LETTRE OUVERTE AU PREMIER MINISTRE, CHEF DU GOUVERNEMENT.
Plus de techniciens et d’ingénieurs pour l’attractivité des investissements: Osons mettre en œuvre des engagements pris il y a dix ans.
Monsieur le Premier Ministre,
Vous avez présidé un conseil de cabinet le 26 mai 2016, au cours duquel la professionnalisation des enseignements et de la formation était au centre des travaux. Une thématique tirée des résolutions de la conférence internationale de Yaoundé sur les investissements, « investir au Cameroun terre d’attractivité ». Rencontre de haut niveau qui s’est tenue sous le patronage du Président de la République, Chef de l’Etat.
En tant qu’acteur de la formation professionnelle et de l’apprentissage, parent pauvre du secteur éducatif au Cameroun, nous nous sommes réjouis que des hautes personnalités du monde des affaires de l’économie, de la finance internationale et du monde politique aient fortement recommandé, « d’accélérer la formation des jeunes générations aux nouvelles technologies qui sont créatrices d’emploi et d’accélérer la formation professionnelle des techniciens et des ingénieurs, si indispensables à l’industrialisation du pays, notamment pour les projets structurants et notre économie agricole ».
Ces recommandations faisaient échos à celles du Président de la République lors de son adresse à la jeunesse le 10 février 2016. En effet, Il déclarait que « Les instituts de formation, publics ou privés, sont appelés à jouer leur rôle pleinement. Ils doivent identifier les métiers nouveaux et adapter leurs programmes en conséquence. »
Notre enthousiasme a quelque peu été douché par les conclusions de ce conseil de cabinet. « Le Premier Ministre a demandé au Ministre de l’Emploi de lui soumettre des propositions conséquentes ».
Nous savons que des engagements concrets et pertinents existent déjà dans le DSCE et les documents de politique sectorielle. Certains existent depuis plus de dix ans. Ne serait-il pas temps d’oser ? D’oser les mettre en œuvre aujourd’hui et maintenant.
conclusions de ce conseil de cabinet. « Le Premier Ministre a demandé au Ministre de l’Emploi de lui soumettre des propositions conséquentes ».
Nous savons que des engagements concrets et pertinents existent déjà dans le DSCE et les documents de politique sectorielle. Certains existent depuis plus de dix ans. Ne serait-il pas temps d’oser ? D’oser les mettre en œuvre aujourd’hui et maintenant.
Le communiqué final nous informe que le Ministre de l’Emploi et de la formation professionnelle a, dans sa présentation, relevé un diagnostic, « le diagnostic établi lors du Forum national sur l’apprentissage, organisé en juillet 2015, a mis en évidence les limites du système actuel, caractérisé par la prédominance de relations d’apprentissage informelles. »
A notre connaissance la prédominance des apprentissages informels est établie depuis plus de 20 ans. Lors du forum sur l’enseignement technique de 1995. On y apprenait que 75 % des techniciens étaient formés sur le tas. Des études faisant le même constat ont été publiées. «Les situations du Sénégal et du Cameroun montrent que la très grande majorité des jeunes sont formés hors système scolaire, dans les dispositifs de l’apprentissage traditionnel » (Richard Walker, 2006).
« Le RESEN à partir de l’analyse des enquêtes de ménages établit que le nombre de bénéficiaires de la formation professionnelle est largement supérieur à la quantité que pourraient générer les seules structures publiques ou privées recensées. Ce constat implique donc l’existence d’un puissant secteur informel de formation non encore maîtrisé. (DSSEF 2013).
L’enquête sur l’emploi dans le secteur informel (EESI1 et EESI2, 2005-2011) est plus précise : « S’agissant de l’apprentissage, la plupart des actifs occupés (66,9%) du secteur informel apprennent ou ont appris leur métier tout seul ou par la pratique. Une frange non moins importante (24,4%) a été formée dans les petites entreprises et seulement 5,3% d’actifs occupés ont appris le métier dans une école technique.». Faut-il rappeler que 90% des actifs au Cameroun exercent dans le secteur informel ?
Monsieur le Premier Ministre, non seulement ce diagnostic est établi depuis des décennies mais en plus, dans les documents de stratégie sectorielle de l’éducation (2005 et 2013) et le DSCE des réponses claires sont énoncées.
Le DSCE prévoyait qu’à l’horizon 2012 :
Les 186 SAR/SM seraient réhabilitées et transformées en centre de formation aux métiers. Projet toujours en attente en 2016 ;
La construction et l’équipement de 10 centres d’information. A ce jour, Un seul est opérationnel. le COSUP de Yaoundé.
Trois Centre de Développement des Compétences construits et équipés et fonctionnels. Aucun n’est en construction.
Nous avons apprécié que vous exhortiez le Ministre de l’emploi et de la Formation professionnelle à accélérer la mise en service des Centres de Formation Professionnelle d’excellence. Une remontée d’information erronée a fait croire au Président de la République qu’ils étaient déjà opérationnels : « je me réjouis de ce que trois Centres Pilotes d’Excellence Professionnelle ont été ouverts à Douala, Limbé et Sangmélima. Le gouvernement y a investi environ 21 milliards, pour assurer le recyclage et la mise à niveau de techniciens supérieurs et autres ouvriers qualifiés », affirmait-il le 10 février 2016.
D’autre part, vous avez, demandé au Ministre de l’Emploi et la Formation Professionnelle de vous soumettre les projets de texte régissant le cadre juridique de l’apprentissage. Qu’il vous plaise que nous vous en suggérions quelques uns.
L’élaboration de la loi de la formation professionnelle.
L’option de déposer un projet de loi en vu d’organiser tout le système de formation professionnelle a été prise en 2005 lors de la conférence des services centraux et déconcentrés du MINEFOP. Le DSCE prévoyait que cette loi serait votée en 2012. Elle ne l’ait pas encore en 2016.
L’harmonisation des certifications.
Depuis 2012 est attendu un travail d’harmonisation des contenus et des profils de sortie des différents types d’enseignement et de formation pour assurer les chances d’opérationnalisation des passerelles, surtout entre le formel et le non formel.
La validation des Acquis et de l’Expérience (VAE)
La validation des acquis de l'expérience est une mesure qui permet à toute personne, quelque soient son âge, son niveau d'études ou son statut, de faire valider les acquis de son expérience pour obtenir une certification professionnelle. Des expériences pilotes seraient encours depuis 2010 dans des universités camerounaises et les textes réglementaires sur la formation permanente étaient attendus en 2012.
Le fonds d’appui à la formation professionnelle.
Les fonds de financement de la formation professionnelle ont été créés dans la majorité des pays d’Afrique Noire francophone autour des années 80 /90 : FAFPA (mali), FDFP (Côte d’ivoire), FODEFCA (Bénin), FONDEF (Sénégal), FAFPCA (Niger) etc… Au Cameroun, le plaidoyer pour la création d’une telle structure s’est fait pressant à partir de 2005. En visite au GICAM en 2007, le Ministre de l’emploi et de la formation professionnelle annonçait l’imminence de la création du fonds d’appui à la formation professionnelle. 237online.com Le DSCE l’a reporté à 2012. Nous sommes en 2016 et point de FAFPA à l’horizon.
La taxe d’apprentissage
Les fonds d’appui à la formation et à l’apprentissage sont pour la plupart financés, en théorie, par le reversement d’une taxe de formation professionnelle perçue par l’État à hauteur d’un certain pourcentage de la masse salariale. Au Cameroun on en parle depuis 2003, notamment dans les textes régissant le fonctionnement de l’ex ministère de l’Enseignement Technique et de la Formation professionnelle (MINETFOP). Le DSCE fixait sa mise en œuvre en 2012. Elle serait toujours en étude.
Le cadrage budgétaire
Le sous financement est une caractéristique de notre système éducatif. En 2016, la loi de finance consacre 12.5% du budget à l’éducation. Loin de la moyenne des pays africains. Loin des engagements du DSCE. Loin des ambitions de l’ODD4, l’un des 17 objectifs pour le Développement durable. L’ODD4 vise à assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie.
Les disparités dans les allocations de crédit de l’éducation demeurent préoccupantes. Le budget du MINEFOP, bien qu’ayant été multiplié par trois depuis sa création, ne représente que 3% de l’enveloppe dévolue au secteur. Une recommandation du second plan décennal pour l’éducation de l’Union Africaine (2006-2015) invitait les états membres à l’équilibre dans le financement de l’enseignement général et l’enseignement et la formation technique et professionnelle (EFTP).
La faiblesse relative des crédits à l’éducation reporte sur les parents une lourde charge financière de sorte qu’un élève de terminale scientifique (voie royale pour devenir ingénieur) paie ses manuels scolaires quatre fois plus chers qu’un tunisien de même niveau d’étude. Elle se traduit également par un sous équipement de nos établissements scolaires. Selon l’enquête PETS2 : 65% des établissements scolaires ne disposent pas Source d’approvisionnement en énergie électrique.
Les bibliothèques sont Inconnues de 84% des écoles ; Plus de 57% d’établissements d’enseignement technique ne possèdent pas d’ateliers.
Nous voulons croire que dans les prochains arbitrages budgétaires que vous rendrez en Septembre pour l’exercice 2017, un accent particulier sera mis sur ce volet.
-Le suivi
Pour conclure vous avez demandé au Ministre de l’Emploi et de la Formation Professionnelle de coordonner les travaux visant à renforcer la cohérence de l’ensemble des initiatives gouvernementales de formation professionnelle.
Sauf meilleure information, vous auriez signé il y a six ans, un arrêté (N°134/PM du 13 août 2010) confiant cette mission à un comité interministérielle sous l’autorité du ministre en charge de la planification.
En outre le DSCE a prévu comme mécanisme de suivi de la stratégie de l’emploi la création d’un Conseil National de l’Emploi (CNE) instance faîtière des Conseil Régionaux de l’Emploi (CRE) et des Comités d’Appui au Développement de l’Emploi Local (CADEL). Des 360 CADEL escomptés, un seul aurait été créé à Bafia par le directeur général du FNE (était-ce à lui de le faire ?).
Formulant le vœu que vous prendrez des décisions fortes avant le 31 décembre 2016, recevez, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre profond respect.