Marafa Hamidou Yaya, despotisme légal au Cameroun

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Tue, 1 Nov 2016 Source: Olivier Tchouaffe

En réponse à la tragique catastrophe ferroviaire d’Eseka du 21 octobre 2016, où selon les autorités camerounaises, 79 personnes ont péri et des milliers ont été blessés, Marafa Hamidou Yaya a interpellé le réticent président camerounais à s’impliquer personnellement.

Juste mettre une valeur financière sur les morts et payer les factures d’hôpital des blessés, avant de redécoller vers la Suisse pour des vacances répétitives et prolongées, n’est pas une option cette fois. De même, cette intervention énergique de Marafa n’est pas la première.

#CamerounaisOrdinaires En 2011, il avait déjà averti le Président, qui était alors limité à deux mandats de (07) sept ans par la constitution, de ne pas se représenter comme président à vie. Cet avis a été considéré comme un crime de lèsemajesté par le chef de l’État et Marafa est maintenant  confiné dans une cellule carcérale.

Le Président a choisi de faire valoir ses privilèges monarchiques contre les avis courageux de Marafa, qui était pourtant présenté comme un cacique du régime. Ce devoir de préserver les droits constitutionnels des Camerounais ordinaires a été remercié par la privation de ses droits civils et politiques. Le régime de Yaoundé a pris la triste habitude d’incarcérer tous les Camerounais qu’il estime être des menaces en son sein. En effet, toute critique du statu quo dictatorial en place est considéré déloyale et dangereuse par le régime de Yaoundé.

Dès lors les personnalités considérées comme concurrents politiques sont aussitôt emprisonnées après des jugements expéditifs prononcés par une justice aux ordres pour donner l’apparence de rester dans les limites de la légalité. Nous avons appelé cette supercherie «despotisme légal ». Il s’agit bel et bien de despotisme légal parce que les accusés n’ont aucune chance d’avoir raison devant la Cour, y compris des membres de haut rang du régime tel que Marafa. La conséquence visible de ce despotisme légal est de terrifier n’importe quel autre camerounais ordinaire afin d'évacuer ce qui est perçu comme du radicalisme politique de la sphère publique et privée.

Mettant en sourdine la paralysie de son propre sort carcéral, Marafa comprend que les Camerounais ordinaires méritent beaucoup plus que des mascarades de justice. Ils méritent beaucoup plus que le sacrifice perpétuel. En effet, la présidence monarchique au Cameroun tire sa puissance de ce que le philosophe italien Giorgio Agamben définit comme vitae necisque potestas, le droit absolu du père sur la vie et la mort de son fils. Le président comme Pater– le père –les Domus-– le dominateur a le pouvoir de tuer ce qu’il a mis monde. Comme les Camerounais sont des «créature de Paul Biya» selon son ministre Jacques Famé Ndongo, ce pouvoir de vie et de mort donne naissance au concept d’Homo Sacer.

Homo Sacer ne veut pas dire vie sacrée – mais c’est tout simplement la prérogative singulière du chef de l’État de donner la mort et à ce titre, le sacrifice devient la langue de la loi. Le président avait reconnu ce pouvoir de vie et de mort lors d’une de ses rares et célèbres interviews accordé en 1984 à l'ancien présentateur du journal télévisé de la télévision nationale M. Éric Chinje . Ce despotisme légal est rappelé maintes et maintes fois aux Camerounais ordinaires, comme à l'occasion de cette catastrophe d’Eséka où il leur est à nouveau inculqué qu’ils ne seront jamais traités comme des citoyens dans un régime juridique qui exige le sacrifice.

Après avoir fait partie de ce régime, Marafa Hamidou Yaya a surtout le mérite et l'intelligence de comprendre que, dans l’ensemble, les vices de certains dirigeants peuvent être excusés pour leurs brillantes vertus et performances. Par contre maintenir des hommes de petites vertus indéfiniment au pouvoir est une catastrophe pire qu’Eseka.

Auteur: Olivier Tchouaffe