De plus en plus consciente des enjeux futurs du Cameroun, le régime Biya et ses entregents durcissent les méthodes de discréditation de certains acteurs politiques proches ou éloignés des milieux d’affaires ou politiques. Dans une volonté de faire croire que ces derniers n’ont aucune solution pour l’avenir, la réflexion d’un choix judicieux, vient d’être élaboré avec des exemples à tirer du passé par Eric Kennedy Foyet ; un jeune acteur politique engagé.
Le traître et l’espion dans la scène politique camerounaise : entre mythes et réalités.
Redoutés dans toute lutte sérieuse pour la liberté et le changement réels, l’espion et le traître hantent les esprits de tous les leaders politiques engagés dans une démarche politique ou révolutionnaire ayant de surcroît un ferment idéologique cohérent et pertinent en Afrique depuis la période de luttes plus ou moins violentes pour l’accession à l’indépendance des années 60. L’issue de la plupart de ces batailles politiques, géostratégiques et militaires fut souvent tributaire des actions et contre-actions d’acteurs de l’ombre appelés vulgairement « traîtres » pour les uns et espions pour les autres.
Sur le plan politique ou de l’idéologie révolutionnaire, le traitre est l’acteur majeur interne qui a renié ses convictions et qui, par parjure, a trahi la cause commune en se livrant ou en la livrant à l’ennemi. L’espion quant à lui, est souvent un acteur exogène chargé d'épier les idées, actions, et plans d’une organisation pour en faire un rapport destiné à un adversaire ou à un ennemi dont il est au service.
Ces deux types d’acteurs « politiques » ont fortement et négativement marqué le destin de l’Afrique et du Cameroun dans leurs trajectoires et leur destins politiques, face à la domination impérialiste, coloniale et néocoloniale occidentale jusqu’à nos jours. Leur rôle était pensé, construit et leurs actions fortement ou symboliquement rémunérées par la puissance dominatrice afin de sauvegarder ses intérêts, au détriment de ceux des peuples en lutte pour la liberté et l’indépendance réelle. Pour le cas du Cameroun pendant la grave période de luttes nationalistes, le colon français Humbert, donnant des instructions à ses subordonnés coloniaux disait : « La meilleure action que nous puissions avoir, c’est de susciter des oppositions africaines et de rendre la vie impossible aux meneurs upécistes en leur opposant des Africains décidés et énergiques ». Puis vint cette « indépendance », sans les Upécistes qui la réclamaient, mais avec ces « Africains décidés et énergiques » qui nous gouvernent aujourd’hui, dans le prolongement d’un néocolonialisme non seulement abject et déshumanisant, mais aussi stupide qu’anachronique. Ahmadou Ahidjo et son héritier Paul Biya (chacun avec sa touche personnelle) et leurs semblables de tout bord sont les plus fervents tenants de la pétrification coloniale de nos mentalités et de nos êtres, près de 60 ans après cette « indépendance ».
Sauf que l’histoire du Cameroun fait semblant d’avancer, avec le temps, mais pas avec les paradigmes qui marquent la trajectoire des nations combattantes, libres et modernes. Pourtant on pensait que tout le monde avait retenu la leçon et que le retour au multipartisme et à une certaine démocratie annoncée dans les années 1990 à la faveur du vent d’Est, allait produire d’autres acteurs politiques plus frais et moulus aux idéaux de changement et de liberté. Le miracle a failli se produire. Mais l’ennemi veillait au grain. Le peuple fut une fois de plus dépouillé de son pouvoir et de sa liberté, sur l’autel d’une démocratie sur commande, dénaturée et vidée de son sens et de ses contenus les plus symboliques. Et c’est à cette époque cruciale que le marché des espions et surtout des traîtres à la cause nationale camerounaise fut le plus prospère et prolifique. Plus riche en acteurs et commanditaires de tout acabit, ils sont désormais connus et reconnus, récompensés et méprisés, intelligents et stupides, heureux ou malheureux, morts ou vivants. L’histoire leur tissera une couronne de traitre ou d’espion. Là n’est pas le problème.
Le changement face à la crise de l’espionnite dans l’opposition camerounaise.
Le vrai problème depuis le retour au multipartisme et à la « démocratie » modèle Renouveau, est cette activité de plus en plus florissante à laquelle se sont reconvertis de nombreux acteurs politiques camerounais ou supposés tels. Leurs cerveaux et leurs laboratoires sont devenus des lieux extraordinaires de création, de fabrication et de production des espions et des traîtres d’un type nouveau. La manœuvre globale consiste à discréditer de façon systématique tous les potentiels acteurs réels de changement qui pourraient à terme mettre en difficulté le régime du grand maître Paul Biya. Ils ont infesté tous les partis politiques de l’opposition, les organisations sérieuses de la société civile combattante, les syndicats professionnels sérieux. Il ne s’agit pas des services de renseignements officiels ou traditionnels à chaque Etat, même des républiques bananières des tropiques noires. Le régime de Paul Biya, dans toute sa splendeur et sa relation fusionnelle avec le pouvoir est souvent derrière tous ces acteurs qui reçoivent, comme des misérables chiens, les miettes tombées des tables des festins plantureux de leurs maîtres. C’est à cela qu’a servi aussi la paupérisation programmée de l’élite camerounaise, afin de l’abrutir dans une logique pavlovienne. La situation ressemble à celle que R. Gary décrit dans la Promesse de l'aube :« …l’espionnite commençait à sévir, comme dans tous les organismes sociaux malades, et chaque fois qu'un soldat polonais allumait une cigarette, on l'accusait immédiatement d'échanger des signaux lumineux avec l'ennemi ».
Din Dika Akwa, de regrettée mémoire, acteur politique influent contre le régime de Paul Biya des années 1990 en sait quelque chose dans le « crépuscule » de sa tombe. Il a été politiquement liquidé pour trahison et espionnage à la tête de la Coordination de l’opposition camerounaise pendant les années de braises. Ne vous avisez pas de vivre un peu décemment parce que, d’après les « fabricants » de l’espionnite mal ficelée, opposition rime avec pauvreté dans leur tête. Ne vous avisez pas de partager une table avec un ministre du Renouveau, de prendre le taxi avec un militant même anonyme du RDPC, d’avoir un voisin qui est le cousin du président du Comité de base RDPC de Mouloundou ou de Pitoa. Ne vous avisez surtout pas de gagner un marché public ou de laisser votre enfant être admis dans une grande école de formation de type Enam ou Emia, ce qui est d’ailleurs rare quand vous êtes identifié et fiché comme « opposant ». Là, vous êtes dans l’hérésie la
plus insoutenable. Vous êtes cuit si vous avez de fermes visées politiques qui vont dans le sens du bouleversement de l’ordre établi ou du régime en place à Yaoundé. Mais le mouvement inverse est peu visible dans le sens où on verrait les organisations politiques et civiles de l’opposition infiltrer le RDPC pour le fragiliser comme on aurait pu le penser. Ceci n’est plus envisageable avec une approche aussi manichéenne. Plus il y aura de traitres, réels ou supposés en particulier dans cette opposition d’épouvantails, mieux ça vaudra pour le système en place. Adolf Hitler était un génie dans cet art de créer dans les camps adverses des traîtres imaginaires pour semer dans les esprits des doutes liés à des menaces internes parfois suicidaires. La plus grande victime de sa manipulation grandiose fut Joseph Staline (et son URSS). Dès les années 1936, Staline engagea les fameuses purges staliniennes, décapitant les ¾ de l’Etat-major de l’armée soviétique, massacrant ses concitoyens et faisant plus de victimes dans son pays que l’ennemi allemand pendant la 2ème guerre mondiale. Il avait été plongé dans une crise d’espionite qui le rendit complètement schizophrène, voyant les espions et traitres partout et les liquidant avec une férocité indicible. Il ne comprit que trop tard que c’est Hitler qui manœuvrait depuis son bunker berlinois pour le fragiliser de l’intérieur avant d’attaquer l’URSS dans son programme pangermanique de la 2ème Guerre mondiale. C’était sans doute de bonne guerre, mais de grâce, depuis lors nous n’avons plus envie de vivre ou de voir cela.
Dans notre contexte, les personnes, souvent prétendument proches, qui vous « vendent » ne savent rien de vous, ne présentent aucune preuve de leurs allégations tendancieusement accusatoires. Si vous êtes en plus compétents et crédibles, le niveau de délation et de calomnie prend des proportions inouïes. Le MRC d’Alain Fogué Tedom (où est-il passé ?) est une parfaite illustration de ce que vivent les partis politiques dits de l’opposition au Cameroun. Les apparences sont bien trompeuses. Le SDF et l’UNDP étaient déjà passés par là avant. Mais la faute n’est pas toujours au RDPC qui manœuvre pour déstabiliser ses adversaires politiques. L’Upc version Elysée, le plus grand laboratoire d’espionite, ne sera plus l’UPC sans ses « traîtres » et « espions ». Là bas, c’est une vraie phobie doublée de névrose collective! La plupart des responsables et dirigeants des partis politiques et des forces du changement (organisations de la société civile) nourrissent des complexes étonnants et détonants de curiosité. Ils redoutent les esprits libres et bien pensants, tremblent devant la critique, se prennent pour des génies qui n’ont plus rien à apprendre des autres dès qu’un récépissé leur est délivré…Ils se nourrissent et vivent lamentablement des ragots les plus sordides, des informations invraisemblables que leur modèle de management personnel et politique empêche systématiquement d’analyser, d’interroger ou d’évaluer. Le déficit de formation politique et idéologique, savamment entretenu par la plupart des leaders des partis politiques de l’opposition (qui ne supportent pas de voir émerger des véritables cadres), laisse croitre et alimente autour d’eux cette cohorte de médisants mouchards et lèche-bottes sans relief. Ceux des leaders qui ont un peu d’argent se prennent alors pour des nababs subitement bien pensants. 60 ans après, nos hommes politiques ont du mal à s’inspirer de Ruben Um Nyobé disant le 29 avril 1957 que : « la direction d’un grand mouvement ne peut prétendre être exempte de critiques. Il serait donc insensé de prétendre que des militants de notre mouvement n’ont pas de critiques à formuler à l’égard soit de toute la direction, soit d’une fraction de celle-ci. » Um Nyobé s’en est allé trop tôt. Mais il reste l’homme politique nationaliste, visionnaire, patriote et républicain le plus accompli que le Cameroun ait jamais connu. Ses héritiers
politiques sont aux abonnés absents, trop « affamés » et sans épaisseur. On compte au Cameroun de Paul Biya plus de 300 autres « partis politiques » « d’opposition », fabriqués de toutes pièces, avec à leur tête des « des Africains décidés et énergiques » chargés de « rendre la vie impossible » aux patriotes et républicains camerounais. Pas besoin de les démasquer ou les citer.
Bientôt le temps de la vraie politique
Au demeurant, être « opposant » au Cameroun jusqu’au 21ème siècle signifie-t-il perdre sa citoyenneté, ses droits civils, économiques et sociaux, son voisinage, ses amours ? Encore qu’être « opposant » ne saurait être un statut ou une fonction politique dont on devrait se gargariser dans un pays normal. C’est une autre histoire compliquée si Ni John Fru Ndi, Ekani Anicet et les autres du même âge en ont fait leur métier et semblent en vivre grassement, sous l’œil bienveillant, affectueux, vigilant et amusé de l’éternel maître d’Etoudi. Le marché est conclu et tout le monde connaît le prix. Mais encore ses « opposants » se déchirent entre eux pour ces miettes, au point de solliciter parfois l’arbitrage du RDPC qui se frotte les mains et les prend en pitié, tandis que le peuple cherche désespérément ses porte-flambeaux. En réalité, comme le disait Ch. Péguy dans Notre jeunesse : « Le véritable traître, le traître au sens plein, au sens fort, au sens ancien de ce mot, c'est celui qui vend sa foi, qui vend son âme, qui livre son être même (…) qui trahit sa mystique pour entrer dans la politique (…) » Moi je dis que la politique est une chose très sérieuse pour être laissée ou abandonnée entre les mains des charlatans, fussent-ils agrégés des plus prestigieuses grandes écoles sous l’arbre où on apprend plus à voler, à tricher, à baisser la tête ou la culotte qu’à imiter un étudiant japonais ou anglais ordinaire. La jeunesse va prendre les choses en main, sans considération de bord politique, d’ailleurs factice et on pourra enfin faire de la politique au Cameroun. Elle ne va plus nous faire !