Ce sont les deux visages les plus connus de Laakam. Ses seules voix audibles. Normal, Sindjoun Pokam et Jean Claude Shanda Tonme se présentent comme les porte-parole de cette association créée pendant les années 90 pour la défense des intérêts des Bamilékés. Sauf que l’universitaire et l’internationaliste ne font pas l’unanimité, mais suscitent plutôt la controverse voire l’indignation à chacune de leur sortie.
C’était encore le cas le 31 octobre 2017, après la divulgation d’une correspondance adressée au chef de l’Etat, ayant pour objet « protestation contre la discrimination subie par les Bamilékés dans les nominations et les promotions officielles ». « Laakam, écrivent-ils, dans sa quête de justice et de vérité, vient de prendre connaissance du décret du 24 octobre 2017 portant nomination de responsables dans les services extérieurs du ministère de la Communication. Laakam observe, à l’analyse de cette importante décision, qu’aucun Bamiléké ne figure dans les personnels ainsi promues ».
Obligeant ainsi le secrétaire général du Mincom, Félix Zogo, à rappeler aux signataires de cette correspondance que l’Ouest occupe quatre postes de directeurs dans les services centraux sur les 11 pourvus. Comme s’ils faisaient une fixation sur ce département ministériel, en septembre 2015 déjà, Sindjoun Pokam et Shanda Tonme s’insurgeaient contre la « marginalisation des Bamilékés» dans les nominations à la CRTV en s’en prenant à son PCA accusé de « vouloir chasser purement et simplement les Bamilékés de tous les postes de responsabilité ».
Tollé général
Le tollé provoqué par leur dernière sortie tient aussi à leur volonté de convaincre l’opinion que cette supposée marginalisation des Bamilékés constitue une option prise au sommet de l’Etat. « Il s’agit en effet d’une pratique devenue emblématique de doctrine quasiment officielle de notre administration publique, laquelle consiste à exclure, à ignorer voire à proscrire les Bamilékés des postes de responsabilité officielle. Elle est valable pour tous les grands corps de l’Etat sans exception.
Le nombre de magistrats, de préfets, de sous-préfets, de douaniers, d’inspecteurs des Impôts, de commissaires de police, de directeurs d’administration centrale attribué aux Bamilékés est aujourd’hui réduit à une insignifiante proportion (moins de 5%). Plus on monte, plus la tendance est de 0 % tout court », notent les deux mousquetaires. Une autre manière de soutenir que Paul Biya a instauré une politique de marginalisation des Bamilékés, tant une telle option ne saurait prospérer à l’insu et sans l’aval du président de la République. Or le soutenir, c’est oublier que c’est précisément par la seule volonté du chef de l’Etat que Marcel Niat Njifendi a été porté à la présidence du Sénat, faisant ainsi de lui la deuxième personnalité de l’Etat, et Jean Nkuété au secrétariat général du Comité central du RDPC.
Autant dire que s’il y avait vacance à la présidence de la République aujourd’hui, ils seront les acteurs de premier plan de la transition. A tout le moins parce que c’est le président du Sénat qui la gérerait et aurait la charge de l’organisation de l’élection présidentielle. Jean Nkuété se poserait alors forcément en arbitre, dans la mesure où le RDPC est la plus grande machine électorale du Cameroun.
Acteurs de la transition
Minimisant ce choix délibéré, Shanda Tonme, qui semble avoir pour seule ambition intellectuelle l’instrumentalisation de la cause tribale bamiléké, et son compagnon veulent en toile de fond soumettre l’unité nationale à un chantage en règle lorsqu’ils notent : « Laakam rappelle que l’Ouest dans sa généralité et les Bamilékés dans leur particularité, ont fait montre jusqu’ici d’un patriotisme, d’une retenue et d’une sagesse exceptionnelle sur le nouveau débat suscité légitiment par la situation dans les régions anglophones du pays, bien que les discriminations et les marginalisations invoquées à la source des mouvements d’humeur et de la révolte ne soient pas éloignées de leurs propres soucis ». Un encouragement et un appel à la révolte populaire susceptibles de mettre la loi à leur trousse.
Ce faisant, ils oublient que la communauté bamiléké, sans doute la plus intégrée du Cameroun, n’est pas moins choyée à plusieurs égards par le Renouveau. Qu’elle est moins à plaindre d’un autre point de vue que certaines autres, y compris dans la région natale du chef de l’Etat. Mal en prendra aussi à Sindjoun Pokam et Shanda Tonme, car la première salve et la plus violente contre leur entreprise aux desseins inavoués a été tirée par Benjamin Zebaze, Bamiléké comme eux. Le journaliste, dans une tribune au vitriol en réaction à cette sortie, marque d’emblée son étonnement que «les Bamilékés ne sortent en nombre pour dénoncer cette énième imposture, qui est une honte ».
Enième imposture
L’acteur médiatique bien connu ne cache pas sa déception: « Nous avons été nombreux, dans les années 90, à soutenir la création de cette association (…) qui, croyions-nous, allait contrecarrer les actions du groupe opposé ‘’Essingan’’. Très vite, on a compris que des membres de l’élite dirigeante de l’Ouest avaient trouvé un moyen de se faire un peu d’argent en manipulant la communauté au profit du pouvoir ».
Pour lui, le Laakam, aujourd’hui pris en otage par le duo Shanda Tonme-Sindjoun Pokam, n’est plus qu’un épouvantail. « Je ne cesse de faire comprendre aux Bamilékés en général, aux jeunes en particulier, que leur principal ennemi est constitué de son élite égoïste qui attise leur haine contre l’élite béti avec qui elle pactise de manière ostentatoire pour piller ce pays ». Pour contrer ces manoeuvres dolosives de Sindjoun Pokam et de Shanda Tonme, il propose une voie : «Jeunes Bamilékés, ne laissez pas des imposteurs continuer à vous faire humilier ; prenez votre destin en main. Renvoyez les gens de ma génération et celle qui l’a précédée à la retraite. Retrouvez vos frères du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest pour bâtir un nouveau Cameroun où il n’y aura plus de place pour des associations mafieuses comme le Laakam et Essingan ».