Licenciement de Conceiçao : le communiqué de Narcisse Mouelle qui cache le capharnaüm

Mouellé Kombi

Thu, 3 Mar 2022 Source: www.camerounweb.com

Les péripéties qui ont conduit au limogeage du technicien portugais transpirent un désordre à peine voilé au sein de l’appareillage gouvernemental en matière de football.

« Le ministre des Sports et de l’éducation physique a l’honneur d’informer le public que, sur très hautes instructions de Monsieur le président de la République, répercutées par correspondance n°232/Cf/Sg/Pr du 28 février 2022, le sélectionneur de l’équipe nationale fanion de football masculin, M. Antonio Conceiçao et l’encadrement technique des Lions indomptables, sont remplacés par les responsables ci-après : … », dit le communiqué signé par le patron des sports ce 28 février aussitôt après avoir été instruit par le ministre d’Etat, Secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh. Cette sortie pose trois graves problèmes de dysfonctionnement pour ne pas dire de désordre au sommet de l’Etat. Au niveau de la forme, c’est-à-dire la manière d’écrire le communiqué, on est frappé au premier regard par « Monsieur le Président de la République » qui est écrit en gras. Le message subliminal qui en découle est tout simplement qu’en dépit de tout, il a signé le communiqué parce que c’est Paul Biya qui en a décidé ainsi, même si c’est contre ses propres convictions. Pour mieux comprendre de quoi il en retourne, il faut se rappeler que le 13 février dernier, il y a deux semaines donc, Narcisse Mouelle Kombi, sur les antennes de la Crtv, la télévision de l’Etat, donnait tout son soutien à Antonio Conceiçao pour la poursuite de sa mission à la tête de l’équipe nationale du Cameroun. En y allant, le ministre avait soulevé une vive polémique en indiquant que c’est avec les entraîneurs expatriés que les Lions indomptables ont toujours remporté les trophées. Il avait certainement oublié la médaille d’or olympique (est-ce un trophée ?) remportée avec brio à Sidney en Australie en 2000 par Jean Paul Akono avec les Lions. En signant donc ce communiqué, le grand professeur de droit savait pertinemment qu’il sera la risée de l’opinion car en pareille circonstance, les hommes de conviction rendent le tablier. Sur un point aussi sensible que le football au Cameroun, il aurait montré toute sa dimension en s’en allant avec le coach portugais en qui il avait la confiance qu’il pourrait qualifier l’équipe nationale pour Qatar au mois de novembre prochain. Il ne l’a pas fait, il a résisté comme si le message qu’on lui adressait n’était clair. Soit.

En deuxième lieu, dans le bras de fer qui oppose le ministre à Samuel Eto’o, l’Etat a désavoué le membre du gouvernement et a donné raison au président de la Fécafoot. On devra se rappeler que le 14 février, lendemain de la sortie du ministre sur les antennes du média d’Etat, le patron de la Fecafoot avait publié un communiqué pour recadrer tout simplement le ministre, lui rappelant au passage que ce n’est pas de ses prérogatives de choisir le sélectionneur de l’équipe nationale. Ce fut un tollé même si sur le plan textuel le pichichi était dans son bon droit. Mais une catastrophe au niveau des usages et coutumes administratives. Avec le communiqué de ce 28 février 2022, suivi du limogeage en bonne et due forme sous la signature du maître de Tsinga, il y a comme qui dirait, qu’on ne se retrouve plus dans la façon de faire au sommet de l’Etat. On n’a pas souvenance que Paul Biya ait une fois désavoué aussi ouvertement un de ses ministres !

Et le match contre l’Algérie ?

On se souvient qu’entre autres arguments déployés par Narcisse Mouelle pour marquer sa détermination de garder Antonio Conceiçao en poste, figurait en bonne place la stabilité de l’équipe technique pour affronter sereinement les Fennecs d’Algérie vers la fin de ce mois. Comment donc comprendre qu’on ait attendu de débarquer le technicien portugais à trois semaines de la confrontation ? L’objectif visé est-il sportif ou bien il y a-t-il un autre agenda ? Il est vrai qu’à la débâcle des Lions indomptables en demi-finales de la Can, l’opinion s’était vivement exprimée pour que le technicien qui avait récemment renouvelé son contrat soit débarqué. Il n’y a rien eu. On a choisi de le faire à 24 jours comme pour rendre la tâche un peu plus facile à l’Algérie ! Curieux. Rigobert Song et son hétéroclite équipe, qui viennent d’horizons si différents auront-ils le temps nécessaire de faire monter la mayonnaise pour une qualification tant attendue du Cameroun pour Qatar ? Si le contraire se produisait personne en tout cas ne saurait prononcer le nom de Narcisse Mouelle Kombi. Par ailleurs on peut se surprendre au plan managérial global dans cette affaire, du rôle joué par le Premier ministre Joseph Dion Ngute. Comment comprendre et interpréter que son ministre soit malmené à ce point alors qu’il garde le silence ? Il y a pourtant lieu d’indiquer que le ministre des Sports et de l’éducation physique n’est pas délégué à la présidence de la République comme le sont par exemple ceux de la Défense ou du Contrôle supérieur de l’Etat, entre autres. Le président de la République, himself, serait-il en train de désavouer son ministre des Sports alors que lors de son Message à la jeunesse le 10 février dernier, son satisfécit juste à la sortie de la Can était un acquis ? A moins d’un mois de la double confrontation cruciale entre le Cameroun et l’Algérie, n’est-on pas là en train d’allumer le feu de la discorde entre les différents maillons qui doivent construire la victoire des Lions indomptables ? Les 25 et 29 mars prochains, la réponse sera dite. Avis.

Auteur: www.camerounweb.com