bien préparée et bien menée. Au contraire, la complexité de la procédure et l’absence d’attractivité des entreprises n’ont rien arrangé. Cadre juridique mal conçu, absence de consensus sociopolitique, rentabilité incertaine des entreprises (situation économique catastrophique), incertitudes de l’environnement macro-économique,…n’ont pas facilité l’atteinte de bons résultats, déplore l’universitaire.

Les conséquences sont nombreuses. On peut citer, entre autres, le fait que la privatisation se fait, dans la plupart du temps, à l’avantage des investisseurs étrangers (majoritairement occidentaux). En fait, en privatisant, l’Etat s’est totalement désengagé au lieu de recentrer son action en mettant l’accent non pas sur ce qui est perçu comme stratégique, mais sur ce qui constitue le noyau dur des responsabilités étatiques.

27. Avoir tué la Camair

Lorsque le Cameroun se retire en janvier 1971 d’Air Afrique – qui regroupait 9 Etats – pour créer en juillet de la même année sa propre compagnie de transport aérien, les Camerounais voient en la Cameroon airlines une fierté. La compagnie est d’ailleurs surnommée « Etoile du Cameroun ». Jusqu’au début des années 1980, la Camair vole haut dans les cieux nationaux et internationaux. Les vols sont réguliers, les passagers nombreux, les caisses de l’entreprise renflouées, les retards de paiement quasi-absents. La Camair est une entreprise dynamique. Puis, tout d’un coup, en quelques années seulement, l’étoile cesse de briller. Paul Biya et ses affidés n’ont pas hésité à éteindre la flamme. Les responsables de la compagnie la gèrent presque comme une entreprise familiale : régulières brèches injustifiées dans les caisses, mauvais choix managériaux, absence de vision de développement, complaisance (on se rappelle que de nombreuses familles proches ou éloignées des dirigeants voyageaient sans payer), et même incapacité managériale des responsables de l’entreprise.

Tous, ou presque, n’ont de cure que de percer les coffres forts de l’entreprise pour remplir leurs propres poches. Résultat : au début des années 2000, au bout d’à peine une quinzaine d’années, la Camair est mourante. Sa situation financière est telle qu’elle ne peut plus honorer ses engagements. Ses retards chroniques et ses annulations de vols lui font changer de surnom : la compagnie devient dérisoirement « Air peut-être ». Même les officiels camerounais ne prennent plus le risque de réserver dans cette compagnie. Finalement, en septembre 2006, après plusieurs tentatives de redressement, la Camair cède ses actifs (pas ses passifs) à la Cameroon airlines corporation (Camair-Co). Une nouvelle compagnie qui n’a pas encore pris son véritable envol 9 ans après.

28. Avoir abandonné le monde agricole

L’une des illustrations les plus significatives de la chute du monde agricole sous l’aire Biya est le fait qu’en 33 ans, il n’a organisé que trois comices agropastoraux. Entre le deuxième (1988) et le troisième (2011), il a fallu attendre…23 ans. Au cours de ces années, la gestion du pays par Paul Biya et ses proches montre clairement que l’agriculture et le développement du monde rural ne les intéressent que pour des calculs politiques. Il laisse mourir les structures d’accompagnement des planteurs, n’impulse aucune politique pour rendre l’agriculture compétitive et faire face aux exigences du marché mondial. Conséquence : l’agriculture devient un domaine pour les parias, les ratés. Bien entendu, elle se meurt.

Autrefois, elle supportait efficacement l’économie du Cameroun (elle représentait près de 35% des richesses créées dans le pays, Pib) et employait plus des deux tiers de la population. Paul Biya a pourtant abandonné ce secteur. La pratique de l’impunité, mise en place par un système qu’il a contribué à mettre sur pied et qu’il ne maitrise plus, a fait que les priorités dans ce secteur ont été détournées. Les fonctionnaires, au vu et au su de tout le monde, distraient les maigres financements accordés au monde rural. Mamelle nourricière de l’actuelle zone Cemac, le Cameroun en est aujourd’hui à importer, chaque année, de la nourriture pour des centaines de milliards de francs Cfa afin de nourrir sa population. L’échec est grandissime…

29. Avoir ratifié isolément les Ape

Juillet 2014. Lors d’une session, le Parlement camerounais autorise la ratification des Accords de partenariat économique (Ape) avec l’Union européenne. Cet accord d’étape, signé par le gouvernement le 15 janvier 2009, prévoit un démantèlement tarifaire sur 15 ans entre le Cameroun et l’Union européenne ainsi qu’une libéralisation de 80% des importations en provenance de l’Union européenne. La décision est une grosse erreur, selon de nombreux observateurs. D’abord, parce qu’en décidant de signer seul cet accord intérimaire, le Cameroun met à mal les négociations au niveau sous-régional qui auraient été plus avantageuses pour l’Afrique centrale. « C’est un coup de canif dans le dos de l’intégration », avait alors dénoncé Protais Ayangma, président du groupement patronal Entreprises du Cameroun (E-Cam). Et puis, l’accord ratifié par le Cameroun est, en l’état actuel, incomplet et au désavantage de l’économie du pays.

Selon la société civile, c’est une mise à mort de cette économie déjà fragile, une « monumentale erreur historique » : les multiples études faites montrent clairement que l’ouverture des marchés aux produits européens va plomber cette économie encore très vulnérable. Mais, Biya et ses « amis », ne s’encombrent pas de ces détails.

30. L’illusion des infrastructures sportives

En 33 ans de magistère, le pays du « premier sportif camerounais » fait face à un déficit criant d’aires de jeu. En dehors des stades de Yaoundé, Douala et Garoua, les rencontres sportives se disputent sur des espaces en terre. Lancé dans l’allégresse, l’ambitieux programme de développement des infrastructures sportives (Pndis) marque le pas. Biya lui, n’a fait que tirer les marrons des (rares) victoires d’un football qu’il n’a jamais servi. Seul le stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé construit en 1972, et d'une capacité de 38 509 places assises, accueille depuis plus d’un demi-siècle les matchs de l’équipe nationale de football du Cameroun ainsi que les matchs de certains clubs du championnat d’élite. Le stade de la Réunification de Douala est une relique, un danger pour les footeux puisqu’à tout moment il peut céder sous le poids de l’usure du temps. Roumde Adja, abandonné dans la plaine de Garoua reste l’unique fleuron de la partie septentrionale du pays.

Or, l’ancien président de la République de regrettée mémoire, en lançant le vaste projet de construction de quatre stades omnisports dans certaines villes clés du pays entendait pallier le déficit du Cameroun en infrastructures sportives en dotant à terme tous les chefs-lieux de régions et villes du Cameroun d’infrastructures sportives adaptées à la pratique du sport en général et du sport d’élite en particulier, permettre au pays dont on vante le talent de ses fils, d’accueillir à court terme, des événements sportifs de haut niveau. Mais la mise en œuvre de cette véritable politique sportive, s’est malheureusement heurtée à l’immobilisme du gouvernement Biya.

31. Zéro Can en 33 ans

Depuis 1972, pas l’ombre d’un nouveau stade. Entre annonces pompeuses, promesses fallacieuses, l’homme du 06 décembre et son gouvernement sclérosé n’ont levé aucun mur. Bien au contraire, ils n’ont jamais cessé de couvrir d’éloges leur champion, plus occupé à se servir de l’équipe nationale fanion de football pour désamorcer une forte contestation sociale et politique, préservant ainsi son pouvoir d’un embrasement quasi certain à l’aube des années 90. Belle pioche, bon filon sur lequel le « premier sportif » va continuer à rogner sans faiblir. Bien servi par une politique sportive mise en place par son prédécesseur, profitant du travail acharné de deux centres de formation privés (Kadji Sport Academy et Brasseries du Cameroun), Paul Biya va gaillardement cueillir les lauriers d’un travail qu’il n’a jamais fourni, s’affichant fièrement aux cotés des Lions Indomptables, lors de leurs victoires en Coupe d’Afrique des Nations, 2000 et 2002 ainsi qu’à l’occasion de leur triomphe aux Jeux Olympiques de Sidney en 2000. Paul Biya a tant aimé sa sélection nationale que le président candidat en 2018 (fatalement) est lui-même devenu l’homme Lion. Les responsables successifs en charge de la gestion du sport n’ont pas su (ou pu) capitaliser les retombées financières de la participation à six coupes du monde de football. Pire, la quantité et la qualité des infrastructures sportives sont en deçà des besoins réels d’une grande nation sportive.

32. Marronnier des victoires des Lions

Tirer les dividendes politiques des prestations de l’équipe nationale fanion de football, sans investissements. Telle semble être la politique sportive du Renouveau. Ainsi, le président de la République a toujours été en embuscade d’une victoire des Lions indomptables en phase finale d’une compétition internationale. La récupération politique, d’un secteur négligé par le régime s’apparente pour certains à récolter là ou on n’a pas semé. Les réalisations du Renouveau étant rares, ses thuriféraires ont tôt fait de brandir le Lions comme marque de la bienveillance de Paul Biya envers son peuple. D’où les multiples ingérences de la présidence dans la tanière. Ingérence qui a contribué à rendre le climat délétère au sein de l’équipe. Longtemps présenté comme le signe de la jeunesse triomphante du Renouveau, les Lions sont désormais absent des discours du 10 février à la jeunesse. Obligeant Paul Biya à fouiller d’autres modèles, au point de célébrer la précarité de la condition des motos taximen comme exemple de réussite social. Un seul mot, continuez !

33. Etre président de la République du Cameroun

Les peuples dynamiques qui forment la nation camerounaise méritaient nécessairement mieux qu’un dirigeant tire-au-flanc. Paul Biya n’est pas réputé homme d’action, imprimant de part sa posture, son indolence à des millions de gens. L’inertie qui caractérise le mode d’action de l’administration tire son origine de novembre 1982 et sa source du palais d’Unité, cimetière des dossiers de la République, même le plus urgents. Le Cameroun de Paul Biya fait du sur place, quand il ne recule pas, occupé qu’est le système à assuré sa survie, au détriment du destin de tout un pays. Paul Biya peut être accusé de tous les maux, mais le plus grand de ceux-ci, est sans doute le fait d’être, trois décennies durant, le président de la République du Cameroun.

Postscriptum

Et vint un président de la République citoyen !

Un jour du mois d’octobre 2018. Assemblée nationale. Il pleut des cordes. Un nouveau président de la République vient de prêter serment. Il brave la pluie et sort de l’hémicycle. Sous la pluie, à pieds, des femmes chantent, dansent et chantent encore de plus belle la fin du Renouveau ; de ses tares et ses travers. Elles sont comme dopées, délivrées de la captivité du Renouveau. Très enthousiastes, des jeunes gens exultent de joie, s’échinent à assurer la sécurité et le protocole du nouveau chef d’Etat. Aucune trace du Bir, de la garde présidentielle, ni de la garde rapprochée ; des stratégies de mystification, d’endurcissement, de conservation et de sécurisation du pouvoir, connues sous l’ancien régime. Sur l’itinéraire qui conduit au palais de l’unité, le peuple camerounais, hors de lui célèbre avec de ferveur, l’arrivée d’un nouvel homme à la tête du pays. Un nouveau contrat social, doublé d’un pacte de confiance lie les Camerounais aux institutions et aux Hommes qui les incarnent. C’est le début de la IIème République. Dans son discours d’investiture, le nouveau président de la République, élu au terme d’un suffrage à la fois loyal et transparent trace une nouvelle voie ; explique comment il entend faire de la gestion des hommes et de la République, le ciment de son mandat à la tête de l’Etat.

Lorsqu’il annonce que la nouvelle gouvernance sera marquée par le sceau de la solidarité, l’empreinte de l’assainissement, la moralisation de la fortune publique et la bonne dépense, la joie est grande. Personne dans la foule, ne piaffe d’impatience. Le nouveau locataire d’Etoudi, affirme, affiche sa détermination et un devoir d’exprimer à ses compatriotes, avec solennité, sa reconnaissance au peuple camerounais. Il martèle sur l’option de transformer les programmes (annoncés dans ses discours de campagne), en des projets opérationnels viables et visibles. Le nouveau président de la République signale sa détermination à instaurer un plan Marshall pour le système éducatif camerounais ; par la mise en place d’un comité de sauvetage de l’école camerounaise.

A le croire, le développement et la modernisation de cette école qui doit relever de la responsabilité et de la charge de l’Etat (qui ne doit sous aucun prétexte se dérober), passe en urgence ; avant toutes les autres sollicitudes quelques fois ou trop souvent «frivoles». Le nouvel homme fort d’Etoudi, exprime la nécessité d’affranchir le pays en le sortant du collimateur colonial ; de 33 années de dérive managériale, 33 années d’abandon de souveraineté; 33 années de violations flagrantes de la Constitution, 33 années de violations flagrantes des droits élémentaires des citoyens et des libertés. Il s’engage à tordre le cou : aux crimes rituels, aux assassinats non élucidés des intellectuels ; aux désastreuses régressions sociales. Il s’agit pour le nouveau président, d’inventer une nouvelle République qui fait de la justice sociale, l’équité et la juste répartition des fruits de la croissance, l’empreinte de la nouvelle gouvernance. Passé le temps des cérémonies d’investiture, le nouveau président de la République se met effectivement au travail. On le voit dans les couloirs des marchés, discuter, échanger avec les revendeuses, les «bayam-sellam» ; dans les grandes surfaces et les rayons de commerce, il fait des emplettes ; s’arrête un moment pour échanger avec des tiers sur la marche de la société, sur les perspectives. Il descend dans les Universités, les collèges et lycées ; échange avec son peuple ; renforce la proximité avec ses compatriotes. Il inaugure une nouvelle ère des rencontres régulières et permanentes avec la presse nationale.

Fait spectaculaire. Le nouveau président instruit, par le biais d’un décret, l’ouverture tous les 10 février, à la veille de la célébration de la fête de la jeunesse, les portes du palais de l’unité, aux représentants de toutes les couches sociales de la jeunesse. Il promet qu’à cette autre occasion de rencontre avec sa jeunesse, il sera amené à puiser dans les différentes résolutions pour écrire son discours à la jeunesse. Force des choses ; la roue de l’histoire, le palais de l’unité, devient le palais du peuple. D’ici là, on voit des jeunes scander au cours d’un échange amical avec le nouveau président de la République: « Grand cop’s ! Camarade !!!, c’est toi qu’on attendait ». Et si ce rêve de tout le peuple camerounais désormais à la recherche d’un président citoyen devenait réalité… Miracle.

Auteur: Souley ONOHIOLO