Lettre à Paul Biya sur l'affaire des 700 millions FCFA

Paul Biya Paulbiya Présidentcamerounais Le président camerounais, Paul Biya

Mon, 17 Jul 2017 Source: Minouche NANA

Monsieur le Président, je suis une voix dans la nuit et je vous écris une lettre, que vous lirez peut-être (dans votre palais d’Etoudi), si vous en avez le temps. Le temps qui lui s’écoule depuis de longs mois pour deux prisonniers . Ceux de qui Je veux aujourd’hui vous parler, prisonniers qui n’ont jamais été jugés. Deux journalistes qui ont été interpelés suite à une "affaire de fausse facture de 700 millions FCFA".

Il ne m’appartient pas naturellement de décider du bien-fondé des faits qui leur sont reprochés. Sont –ils fautifs ou pas ? Mon propos n’est pas là. Ils crient à l’arrestation abusive en dénonçant une détention arbitraire, fomentée par des magistrats qui auraient des intérêts personnels à les priver de liberté depuis plus de 13 longs mois. Est-ce seulement une impression ?

Est-ce la réalité ou une théorie du complot infondée ? Faire taire les critiques, se situer clairement dans le cadre d’un Etat de droit nécessitent que la justice soit rendue. On pourra toujours être d’accord ou pas avec le déroulement d’un procès, un jugement qui sera rendu, mais au moins les faits seront examinés et les accusés entendus. Monsieur le Président, trop de nos compatriotes attendent en prison de longs mois et même parfois des années avant de pouvoir être jugés. En permettant qu’enfin les procès se tiennent pour David Eboutou et Patrick Sapack et pour tous les prisonniers sans sentences du Cameroun, en faisant que la justice passe avec clémence ou sévérité. Monsieur le Président vous redonnerez, au moins pour partie, foi dans nos institutions.

Vous savez combien le silence est complice.Et la morsure du destin est telle qu'une femme que je suis ne peut qu'être touchée par de telles violations des libertés individuelles. Car, je pense aux compagnes et aux familles de victimes, elles-mêmes victimes collatérales de situations qu'elles n'ont pas choisies.Thomas Sankara disait hier dans un documentaire sur LCP, qu'un chef d'Etat devrait pouvoir gérer la joie de ses compatriotes pour que chaque fois, il n'y ait pas de tristesse sur leurs visages.Parler à chacun de ce qu'il veut; je vous parle de 25 millions de discours adaptés à chaque Camerounais. 25millions de cas par cas. Regretteriez-vous la mort de ces deux Camerounais laissés l'abandon?

Il ne s’agit pas là de plaider pour une confusion des pouvoirs, ni pour une remise en cause de l’indépendance de la justice. Simplement un pays où on arrête puis où on maintient en prison sans procès n’est pas une démocratie, et n’en entretient même pas l’illusion. Les prisonniers doivent être jugés puis libérés ou maintenus en détention. Monsieur le Président dites à nos juges, à nos magistrats, au Ministre qui en assure la tutelle, qu’ils tiennent les audiences et rendent leurs verdicts. Monsieur le Président , demain de bon matin, fermez la porte au nez de l’arbitraire et permettez que certes les jugés coupables restent en prison mais que ceux reconnus innocents retrouvent la vie qu’on leur a confisquée. Eux comme la justice de notre pays ont droit à être enfin dans la pleine lumière.

Je vous écris parce que j'ai tant de fois entendu M. Messanga Nyamding dire , à la télé, que vous êtes "un homme généreux". Vous connaissez la vie dans nos prisons M. Le Président: terreaux de la misère et du déclassement. Faites un geste pour ces deux-là mais aussi pour tous les autres qui méritent un procès juste et équitable et je peux vous jurer que je deviendrai alors cette promotrice acharnée de la démocratie que nous cherchons tous, vous et nous, depuis 35 ans.

Auteur: Minouche NANA