J’ai toujours été amusé quand des soi-disant politistes prétendent donner des leçons sur l’Etat à un Economiste. Ils oublient que l’Etat, c’est d’abord et avant tout une machine économique. Les débats politiques, ce sont essentiellement des débats sur la manière de produire et de distribuer les biens produits. Un système politique, ce n’est pas simplement l’emballage juridique qui accompagne l’Etat et que tout le monde voit, mais surtout une manière de produire et de distribuer les biens produits.
La politique dans un pays, c’est essentiellement le budget : comment le collecter, comment le répartir, à quelles fins ? Et ce n’est pas pour rien que tous les systèmes politiques sont d’abord et avant tout des systèmes économiques, conçus par des Economistes dont ils se réclament d’ailleurs ouvertement : marxisme, communisme, socialisme, libéralisme, social-libéralisme, tout cela exprime des options économiques et se justifie par des analyses économiques.
Même au Cameroun, le problème de l’Etat n’est pas le bavardage des politiciens, ni des partis politiques, mais bel et bien les choix économiques pour développer le pays, et les bagarres réelles qui se passent pour des emplois publics, des positions de pouvoir, des infrastructures et des rentes de situation. Quand des Camerounais prétendent venir faire la bonne politique, ce n’est rien d’autre qu’une manière de dire comment ils viendront gérer les 4.500 Milliards que l’Etat collecte, et éventuellement, comment organiser les choses de manière à ce que le budget augmente et que la population soit satisfaite.
Quand je dis qu’il faut fédéraliser, je ne suis pas comme ces bavards qui viennent répéter des leçons apprises dans les livres de droit étrangers pour paraitre savants, mais simplement parce que j’étudie le Cameroun en Economiste, simulations à l’appui. Je ne regarde pas ce que tel a dit, et je me fiche des auteurs comme d’une guigne, car je suis un intellectuel libre, et non un adorateur de momies.
Et de quelque manière qu’on le prenne, la Fédération est le meilleur système au Cameroun à tout point de vue :
-elle segmente l’Etat en deux niveaux, et les Etats fédérés deviennent des institutions spécialisées pour chaque région. Or la spécialisation est un puissant argument d’efficacité et de compétitivité : le cycle de décision est plus court et les responsables rendent compte aux bénéficiaires qui peuvent réagir instantanément et els sanctionner ;
- elle concasse une bureaucratie incontrôlable dont le Gouvernement lui-même ne connaît pas l’effectif et ne maîtrise pas les coûts de gestion. Il s’agit d’une jungle qui constitue un ulcère sur la Nation par où s’égoutte toute sa substance productive : improductive, inefficace, corrompue, incontrôlable. Et surtout, parasitaire : le Cameroun consacre 1.200 Milliards de FCFA pour les charges salariales pour environ 300.000 agents publics, ce qui correspond grosso modo à un salaire net moyen mensuel de 320.000 FCFA. Dans ces conditions, on devrait avoir au moins 50% d’agents publics gagnant 280.000 FCFA. Or, il n’y a pas 10% qui atteignent ce montant, preuve que le système ne fait qu’alimenter une petite poignée d’individus qui prennent à eux seuls au moins la moitié des ressources ;
-elle régule les relations intercommunautaires et réduit les tensions sociologiques du système qui rejaillissent sur le plan économique ;
-elle empêche le Libanisme, technique consistant à assurer la représentation des Communautés dans l’Etat à partir des techniques bancales et incohérentes comme l’équilibre régional, les listes sociologiques, les minorités, les autochtones, etc.
-elle empêche la création d’une pieuvre tentaculaire qui aspire la Nation, et dont la tête est un Pharaon qui peut tout, y compris engager le pays dans un endettement extérieur irrationnel sur des secteurs sociaux, comme la loufoque distribution des ordinateurs aux étudiants, sans compter d’autres crédits inexplicable dans pour des fins politiques ;
-elle maintient la présence de l’Etat dans le secteur productif, car si l’Etat central obéit aux règles de ses maîtres occidentaux que sont le FMI et el Banque mondiale, ces injonctions ne s’appliquent pas aux Etats fédérés qui peuvent parfaitement investir ;
-elle limite les Sécessions, car l’Etat Fédéral est peu visible et peu vulnérable contre les agressions, et ce qui est renforcé par la grande légitimité des autorités locales ;
-elle limite l’interférence des pays étrangers dans la gestion du pays, non seulement parce que l’Etat central n’a que des missions limitées, mais aussi parce que le pays n’aurait pas été obligé de vendre ses entreprises aux Etrangers lors de la crise économique ;
-elle constitue la base de la construction africaine, car en segmentant l’Etat national en Communes, Cantons, Etats Fédérés, Etat fédéral, elle rend facile son extension en lui ajoutant deux autres niveaux plus élevés, à savoir la Confédération de la CEEAC et l’Union Africaine. Il est évident qu’un Chef d’Etat qui refuse de céder une part de son pouvoir à ses Régions qu’il peut contrôler au ne peut pas, a fortiori, le céder à des entités supraétatiques qu’il ne peut pas contrôler. C’est donc un sophisme que de dire que la Fédération s’oppose à l’Unité africaine, bien au contraire ! La fédéralisation du pays est liée à l’intégration africaine, car les deux sont les facettes d’un même processus : délester l’Etat central de son pouvoir ;
-etc.
Les Politistes et assimilés n’ont pas les moyens techniques pour mener des analyses sur la forme de l’Etat et ses impacts sur la société. Ce n’est pas parce que les Economistes africains manquent de courage pour traiter du problème qui relève très clairement de la Macroéconomie. Encore qu’ils le font pour l’Etat Fédéral Africain, abandonnant le cas de Etats nationaux aux politistes, on ne sait pourquoi.
Qu’est-ce qu’un politiste peut bien dire de fondamental sur la forme d’un Etat à un Economiste ? Rien du tout ! Il n’a pas les instruments d’optimisation et n’est même pas capable de tenir un débat technique sur la forme de l’Etat ! Quand il est coincé, il se rabat en citant tel ou tel auteur étranger. Qu’es-ce que les auteurs étrangers peuvent apporter au Cameroun ? pas grand-chose ! Les pays pour lesquels ils ont fait leurs analyses n’ont pas de Betis, de Bamileke, de Foulbé, de Bamoun ou des Bakweri. Comment leurs analyses peuvent-elles être adaptées au Cameroun ?
Dans les pays plus évolués, les Politistes ne s’opposent aux Economistes : ils utilisent leurs travaux comme des intrants.
La Forme de l’Etat, c’est d’abord et avant tout l’affaire des Economistes. C’est eux et eux seuls qui peuvent dire que dans tel contexte, voici la forme la plus efficace. Juristes et politistes mettent cela en forme : techniquement, ils n’ont rien à dire sur les débats de fond.