C’était il y a plus de quarante ans. Il poussait ses premiers cris à Ngodi Bakoko, un village broussailleux du 3eme arrondissement de la capitale économique. Ses parents marqués par cette naissance particulière lui donnèrent le nom de «Betansedi», les miracles en langue Duala. Dans son état civil, le bébé est appelé Dipoko Songue Pierre Betansedi.
Si sa naissance a été assimilée à un miracle, ses actions n’en sont pas moins. A lui seul, ce fils Bakoko est président d’une dizaine d’associations, socio-économique, culturelle et politique, parmi lesquelles le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais(Rdpc), parti au pouvoir. Côté affaires, le jeune opérateur économique est le président Directeur Général des Ets Dipoko et Fils, une entreprise qui fait des prestations de service dans les domaines de l’immatriculation, le lotissement, la maintenance informatique. L’un de ses clients de poids, c’est le Port Autonome de Douala.
Jusque-là, le président Dipoko, comme l’appellent sympathiquement les proches, gagne beaucoup d’argent et dispose d’un carnet d’adresse respectable. Mais, c’est grâce à la musique que l’homme se révèle au grand public. « Ma seule distraction, c’est la musique », lance-t-il tout souriant. Et la musique le lui rend bien car au détour d’une prestation musicale, il tombe sur le show des artistes Guillaume Tell et Axel Muna.
Il est bercé par leurs chansons ; eux, sollicitent son aide pour revenir sur scène. Quelques mois plus tard, Guillaume Tell et autre Peugeot Bebey font partie des premiers éléments des écuries «Club Avenir» de Ngodi Bakoko, une structure de production montée par Dipoko Songue Pierre Betansedi.
Ici, on trouve des musiciens et des comédiens qui doivent simplement apporter de bonnes maquettes pour être produits. Le Club Avenir comme son promoteur étend ses tentacules. Il fait également dans l’évènementiel. Il procure de la joie à la dynamique population de Ngodi Bakoko dont une partie vit des travaux champêtres aux alentours des domiciles privés.
En 2009, Dipoko Songue épaulé par Monsieur Nana Adamou, président d’une Ong humanitaire, étudie les voies et moyens de doter son village d’un centre d’Etat Civil. A l’époque, environ trois mille âmes peuplent ce territoire de près de huit cent quatre-vingt hectares. La doléance soumise à Marafa Hamidou Yaya, Ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation, est acceptée. D’autant plus qu’elle mentionne l’éloignement des populations du centre principal situé à une dizaine de kilomètres. En 2014, le centre secondaire d’Etat civil de Ngodi Bakoko voit le jour. Dipoko Songue est nommé officier. Et les contestations jaillissent.
«Même quand vous voulez quelque chose pour votre village, il y a toujours des gens qui ne sont pas d’accord ; mais nous ne regardons pas en arrière. Nous voulons aller de l’avant», dit-il avant de témoigner d’un ton administratif : « l’Etat a bien voulu rapprocher l’administration de ses administrés ».
Le fils du village dit avoir épargné les populations des tracasseries, agressions et accidents dont elles étaient souvent victimes sur le chemin vers la mairie de Douala 3eme. Bien que les actes soient gratuits, l’officier d’Etat civil qui a pris part du 3 au 5 août 2016 à Yaoundé à un atelier sur les goulots d’étranglement du système d’Etat civil, constate que les usagers ne font pas leurs déclarations de naissance et de décès à temps, et que certains parents ont peur d’aller au tribunal pour faire le jugement.
Par ailleurs, il relève que l’atelier a abordé les sujets comme le salaire des officiers, l’absence des registres dans les centres d’Etat civil secondaires, les délais de déclarations, etc. Dipoko Songue Pierre Betansedi est devenu un homme à tout faire, célèbre, fortuné qui avait pourtant des arguments pour exercer les métiers du bois.
Il avait, dit-il, le don de l’électronique mais c’est grâce au bois que le jeune Dipoko a décroché avec brio son baccalauréat option métiers et bois, puis un Brevet de technicien supérieur quelques années plus tard. En fait, il dit revoir à l’électronique lorsqu’il échoue au concours d’entrée au Cetic d’Edéa. Comme un appel du destin, le jeune adolescent se rabat sur la SAR de la même ville pour faire menuiserie, sur les traces de papa, menuisier en service à la mairie d’Edéa.
Dès la première année, il obtient quinze de moyenne. «J’ai toujours eu des tableaux d’honneur quand j’étais à l’école», se réjouit avec un sourire gras le jeune polygame à la progéniture nombreuse, l’humour contagieux et les projets pleins la tête.