Les leçons des récents attentats de Maroua et de Fotokol

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Fri, 24 Jul 2015 Source: Ndjama Benjamin

n double-attentat a frappé Mercredi 22 Juillet la ville de Maroua. Les auteurs étaient deux jeunes filles de moins de 15 ans qui faisaient la mendicité. L’une s’est faite explosée au quartier Barmaré et l’autre à l’entrée du marché central.

Ces deux attentats ont fait 13 morts et 32 blessés. Il s’agit du deuxième double-attentat en 10 jours. Le 12 Juillet deux femmes Kamikazes faisant la mendicité s’étaient faites exploser à Fotokol tuant 13 personnes dont 10 civils.

Que nous enseignent ces attentats ?. On constate d’abord qu’ils obéissent au même mode opératoire. Dans les deux situations, celle de Maroua comme celle de Fotokol on a eu droit à un double-attentats et à chaque fois les deux attentats sont commis à intervalle de quelques secondes. Les auteurs sont des femmes. A Fotokol comme à Maroua elles font la mendicité.

Les femmes Kamikazes sont souvent les femmes des combattants, elles se donnent la mort pour venger un mari tué aux combats. Elles rêvent aussi comme les hommes de mourir en martyr. Le recours à des femmes kamikazes a été fréquent ces derniers mois. Une femme

s’est donnée la mort à l’Etat de Gombe au Nigeria ;une fillette de 7 ans s’est faite explosée à Potiskun…Il faut s’attendre à voir prospérer ce mode d’action.

Nous entrons dans une nouvelle configuration de la guerre contre le Boko Haram. Le mouvement islamiste a d’abord cherché des corps à corps tels qu’on les observés dans ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui la grande bataille de Fotokol. Nous avons assisté à un face à face entre deux armées belligérantes. Il a donné lieu pendant la période allant du 25 Août au 21 Septembre 2014 à de multiples assauts au cours desquels l’organisation djihadiste mobilisait des centaines de combattants.

Elle a tenté pendant l’un de ces assauts de détruire le pont qui traverse la rivière sur la frontière entre le Nigeria et le Cameroun. Cette attaque fut sans succès et les soldats camerounais parvinrent à prendre le contrôle du pont.

Les multiples incursions du mouvement terroriste se sont soldées par de lourdes pertes en vies humaines. Le groupe terroriste y avait essuyé des dommages considérables. L’armée camerounaise a triomphé de ces affrontements non sans y perdre plusieurs soldats. Nous sommes sortis victorieux de ces corps à corps parce qu’ils correspondaient aux schémas d’une guerre classique où le vainqueur est supposé être le plus puissant militairement.

Le Boko haram a essayé par la suite de multiplier la forme de ses interventions. Il infiltrait le territoire camerounais pour voler du bétail, pratiquer des enlèvements…les djihadistes ont subi pendant les présidentielles nigérianes et au lendemain de celles-ci de sérieux revers. On a parlé d’innombrables pertes en matériels et en vies humaines, de territoires conquis qu’ils devaient finalement abandonnés. On a cru que le mouvement islamiste vivait l’enlisement. On a même cru que la guerre allait vers sa fin. Le

président Buhari qui prenait les commandes du Nigeria en déclarant des les premières heures le besoin d’en découdre avec les terroristes, récoltait en période d’état de grâce les bénéfices politiques de ce déclin apparent du Boko haram. On constate à posteriori, qu’il ne s’agissait pas tellement d’un déclin, mais vraisemblablement d’un repli stratégique dont la fonction était d’endormir un peu ses adversaires, et de resurgir par la suite en essayant désormais d’évoluer sur un nouvel angle d’attaque par lequel le mouvement terroristes infiltrerait les populations, s’y installerait, et essayerait de multiplier les attentats.

Les auteurs de ces attentats viennent-ils du Nigeria, ou vivent-ils depuis un certain temps à l’intérieur du pays. Nos forces de sécurité ont le double défi de mieux surveiller les frontières et d’accroître le travail de veille policière à l’intérieur du territoire national. Le terroriste qui pourrait nous frapper la prochaine fois, ne traversera peut-être pas la frontière, il se pourrait qu’il habite déjà le pays. Avouons que tout ceci est un peu perturbant, angoissant et destabilisant. On disait l’islam d’Afrique noire tolérant. Tout ceci ne devrait pas nous concerner. Le Cameroun n’est pas comme la France ou les Etats-Unis le terrain d’un conflit de civilisations. Il faudra s’attendre à voir le Boko Haram multiplier des assauts sur le mode des attentats.

Cette guerre sera peut-être longue et difficile. Elle aura sur les populations un coût considérable en termes de surveillance accrue sur la vie personnelle, de restriction des libertés. Les contrôles systématiques des personnes et des véhicules vont s’intensifier.

La force régionale mise sur pieds attaquera les islamistes sur le terrain de la guerre classique. Or ces derniers tenteront de diversifier les cartes, les terrains de combat, les modes opératoire, les modes de présence. Ils vont se fondre dans la population et deviendront de plus en plus insaisissable

Auteur: Ndjama Benjamin