Ernest Ouandié avait refusé qu’on bande ses yeux
Avant de perdre la vue, j’ai eu la chance de voir jusqu’à mes 15 ans. Ce que j’ai vu en 1963 hante encore ma mémoire. Ce jour-là, à Bafoussam, ma grand-mère m’avait confié un sac à remettre à ma tante. Ce que j’ai découvert en chemin au « carrefour Maquisard »dépasse l’horreur : les têtes de nos compatriotes, exposées par les colons et leurs complices locaux, pour nous terroriser à jamais.
Ce traumatisme, profondément ancré en moi, n’a jamais cessé de me hanter.
Je revois encore ces avions qui, sans relâche, bombardaient la région Bamileké, nous condamnant à fuir, à passer d’innombrables nuits en brousse. Je me souviens de l’humiliation des laisser-passer qu’on nous imposaient comme si nous étions des étrangers sur notre propre terre.
Face à cette violence impitoyable, face à cette volonté écrasante de domination coloniale, de jeunes nationalistes camerounais se sont levés. Ils ont combattu avec bravoure, prêts à tout sacrifier pour notre liberté.
Parmi eux, Ernest Ouandié ! Un fils digne de la nation, un combattant de l’honneur qui n’a jamais failli, qui n’a jamais trahi le combat.
Je n’oublierai jamais le jour de son exécution à Bafoussam le 15 janvier 1971. Bien que privé de la vue, j’y étais et je garde en moi chaque instant de cet événement, gravé à jamais dans mon engagement.
Ernest Ouandié avait refusé qu’on bande ses yeux . Il avait choisi affronter la mort !
Aujourd’hui, insulter sa mémoire, la souiller de la sorte, est une offense impardonnable. Nous ne pouvons l’accepter. Nous ne devons pas l’accepter.