Le cas qui illustre le mieux la «justice des vainqueurs» est immanquablement celui de l’administrateur civil Moudio Hildina qui occupait, au moment du putsch, le poste de premier adjoint préfectoral de Mbalmayo.
Il avait été reversé dans la préfectorale en 1983 après la dissolution de la Primature où il avait exerçé les fonctions de chef de service Intérieur, autrement dit intendant du Premier ministre.
C’est Bello Bouba Maïgari, alors patron des lieux, qui l’y avait nommé à sa sortie de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam) en 1982.
Moudio Hildina avait fait contre mauvaise fortune bon coeur, lui qui chérissait la vie des chefs de terre avec ses grandes résidences, ses facilités. C’est dans un environnement similaire qu’il avait passé une partie de son adolescence. Alors la préfectorale ? Tout son rêve ! Le coup d’Etat du 06 avril le trouve donc en poste à Mbalmayo, ville qui accueille le procès des présumés putschistes du 27 au 30 avril 1984.
Dans le contingent des personnes jugées et condamnées, figurent nombre d’amis et camarades de classe. Quand la décision est prise par les autorités de passer par les armes, à Mbalmayo, le 1er mai 1984, tous ceux qui avaient été jusquelà condamnés à mort, Moudio Hildina est tenu, en sa qualité de premier adjoint préfectoral, d’assister à l’exécution. 37 personnes (connues) avaient été condamnées au cours des procès marathon, mais seulement 36 répondront à l’appel.
Le sergent Abou Katil ayant été retrouvé mort avant l’heure fatidique. Selon la version officielle, il s’était suicidé pour ne pas avoir à affronter l’inéluctable sanction suprême qui l’attendait. Mêlé aux officiels, Moudio Hildina assiste à l’exécution. Tant de corps amis tombent sous les balles.
Aton perçu une once de regret dans son regard ? Toujours estil qu’il est arrêté quelques heures plus tard, jugé pour «apologie du putsch et faiblesse émotionnelle » et condamné à deux années de prison.
Son préfet de l’époque, il est vrai, avait déjà savonné la planche de son subalterne dans l’ambiance de la délation du moment. Dans un rapport à sa hiérarchie, il l’avait accusé de s’être fort exclamé à l’annonce de l’échec du putsch…
A la prison de Kondengui où il est interné, l’administrateur civil ne supporte pas le régime de diète qui lui est imposé. En 1986, année supposée de sa libération, il est maintenu en détention.
Paralysé parce qu’ayant perdu l’usage de ses membres, amaigri, sans soins, c’est une loque humaine qui est admise à l’hôpital de la garnison militaire de Yaoundé, au début du mois… d’avril 1989.
Les médecins concluent très vite que son état est désespéré et ce n’est que pour cette raison que sa famille est priée de venir le récupérer. Son grand frère, Aga Hildina, alors commandant dans l’armée, le ramène à son domicile où il décèdera le 11 avril 1989.
L’aîné ne se remettra jamais de la mort de son petitfrère. Ses facultés mentales en seront grandement affectées et c’est dans une grande tristesse qu’il mourra quelques années plus tard.